Melody Laurent : volonté, feeling et travail

Capitaine du FC Mamer 32 depuis plusieurs années, Melody Laurent fait figure d’intouchable dans le football féminin au Grand-Duché. À 32 ans, la défenseure prend le temps de revenir sur sa carrière, faite de relations fortes avec ses groupes et, plus récemment, d’une petite cassure. Pas de quoi remettre en question l’amour infaillible de la joueuse pour le ballon rond.

Il n’est pas rare, au détour d’un entretien, de voir certains propos se répéter çà et là. Somme toute logique, lorsque les sujets abordés tournent tous autour du même thème et que la personne interviewée offre des réponses d’une franchise et d’une spontanéité rares. Pourtant on ne peut, quand Melody Laurent répète quatre ou cinq fois à qui veut bien l’entendre son amour total pour le foot, continuer de considérer cela comme anecdotique. La romance entre la capitaine du FC Mamer et le ballon rond est de celles réelles et puissantes qui, en bien des aspects, ne se limite pas qu’aux pelouses.

Une passion dès le plus jeune âge

Paradoxalement, la défenseure, 32 ans aujourd’hui, est bien incapable de citer les origines de cette passion dévorante. « Jai commencé à l’âge de huit ans, dans mon village dorigine, à Musson en Belgique. Très honnêtement je nai aucun souvenir de comment jai atterri au foot. » Une chose est sûre, ce n’est pas poussée par l’entourage familial que Laurent se met à arpenter les pelouses vertes. « J’ai deux grandes sœurs et un petit frère. Mes deux aînées faisaient du basket et de la majorette. Mes parents n’étaient pas sport plus que ça, mais nous ont toujours suivis dans nos choix. Je faisais d’ailleurs, à un moment donné, de la natation et du foot en même temps, et il a fallu choisir. J’ai choisi le foot. Pourquoi ? Je ne saurais pas trop l’expliquer. La question ne s’est pas posée, c’était évident de choisir le ballon rond. Je pense que le côté collectif, avec plus de gens, me plaisait davantage. »

C’est donc dans un cadre de village – et évidemment mélangée à des garçons – que Melody Laurent commence à pratiquer le football. Parfaitement intégrée dans le groupe, quand bien même elle est la seule fille, la jeune enfant se découvre un amour pour le ballon rond, mais aussi des qualités que les techniciens autour d’elle lui font remarquer. « J’ai été complimentée très jeune sur mon niveau, mais je n’en jouais pas. Je restais à ma place. En effet, certains des entraîneurs me disaient que j’avais du talent, et je pense que cela dépassait aussi le simple cadre technique. Dans mes trois équipes, j’ai toujours été la capitaine. » Trois clubs, donc. Musson, de huit ans jusqu’aux débuts de l’adolescence, aux alentours de treize ans. Alors que son club ouvre une équipe entièrement composée de joueuses féminines, Laurent décide de tenter une nouvelle aventure. Après une parenthèse dorée en indoor, discipline qu’elle confesse adorer plus que tout, la défenseure rejoint le club d’Arlon. Une période faste où la joueuse crée – comme toujours, serait-on tenté de dire – des liens forts avec ses coéquipières. Au point de devoir « négocier » son départ après dix années face à un groupe qui ne veut absolument pas la voir partir. « Cela faisait un an que je songeais à partir. Je ressentais un besoin de changement dans ma vie. Je regardais depuis deux ou trois ans les matchs au Luxembourg, en particulier car javais une amie qui jouait en Ligue 1 Dames. Jai décidé de partir et je lai annoncé en fin de saison. Tout le groupe était très triste, et sest mis d’accord pour me demander de rester. Javais du mal à lidée de les abandonner, alors jai accepté de continuer une saison tout en assurant que ce serait, dans tous les cas, ma dernière année. Je fais donc une ultime saison avant de partir pour le Luxembourg. »

Mamer : découverte, coup de foudre et déception

Intéressée par le niveau global au Grand-Duché et prête à vivre sa première expérience à l’étranger, il lui reste maintenant à choisir un club où continuer une carrière après déjà dix ans d’ancienneté. « Ma meilleure amie jouait à Mamer, mais cela ne ma pas influencée plus que ça. Je suis allée voir le club et jai senti quil y avait un truc dans cette équipe. Je suis quelquun qui arrive assez rapidement à jauger un groupe, son niveau dempathie, de solidarité, ce quil faut améliorer, etc. Je me suis donc fait une idée assez positive dune équipe qui ne jouait certes pas le haut de tableau, mais qui semblait avoir envie davancer. Et, du fait de ma personnalité, je suis quelquun qui aime plus la difficulté quand je peux apporter ma pierre à l’édifice, plutôt que de rejoindre un groupe où tout roule. »

Au club du FC Mamer, aujourd’hui parmi les premiers rôles de la Ligue 1 Dames, Melody Laurent découvre d’abord un nouveau monde, puis un nouveau groupe, pas encore amené à jouer le podium. Pourtant ce dernier conquiert très vite la défenseure. « Une équipe, un groupe comme ça, je ne pensais jamais vivre ça dans ma vie », assure-t-elle avant de poursuivre. « C’est un plaisir total d’être parmi elles. Si nous avions une année difficile sur le plan sportif, cela ne serait pas une raison pour moi de partir. Il y a dans cet effectif, dans chaque fille, quelque chose que je ne pourrais pas trouver ailleurs. » Un coup de foudre donc, pour la joueuse, mais aussi pour ses coéquipières qui louent toutes leur capitaine. Justement : est-elle capable de comprendre pourquoi tous semblent l’encenser à tour de rôle ? Malin plaisir d’observer alors à une Melody Laurent tout d’un coup moins loquace, au moment de mettre en valeur ses propres qualités : « Je ne suis pas gueularde. Je me considère comme assez tranquille et très concernée par le bien-être de l’équipe. Jobserve énormément. Maintenant, comme tout le monde, jai mes jours sans. Mais si jai un coup de mou, jessaye de mettre ça de côté pour le reste du groupe. Jai une personnalité calme, mais quand ça explose, évidemment ça fait mal, car cest tellement hors du commun que ça ne peut pas être contrôlé. » Une capacité à rassurer un groupe, heureux de suivre ses pas, tout en ayant la faculté de dire ses quatre vérités en cas de besoin. Une personnalité qui, naturellement, offre à la joueuse le rôle de capitaine. « Ce n’est pas quelque chose que je recherche ou demande. Avec ou sans brassard, je serais la même personne », précise Laurent.

Un groupe uni comme jamais, des résultats qui s’améliorent année après année, et la sensation d’être dans une grande famille. Tout autant de facteurs qui expliquent aisément le bien-être de la Belge au sein de Mamer. Et pourtant… Derrière cette unité, il y a eu une intersaison particulièrement marquée qui aurait pu s’achever sur un départ de la joueuse. En cause ? Principalement le départ de Tiago Pereira, qui avait offert à son effectif une deuxième place en championnat ainsi qu’une finale de coupe. Inattendu, abrupt, cela a visiblement laissé des traces. « La fin de saison passée a été très compliquée pour moi, je ne veux pas m’en cacher. C’est la première fois que je me suis réellement demandé si c’était le moment de partir », assume-t-elle. « J’ai été très touchée par le départ de Tiago Pereira, pour qui j’ai une profonde affection. Cela a remis beaucoup de choses en question. Avec tout ce que je fais, ce que j’apporte au club, je me suis demandé si le travail investi était réellement compris et valorisé. Des choses m’ont travaillée. J’ai fini par prendre la décision de continuer, mais il y a eu une vraie réflexion. Finalement, les filles m’ont fait rester. Je le redis : on a un groupe exceptionnel. Il y a toujours la tête et le cœur : le premier voulait partir cet été et le second, quand la blessure a un peu cicatrisé, s’est rappelé que ce que j’ai avec ce groupe, je ne trouverai ça nulle part ailleurs. » Passées les hésitations, l’ancienne pensionnaire d’Arlon a remis le bleu de chauffe pour reprendre sa position – comme toujours – de leader d’un groupe qui ne veut pas la voir partir. « Repartir à zéro après le départ de Tiago, c’est difficile, mais dans le football, on n’a pas le choix. J’ai mis énormément de temps à me retrouver. Petit à petit, je reviens à qui je suis, même s’il manque sincèrement encore des choses pour que je sois la vraie Melody. Mais il y a une équipe derrière, des objectifs. En tant que capitaine, mon rôle m’oblige à aller de l’avant avec elle. »

Un amour éternel 

Une douleur encore vive, donc, et sur laquelle la joueuse ne souhaite pas s’épancher. Melody Laurent préfère aborder l’évolution du football féminin au Luxembourg, sujet bien plus enthousiasmant. « Il y a une énorme différence entre quand je suis arrivée et aujourdhui », confirme-t-elle. « Une de mes meilleures amies, qui était en équipe nationale à ce moment-là, ma permis de voir ce qui se passait tant dans le championnat qu’à la FLF. Et en effet, la progression est indiscutable. » Sur le plan footballistique, évidemment, où le niveau du championnat s’élève saison après saison. La sélection, elle, n’est également pas en reste, à l’image de cette prestigieuse campagne d’éliminatoires pour la prochaine Coupe du monde. Mais, au-delà des résultats enthousiasmants, c’est aussi bien la visibilité de la discipline dans son ensemble que tient à souligner Laurent. « On voit un vrai engouement. Les supporters se déplacent, encouragent, semballent. Contre la Lettonie, il y a eu une ambiance de malade. On pouvait sentir lexcitation de tout le monde. Cest magnifique à voir. Cela devient populaire. Et regardez la pub avec Volkswagen ! Celle-là, jaurais bien aimé en être ! » (Rires) 

Une récompense pour des footballeuses qui, rappelons-le, prennent sur leur temps libre pour offrir ce niveau de performance. Alors que de nombreuses personnes interrogées pratiquant le football amateur confessent avoir hésité, à un moment ou à un autre, à raccrocher les crampons, l’éternelle capitaine rejette catégoriquement cette idée. Tout en l’expliquant par des sacrifices et efforts, certes, mais qui, du fait de leur ancienneté, sont simplement devenus des habitudes. « Je sais que c’est beaucoup d’heures, de sacrifices, mais pour être honnête, je n’ai jamais pensé à lâcher. Je fais ça depuis que je suis tellement jeune que je ne m’en rends pas vraiment compte. C’est mon quotidien, cela fait partie de ma routine, de ma vie, voire de ma personnalité. Chaque personne dans mon entourage sait que c’est parfois compliqué de voir Mélo ! (Rires) Le foot a toujours été prioritaire. Si je dois arriver en retard à une soirée, alors j’arriverai en retard. Mais je ne raterai pas mon entraînement. Donc je pars très tôt le matin pour aller bosser, je rentre à 22 h, on prépare le lendemain… C’est beaucoup, mais c’est une habitude. » Une réponse qui précède sans surprise la suivante au moment d’aborder, à un âge déjà mûr, la question de l’arrêt de carrière. Ici, nul besoin de créer le moindre suspense : la fin est encore loin. « Tant que mon corps et mon niveau me le permettent, je ne me vois pas arrêter. Je me remets beaucoup en question, et parfois, je dois me poser et réfléchir. J’ai fait un point cet été. Et je me suis vite rendu compte que je ne voulais absolument pas m’arrêter. Hormis une blessure, ou la sensation que je n’apporte plus sur le terrain, je continuerai, car j’aime tellement ça. »

Parfois presque déconcertante dans sa manière d’analyser les questions posées et dans ses réponses du tac au tac, d’une réelle fluidité, « Melo », comme elle se surnomme, affirme avoir toujours eu ce recul sur les choses. « En toute honnêteté, depuis toute jeune, jai toujours eu une forme de maturité. » Sans nécessairement se projeter plus que cela dans le futur, celle qui sort d’un été éprouvant aspire fondamentalement à une seule chose : se retrouver et continuer, comme depuis maintenant plus de vingt ans, à profiter de ce qui est tout simplement la plus grande passion de sa vie : le football. 

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