Mathieu Winand : « Au Luxembourg, le sport est un outil de cohésion sociale et d’intégration »

Depuis 20 ans, le sport luxembourgeois progresse. De nombreuses entreprises ont une part importante dans cette dynamique. Moien Mental a pu s’entretenir avec Mathieu Winand, responsable du département de management du sport international de la LUNEX University, pour parler du sport au Luxembourg, du marketing sportif et du contexte luxembourgeois pour enseigner le management du sport.

Comment le programme de management du sport à LUNEX University intègre-t-il les spécificités du contexte luxembourgeois dans le sport ? 

C’est important pour nous que les étudiants connaissent le contexte luxembourgeois. Il y a des cours qui s’y prêtent comme celui sur la politique sportive. Et nous faisons très régulièrement intervenir des organisations sportives luxembourgeoises dans nos cours, par exemple des fédérations sportives. Dernièrement la fédération d’athlétisme. Des personnes importantes dans le sport au Luxembourg interviennent aussi dans nos cours pour parler de leur expérience, par exemple Andy Schleck. C’est aussi ce qui les rend plus intéressants pour nos étudiants. Nous visitons aussi des organisations sportives comme le COSL, ou des infrastructures sportives au Luxembourg, telle que la Coque. Cela ne s’arrête pas au Luxembourg et nous avons aussi des expériences internationales, comme par exemple un voyage d’étude à Lausanne, la capitale olympique.


Quels sont les principaux défis auxquels les professionnels du management du sport au Luxembourg sont confrontés aujourd’hui ? 

Il y en a plusieurs et cela dépend aussi de l’objectif de leur organisation, plus orienté performance et haut niveau, ou orienté pratique sportive et santé. Un de ces défis est certainement d’ordre financier. C’est trouver les moyens de ses ambitions et pour un pays comme le Luxembourg, obtenir des sources de financement et des partenariats solides dans le secteur privé reste un challenge. Les professionnels du management du sport doivent se démarquer, intéresser le public et les fans, utiliser les outils numériques pour engager leurs fans et se faire connaître. Ensuite, si l’on prend le volet compétitif, concourir à l’international contre des nations qui investissent aussi dans le sport de haut niveau est un défi de chaque instant pour les managers qui doivent soutenir la détection et le développement de talents en établissant des plans et des programmes pour cela. Ces défis nécessitent des compétences en management stratégique, en marketing, en management des ressources humaines et financières, en leadership, qui sont appliquées au secteur sportif, tout ce qu’ils peuvent apprendre à LUNEX.


Le Luxembourg est un ovni dans le monde du sport, avec un système entre l’amateur et le professionnalisme. Quels sont les inconvénients et les avantages de ce système particulier ? 

Je ne dirais pas que c’est un ovni, il y a beaucoup d’autres pays qui balancent entre l’amateur et le professionnalisme. Et ça dépend aussi beaucoup du sport. Aussi, dans les pays qui ont un système plus professionnel, il reste beaucoup de sport amateur. Ce qu’il faut éviter, c’est de parler d’amateurisme, car c’est une notion péjorative. Le Luxembourg est un pays de sports de tradition, plutôt sport amateur, avec une forte dépendance au volontariat. C’est un avantage, car les bénévoles font tourner le système, et sans eux pas de structure, ni de compétition. Mais c’est aussi un souci quand il en manque.

« il faut une meilleure reconnaissance des professions du sport et une amélioration des structures »

Un autre grand avantage est un accès démocratique à la pratique sportive. Et cela suit une volonté politique, qui est louable, du sport pour tous. Néanmoins, un modèle amateur peut difficilement atteindre des objectifs de haut niveau. Les ligues semi-pro sont moins compétitives et les sources de financement privées sont moindres. Par exemple droits TV, sponsors majeurs, etc. Il peut y avoir moins d’opportunités de croissance. Le haut niveau passe par la professionnalisation des structures et du personnel. Il semble qu’il y ait une ambition grandissante de résultats sportifs internationaux, dans plusieurs disciplines sportives. Pour cela, il faut une meilleure reconnaissance des professions du sport et une amélioration des structures. Avoir LUNEX au Luxembourg, cela aide certainement, car nous formons les leaders de demain, et nous aidons les organisations sportives dans divers projets.


Quelle est la place de l’Esport au sein des études chez LUNEX University ? 

L’Esport est important. Nous en sommes conscients et nous le répercutons dans nos cours. Nous en parlons en classe et nous avons certains étudiants qui ont fait des stages dans des organisations de l’Esport ou leur travail de fin d’études sur l’Esport. C’est un sujet que nous continuons à développer, car il prend de l’ampleur et il y a des opportunités d’emploi dans l’Esport. Nous avons lancé un certificat en Esport Performance en collaboration avec Orange et la FLF pendant l’Orange eLeague, en regroupant différentes expertises à LUNEX en management, communication, psychologie, entraînement et santé. Quelqu’un qui souhaite travailler dans ce domaine peut venir chez nous et réaliser son rêve d’y travailler un jour.


Parmi les cours que vous proposez dans votre Bachelor, on retrouve la compréhension de la place du sport dans notre société. Pour vous, quelle est cette place au Luxembourg ? 

Oui, nous avons un cours sur la sociologie du sport. On y aborde plusieurs sujets importants pour comprendre la place du sport dans notre société telle que les valeurs sportives, la socialisation par le sport, la santé, mais aussi la discrimination et les déviances dans le sport. Il faut prendre conscience que le sport a des vertus, mais aussi des travers. Au Luxembourg, plus particulièrement, le sport est un outil de cohésion sociale et d’intégration. Ce qui est très important pour un pays comme le Luxembourg qui a une démographie particulière. L’éducation aux valeurs sportives est enseignée à l’école et en clubs. Ces derniers jouent un rôle essentiel de socialisation qui permet à chacun de trouver sa place dans notre société. Le sport est encouragé afin d’avoir un mode de vie sain et actif. Il y a encore du travail au niveau de l’identité sportive nationale, mais des choses sont mises en place pour créer ce sentiment d’appartenance et de fierté. À voir lors des Jeux de Paris en 2024.


On retrouve également le marketing sportif dans vos programmes de cours. Comment voyez-vous justement la place du marketing sportif au Luxembourg ? 

Le marketing sportif joue un rôle de plus en plus important au Luxembourg. Il y a une plus grande reconnaissance de l’impact économique et social du sport. C’est aussi une nécessité pour les organisations sportives de se promouvoir et de se financer. Il faut distinguer le marketing à travers le sport et le marketing du sport. Le premier est un marketing qui utilise le sport comme moyen de promotion de produits ou de marques qui ne sont pas liés au sport. Typiquement, un sponsor qui soutient une équipe. Le deuxième est la promotion du sport et des événements sportifs en tant que tels, vers les fans et pratiquants. Il y a, bien sûr, les deux au Luxembourg, mais il est vrai que chacun de ces types de marketing pourraient être mieux développés et plus créatifs. La promotion du sport et d’événements sportifs pourrait être mieux relayée, plus ambitieuse, et plus attractive. Un plus grand engouement marquerait un plus grand intérêt pour des partenaires privés ou publics. Il y a tout de même de beaux exemples, comme le Tour cycliste de Luxembourg qui est une référence et a le soutien de partenaires clés. Nos étudiants en management à LUNEX ont d’ailleurs contribué lors de différents projets à améliorer sa promotion et son marketing.


LUNEX University travaille avec la FLH et la FLF entre autres. Pourquoi est-il important pour vous d’être directement en collaboration avec les fédérations de divers sports ? 

Oui, nous collaborons avec les fédérations sportives luxembourgeoises lors de projets étudiants, de stages ou de projets réalisés par les Professeurs de LUNEX. Cela permet non seulement d’offrir aux étudiants des exemples concrets, et de développer leur connaissance du sport et leur réseau de relations, mais aussi de contribuer à soutenir le sport au Luxembourg. Nous sommes en lien avec plusieurs fédérations qui ont des demandes ou besoins spécifiques. Par exemple, nos étudiants de Master ont collaboré avec la FLA pour organiser le CMCM 2023, une compétition internationale d’athlétisme indoor à la Coque. Nous avons aussi été sollicités pour l’élaboration du plan stratégique de la FLF. Certains exemples parmi d’autres.


Vous qui travaillez dans le sport, quelle est votre vision de la place du sport au Luxembourg et comment cela évolue ? 

Il a une place importante dans l’éducation en club et à l’école. Et cela doit et devrait rester.

« Le sport au Luxembourg est un sport qui rassemble, un sport d’intégration, un sport de passion »

L’évolution, ces dernières années, est une ambition sportive de haut niveau. Les moyens et les infrastructures sont mis en place. Il y a une volonté de plus en plus affirmée de gagner et d’inspirer. On le voit dans beaucoup de disciplines et notamment dans celles du programme des Jeux olympiques. Ce qui sera important, c’est de capitaliser sur cet investissement du haut niveau pour faire en sorte de créer une culture sportive, une identité sportive nationale, qui inspire chacun à être actif.


Ressentez-vous encore une forme de réticence de certains parents à l’idée de laisser leurs enfants étudier dans le monde du sport au Luxembourg, ou les mentalités évoluent-elles ?

Les étudiants suivent leur passion, et ils ont raison. C’est mieux de s’en rendre compte au commencement de ses études qu’après et devoir tout recommencer.

Il y a une plus grande prise de conscience maintenant que l’on doit faire quelque chose qui nous plaît et le sport plaît à beaucoup. Vivre de sa passion, c’est idéal. Les parents qui n’ont pas nécessairement eu cette opportunité-là veulent que leurs enfants puissent les avoir. En plus, les parents comprennent de plus en plus que le management, c’est porteur. Cela amène d’autres opportunités et une belle carrière dans le public ou le privé.

© Prof. Dr. Mathieu Winand, LUNEX University
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