Chris Auger : « Ma motivation est toujours la même »

À 39 ans, le portier des Red Boys et de la sélection nationale est l’une des figures du handball luxembourgeois depuis les années 2010. Il revient notamment sur son rapport au handball, évoque « le bon moment » pour arrêter, ainsi que ses projets pour la suite dans un sport qui lui a tout donné. 

À bientôt 40 ans, vous êtes toujours actif dans le monde du handball luxembourgeois. Votre motivation est-elle toujours aussi grande ?

Oui, sinon j’aurais arrêté déjà bien plus tôt ! Mais je dois dire que ce n’est plus aussi facile qu’il y a dix ans. Physiquement c’est plus compliqué, et à l’époque, le handball avait une place centrale dans ma vie. Aujourd’hui j’ai des enfants, une vie de famille, d’autres préoccupations. Même si je vis toujours mal les défaites, avant ça pouvait me miner pendant plusieurs jours. Là, une fois que je suis sorti du gymnase, ça va déjà un peu mieux. Mais ma motivation est toujours la même, sinon cela ferait bien longtemps que j’aurais raccroché.

Quand est-ce que vous vous direz ‘’c’est le bon moment pour arrêter’’ ?

J’ai un peu de mal à le savoir. On me demande régulièrement si je vais continuer à jouer pendant longtemps, et je n’arrive pas trop à répondre. J’ai envie de continuer, mais il y a plusieurs facteurs à prendre en compte pour ça. Parfois, je pose la question à des copains qui ont arrêté. Certains ont connu des blessures à répétition, d’autres n’avaient simplement plus envie… Pour le moment, je n’ai expérimenté ni l’un ni l’autre. Enfin, il y a quelques blessures ici et là, mais globalement, ça va plutôt bien. Donc je suis entre deux eaux. Parfois je me dis que j’ai fait le tour de la question, et d’autres je me dis que non. Quand ce sera le moment d’arrêter, j’espère que ça viendra comme une évidence.

En 2021, vous avez quitté votre club de toujours au Luxembourg, le HB Käerjeng, pour signer aux Red Boys. Est-ce qu’il y aura toujours un sentiment de regret d’avoir dû partir de cette façon ?

À l’époque, avec le projet que le coach avait pour moi, on a vu que ça n’allait plus fonctionner avec Käerjeng. À ce moment-là, je me suis dit que c’était le moment d’arrêter. Finalement, les Red Boys m’ont sollicité et j’ai signé là-bas. Maintenant, est-ce qu’il y a un petit regret… oui, ce n’est pas la fin que je m’étais imaginée avec Käerjeng. J’ai tout vécu avec ce club, des titres de champion, des épopées en Coupe d’Europe. S’il y a cinq ans, on m’avait dit que j’irais jouer aux Red Boys, j’aurais dit que c’était impossible. Ça reste mon club de cœur, car j’ai un attachement particulier avec lui, et je suis content de les voir à cette place aujourd’hui dans la lutte pour le titre.

L’année dernière aussi, vous aviez décidé de prendre votre retraite internationale avant de faire machine arrière. De quoi a découlé cette décision ?

En sélection nationale, si on n’arrive pas à se qualifier pour la phase suivante, on repart à zéro tous les deux ans. Comme on avait perdu les deux phases pour le Mondial et le Championnat d’Europe, on savait qu’on allait repartir sur un nouveau cycle de qualifications contre des nations de niveau inférieur comme la Bulgarie, Chypre… Donc je m’étais dit que c’était le meilleur moment pour arrêter, laisser la place aux autres gardiens, aux jeunes. Mais certains événements ont fait que finalement, on s’est retrouvés qualifiés pour les éliminatoires de l’Euro.

Et à ce moment-là ?

Là, le sélectionneur m’a dit que c’était dommage que je n’y participe pas alors que j’avais participé aux phases précédentes, donc je n’ai pas vraiment hésité à revenir. Quand il a été prolongé, il m’a demandé si ça m’intéressait de revenir. 

Vous avez d’ailleurs retrouvé Nikola Malesevic à Differdange il y a quelques semaines…

Je connais Nikola depuis quinze ans et l’époque du Nancy Handball en professionnel. La situation à Differdange n’était pas simple depuis le début de la saison, et trouver un entraîneur en cours d’exercice est difficile. Un entraîneur étranger aurait mis un peu de temps pour s’adapter au handball luxembourgeois, lui était libre et a déjà prouvé ses qualités au Luxembourg. Quand le club a sollicité mon avis, j’ai tout de suite dit qu’il fallait foncer. Je connais l’homme et le technicien, et pour nous c’est une chance d’avoir un mec comme lui.

Pour la suite de votre carrière, devenir entraîneur est-il un objectif ? 

Depuis très longtemps, le métier d’entraîneur m’intéresse. J’ai déjà passé quelques formations, et en temps normal, j’ai toujours analysé mes entraîneurs, leur façon de fonctionner. Je suis toujours en réflexion par rapport à ça. À travers mon fils, je suis aussi beaucoup les catégories de jeunes U11 et U13. Ça m’intéresserait de commencer avec les jeunes dans un premier temps. Le travail de formation est important et les jeunes – jusqu’aux U13 surtout – absorbent très vite. Ensuite, la finalité serait de prendre en main une équipe senior. 

Au début de votre carrière, vous avez joué deux saisons en tant que professionnel au Nancy Handball. Auriez-vous aimé avoir une carrière professionnelle ?

J’ai joué pendant dix ans à Thionville, en troisième division française, avec un fonctionnement similaire au Luxembourg, qui comptait certains joueurs professionnels et d’autres amateurs. J’ai eu la possibilité de devenir professionnel au Nancy Handball pendant deux ans, mais au même moment, j’ai rencontré ma femme, qui est originaire de Pologne et qui avait trouvé un emploi au Luxembourg. J’étais très content d’être joueur professionnel, je pouvais me concentrer uniquement sur la performance, mais j’ai aussi constaté que ce n’était peut-être pas vraiment fait pour moi de devoir s’entraîner deux fois par jour, par exemple. Et puis au fil des contrats, c’est parfois dur de devoir déménager. Je suis devenu professionnel à 27 ans. Si j’avais eu 20 ans, ça aurait été plus facile pour moi de prendre mon sac et d’aller jouer ailleurs, à des centaines de kilomètres. J’aurais pu continuer à Nancy, qui m’offrait une prolongation de deux ans, mais j’ai eu l’occasion de trouver un club et un emploi au Luxembourg, donc j’ai choisi cette option. 

D’ailleurs, comment est-ce que vous vous êtes retrouvé à jouer au poste de gardien ?

C’est un petit coup de chance. Quand j’étais jeune, j’ai grandi assez vite et je jouais dans une catégorie supérieure. Comme ils n’avaient pas de gardien, je me suis dit que si je jouais dans les buts, je jouerais tout le temps (rires). Donc c’est comme ça que ça a commencé !

Quel est le meilleur souvenir de votre carrière ?

C’est difficile de choisir un seul moment. En France, j’ai fait ce que l’on appelle le sport-études, l’équivalent du Sportlycée ici au Luxembourg. Gagner le Championnat de France des lycées était incroyable. Là-bas, j’ai été formé pour jouer et gagner, c’est ce qui a lancé ma carrière. Ma période professionnelle à Nancy, ça a aussi été quelque chose d’unique, dont je me souviendrai toute ma vie. Et à Bascharage, j’ai tout connu, mais ce qui m’a marqué ce sont les victoires en Coupe. C’est toujours un événement de jouer une finale de Coupe à la Coque, où il y a toujours du monde. 

À l’inverse, retenez-vous un pire souvenir ? 

Sans aucun doute la défaite en Italie avec la sélection, avec un but au buzzer sorti de nulle part qui touche ma jambe juste avant de rentrer. C’est la seule fois de ma carrière où j’ai pleuré à la fin d’un match, et la seule fois où il n’y avait pas un bruit quand je suis entré dans un vestiaire. Tout le monde était dépité. On avait donné plus que ce que l’on avait à donner, et on était passés tout près d’une grande victoire. C’était un ascenseur émotionnel affreux.

Finalement, que vous a apporté le handball dans la vie ?

De la discipline, parce que pour jouer au haut niveau, tu as beau être talentueux, tu es obligé d’être discipliné, mais aussi et surtout des émotions et du partage. Le poste de gardien, c’est un sport individuel au sein d’un sport collectif, et c’est aussi ça qui fait sa beauté. Et les émotions que j’ai pu vivre pendant ma carrière, c’est plus fort que tout. Les bons sentiments comme les mauvais. 

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