Simon Banza, de Pétange au Bernabéu

Auteur d’un triplé en sept minutes face à Portimonense samedi, Simon Banza s’éclate du côté de Braga, où il est meilleur buteur du championnat portugais. La juste récompense après un parcours semé d’embuche pour l’attaquant passé par Pétange, qui va découvrir mercredi le Santiago-Bernabéu face au Real Madrid.

Un but sur penalty pour s’échauffer, un enchaînement pied gauche, pied droit dont il a le secret et un but de renard de surface d’une précision chirurgicale. Le tout, en sept minutes. Face à Portimonense, Simon Banza, passeur décisif plus tôt dans la rencontre, a étalé toute sa panoplie pour mettre définitivement KO les joueurs de Portimão, déjà menés 3-1 avant le début du show Banza.

L’attaquant du SC Braga est actuellement meilleur buteur de Liga Portugal, avec 10 buts en 10 matchs, soit un but toutes les 70 minutes. Une forme étincelante dans la lignée de la saison précédente, où le numéro 23 avait inscrit 14 buts pour sa première saison avec os Guerreiros do Minho, ponctués de 10 passes décisives. Pour trouver trace de son dernier triplé en carrière, en revanche, il faut remonter il y a six ans en arrière, face à l’US Esch et une victoire 4-1 avec l’Union Titus Pétange.

Pétange, le déclic

Lancé chez les pros en Ligue 2 au RC Lens, le natif de Creil est prêté six mois à Béziers en janvier 2017, puis au Luxembourg, à Pétange. « J’avais appelé Kevin Lefranc, un ancien joueur devenu agent, pour trouver un attaquant avec certaines caractéristiques », se souvient Manuel Correia. « Deux jours plus tard, il me parlait d’un jeune attaquant de Lens, dont le président s’était porté garant. Il revenait d’une grosse blessure et avait besoin de jouer. Son profil nous a plu, son encadrement familial aussi, tout comme les membres de la direction de Lens, donc on l’a pris. »

Loin de son cocon familial, Simon Banza franchit les étapes plus vite que prévu. « On s’était fixé un objectif, qu’il reprenne la compétition régulièrement. Il avait déjà une certaine maturité. Tu voyais bien que ce n’était pas uniquement footballistique mais aussi familial. Le papa ou le grand frère étaient régulièrement au stade, la maman venait aussi. Avant l’entraînement, il travaillait au gymnase et en fin de séance, il travaillait toujours sa finition, son positionnement devant le but. »

 « il avait des aptitudes que beaucoup de jeunes d’ici n’ont pas à 19 ans. »

MANUEL CORREIA

Sur le rectangle vert, Simon Banza impressionne et inscrit déjà cinq buts sur les dix premières journées. Manuel Correia, lui, est sous le charme. « C’est son état d’esprit qui m’a vraiment plu. Un jeune joueur est normalement compliqué à gérer, mais lui était à l’écoute, patient. S’il ne démarrait pas, il restait positif et avait le sens du collectif, il était concerné par le jeu. Son acharnement aussi, il n’a pas perdu de vue son objectif. Partir du monde pro et venir ici lui a fait du bien, car il a pris conscience qu’il évoluait dans un monde qu’il adorait. Beaucoup de jeunes viennent ici et se perdent. Naturellement, il voulait marquer à tous les matchs, car c’est ce qui fait parler de toi et fait vivre l’équipe, mais le but était de repartir avec un bagage de championnat d’adultes en étant protagoniste du début à la fin pour retrouver le monde pro et s’y imposer. »

La BGL Ligue découvre alors les qualités de buteur de Simon Banza qui, malgré son jeune âge, se démarque. « Il joue à la fois très bien dos au but ou dans la profondeur et il va vite malgré sa taille (1,89m), il sent où il faut être pour marquer. Quand il est arrivé, il avait des aptitudes que beaucoup de jeunes ici n’ont pas à 19 ans Son charisme, son positionnement, son contrôle de balle, c’est une autre formation d’un autre niveau. »

De la BGL Ligue à la Liga Portugal

Avec 18 buts en 25 matchs, Simon Banza retourne à Lens avec le plein de confiance. Malheureusement, l’attaquant se fait les croisés et revient pour la saison du covid, durant laquelle il inscrit 7 buts et délivre 4 offrandes en Ligue 2. Après 34 apparitions en Ligue 1 la saison suivante, le Franco-Congolais découvre un troisième pays, le Portugal. Prêté au FC Famalicão, l’avant-centre crève l’écran avec 18 buts toutes compétitions confondues et une huitième place au classement. Transféré à Braga à l’été 2022, Simon Banza poursuit son ascension fulgurante aux côtés d’Abel Ruiz, Vitinha et Ricardo Horta. « Je sens que sa progression est constante depuis son passage à Famalicão », analyse Alexandre Ribeiro, rédacteur en chef du site Trivela, spécialiste du football portugais. « Il est est arrivé Lens un peu dans l’anonymat parce qu’il n’avait pas vraiment de statut là-bas. Aujourd’hui, il s’est construit un statut au Portugal et il a réussi à confirmer à Braga, dans un club d’une autre dimension, signe qu’il est passé à l’étape supérieure. »

Le paradoxe européen

En tête du classement des buteurs au Portugal, Simon Banza prend davantage d’épaisseur dans l’effectif de Braga depuis le départ de Vitinha, en janvier dernier. Cerise sur le gâteau, après avoir disputé l’Europa League la saison passée, le numéro 23 découvre cette saison la mythique Ligue des Champions. « Honnêtement, ce serait mentir de dire que j’aurais parié sur ça », reconnaît Manuel Correia. « Je savais qu’il pouvait faire carrière et réussir à Lens parce qu’ils le connaissaient, mais réussir dans un nouveau championnat avec une nouvelle langue, un style de football différent et jouer aujourd’hui l’Europe, je n’aurais pas mis ma main au feu de le voir atteindre ce niveau là. »

En pleine bourre dans le championnat portugais, Simon Banza n’a pas encore fait trembler les filets sur la scène continentale, mais ce n’est qu’une question de temps. « En Europe, le niveau est supérieur. Berlin, Naples et le Real Madrid, ce sont des clubs à très grosses dimensions et tu as forcément moins l’occasion de marquer contre ces équipes. Il part dans la peau d’un titulaire indiscutable pour les prochaines semaines et naturellement, son compteur va se débloquer, car les qualités sont là », décrypte Alexandre Ribeiro.

Un avenir au Portugal… ou ailleurs ?

Désormais, le nom de Simon Banza est connu de tous les aficionados du futebol au Portugal, grâce à ses performances avec le SC Braga. « Son nom apparaît, il est considéré et respecté par les supporters, qui craignent de jouer Braga par sa présence. Si on compare à Mehdi Taremi de Porto, ça reste une dimension en-dessous aux yeux des supporters. Taremi joue dans l’un des deux plus gros clubs, à des titres et des références, notamment sur la scène européenne, que Banza n’a pas encore. Donc sur la perception des gens au Portugal, il n’est pas encore dans la même catégorie », explique Alexandre Ribeiro.

Rejoindre l’un des cadors du championnat, la suite logique ? « Avec son intelligence de jeu et ce qu’il montre, il fait partie des trois meilleurs attaquants du championnat et du top 30 mondial. Je le verrais bien à Benfica, parce que c’est mon club (rires). Il peut être le remplaçant de Gonçalo Ramos, ils ont un peu le même style. Il est disponible, abat les kilomètres, attaque, défend… Le style de jeu lui conviendrait bien », confie Manuel Correia, qui l’a encore eu au téléphone il y a quelques jours. « De temps en temps, je prends des nouvelles pour le féliciter. J’ai toujours eu eu une affection spéciale pour lui, il est resté très humble. »

« S’il veut franchir un palier en restant au Portugal, il y a quelque chose à faire au Benfica, où il y a un manque depuis le départ de Nuñez et Ramos. De son côté, le club s’assure un attaquant à 15-20 buts qui connaît le championnat et la langue », poursuit Alexandre Ribeiro. « Si son projet n’est pas d’aller chercher un titre à Porto ou Benfica, s’il confirme cette saison, il aura toutes les cartes en main pour aller en Premier League ou retourner en Ligue 1, à Lens par exemple. Beaucoup de portes vont s’ouvrir s’il reste à ce niveau de performance. » Des portes se sont déjà ouvertes, celles de la sélection de la République Démocratique du Congo, pays de ses parents. D’autres pourraient encore s’ouvrir ce soir en cas de but à Santiago-Bernabéu face au Real Madrid.

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