Chloé Luthardt : « Je n’étais pas prête à redevenir joueuse à 100%, j’ai décidé de les soigner »

D’abord joueuse au Racing Union Luxembourg, Chloé Luthardt a décidé suite à un enchaînement de blessures, de mettre ses études de kinésithérapeute au profit de son club, dans un rôle « kiné-joueuse » ou elle s’épanouit pleinement. 

Pour ceux qui ne te connaisses pas, peux-tu te présenter en tant que joueuse déjà ?

J’ai d’abord joué au tennis pendant 14 ans avant de commencer le foot à mes 17 ans au CSO Amnéville, à côté de chez moi. Après 3 saisons là-bas, je suis arrivée au Racing pour la saison 2019-2020. Entre le Covid et une grosse blessure au genou, je n’ai pas eu beaucoup de temps de jeu mais c’est maintenant ma 4ème saison au club et la première en tant que joueuse-kiné « officiellement ». 

Justement, parallèlement tu suis des études de kiné, peux-tu nous dire ou en es-tu dans ton parcours, comment est née cette passion ?

J’ai commencé mes études de kiné à Lunex (Differdange) la même année que mon arrivée au Racing. Je suis actuellement au milieu de ma première année de master et serai diplômée si tout se passe bien fin 2024. Depuis toute petite, j’ai toujours été très intéressée par le côté médical et passionnée par l’anatomie humaine et le sport. J’avais alors choisi de faire des études de médecine mais j’ai finalement fini par basculer vers la kiné, ce qui me paraissait être le meilleur compromis entre la médecine, le sport et le fait d’être toujours au bord du terrain. 

Qu’est-ce qui t’a poussé à passer de l’autre côté de la barrière joueuse à staff ?

A mon arrivée au Racing, dès qu’une joueuse se blessait j’avais toute suite ce réflexe de regarder si ce n’était rien de grave et lui donner quelques conseils pour se soigner. Plus j’avançais dans mes études et plus j’étais capable d’offrir de vrais conseils voire les premiers soins. Lors du tout premier entrainement après la période Covid, je me suis blessée au genou. Rupture du ligament croisé antérieur pour la deuxième fois, en 5 ans. Connaissant très bien cette blessure je savais que j’allais être écartée du terrain pendant un long moment. M’occuper des filles était alors pour moi logique si je voulais pouvoir rester au sein du groupe et me rendre utile pour l’équipe. C’est donc là que j’ai commencé à déjà m’investir un peu plus en tant que kiné. Mais c’est seulement depuis cette année que je suis la kiné officielle de l’équipe. La saison dernière a été compliquée pour moi. Malgré une bonne rééducation, étant la deuxième fois que je me faisais opérer du genou, j’avais beaucoup de mal à suivre le rythme ainsi que l’intensité de la saison et je n’étais pas prête à redevenir joueuse à 100%. Avec l’accord du club, j’ai alors décidé de prendre un peu de recul pour me remettre en forme de mon côté, à mon rythme et de plus me consacrer au rôle de kiné. C’était le meilleur compromis pour moi, ça me permettait de pouvoir pratiquer la kiné presque tous les jours en parallèle de mes études, offrir un suivi constant aux joueuses et aussi me permettre de rester au club avec mes amies, ce qui me tenait beaucoup à cœur. Depuis quelques mois, l’état de mon genou s’est amélioré et j’arrive à reprendre petit à petit avec le groupe, tout en continuant les soins des joueuses en parallèle. 

Comment se déroule ta semaine en tant que kiné au club ? Quelles sont les blessures les plus fréquentes que tu soignes ?

Le plus important est d’avoir une bonne organisation et communication avec le staff. A chaque entrainement je suis disponible pour les soins avant, pendant ou après la séance si nécessaire. Cela dépend aussi de si je m’entraine ou non. Mais dans tous les cas je viens au moins 1h avant la séance et reste un peu après. Les filles m’envoient un message dans la journée si besoin ou alors c’est moi qui les contacte en fonction des blessures pour organiser les séances. Je prépare aussi les programmes pour les joueuses revenant de grosses blessures et parfois des programmes de prévention individuelle si besoin. Pour le reste (prévention générale et suivi du poids) tout est géré avec l’ensemble du staff (coachs et préparateur physique). 

C’est parfois difficile de gérer le côté joueuse et kiné en même temps mais les filles et le staff me mettent dans les meilleures conditions pour que j’y arrive. Il ne faut pas oublier que tout cela reste un travail d’équipe. En tant que kiné, il est très important pour moi de pouvoir travailler en accord avec Elodie (la coach). On communique beaucoup par rapport à l’état physique des joueuses et elle soutient toujours mes décisions si je trouve nécessaire de faire souffler un peu certaines joueuses. 

Le plus difficile reste les jours de match où là le temps est compté et je dois réussir à préparer les joueuses et moi-même avant le début de la causerie.

Je pense que les blessures que je rencontre le plus souvent sont celles qui touchent le genou. C’est parfois impressionnant de voir à quel point cette articulation est touchée dans le foot féminin. S’en suit les chevilles, avec quelques entorses et les blessures musculaires (contractures) principalement au niveau des ischio-jambiers, quadriceps ou mollets. J’ai aussi dû faire face à des blessures plus sérieuses et complexes, notamment en début de saison mais heureusement pour les joueuses et pour moi tout s’est bien passé et elles sont aujourd’hui de retour sur le terrain. 

Les kinés ont souvent un rapport particulier avec les joueurs(euses), est-ce que tu as découvert une autre relation avec elles ?

J’ai toujours eu une bonne relation avec les joueuses du fait que je joue moi-même dans l’équipe, mais c’est vrai que depuis que je suis kiné elle a encore évolué. Une vraie relation de confiance s’est installée. Elles comptent sur moi pour les soigner et je compte sur elles pour suivre les protocoles de rééducation et revenir vite sur le terrain. Même si parfois je peux avoir le mauvais rôle et prendre la décision de laisser la joueuse au repos, elles ne m’en veulent jamais trop longtemps car elles savent que je ne veux que leur bien. 

Être blessé entraine souvent un sentiment de frustration et de doutes que je connais bien ayant moi-même connu de grosses blessures donc j’essaye de me rendre le plus disponible possible pour elles.  Je suis toujours à l’écoute lors des soins, elles peuvent se confier à moi et je les aide à relativiser et relever la tête si jamais c’est nécessaire. 

Est-ce que tu as le sentiment que les joueuses, de manières générales dans les clubs, font attention à leur corps ou est-ce qu’on est encore loin de ce qu’il faudrait pour la compétition ?

Je pense que cela relève de la responsabilité de chaque joueuse. Bien sûr le staff est là pour le rappeler à son effectif, mais chaque joueuse doit être consciente que si on veut des résultats sur le terrain, il faut aussi y mettre tous les ingrédients en dehors. 

Mais dans un milieu semi-professionnel ou la majorité des joueuses travaillent toute la semaine ou alors font leurs études, il est compliqué voire impossible d’avoir les mêmes conditions de vie que dans le milieu professionnel, que ce soit par rapport au sommeil, à l’alimentation ou au temps dédié aux soins. Je pense que les joueuses capables de répondre présente tout au long de la saison sans trop de blessure sont celles qui respectent le plus tout ça même s’il peut y avoir quelques exceptions. 

Quels conseils donnerais-tu aux plus jeunes joueuses ?

Pour moi le corps humain est la plus belle machine du monde. Il est donc très important d’en prendre soin et de ne pas penser qu’il est infaillible. 

Écouter son corps et ne pas forcer sur les blessures est primordial car même si on se sent jeune et en forme, certaines blessures mal soignées peuvent avoir des répercussions bien plus tard. 

Mon meilleur conseil pour les plus jeunes joueuses serait de s’assurer un suivi constant. Ne pas hésiter à consulter un kiné ou médecin quand cela est nécessaire, car mieux vaut prévenir que guérir. 

De plus, faire attention à leur mode de vie. Avoir une bonne hygiène de vie n’est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain mais qui s’acquière au fil des années. Alors au tant commencer le plus tôt possible, si elles veulent avoir une longue carrière et limiter les blessures.

Betty Noël

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