Une atmosphère bon enfant dans un esprit de compétition, une salle remplie de joueurs de tous âges, le pickleball, sport de raquette qui combine des éléments du tennis, du badminton et du tennis de table, et rassemble de plus en plus d’adeptes. À Arlon, en Belgique, nous avons pu nous essayer à ce sport encore trop méconnu du grand public et avons rencontré Benoit Quisquater. Le quinquagénaire, sportif depuis toujours, a pourtant très longtemps jeté son dévolu sur un cousin de sa nouvelle discipline. « Je suis né dans le monde du tennis. J’ai joué religieusement de l’âge de 8 à 37 ans. J’ai d’ailleurs créé un club de tennis il y a vingt-cinq ans, le Tennis Club Waltzing, à Arlon. À la suite d’un déménagement, mais aussi à cause d’un mal de dos conséquent, j’ai dû arrêter. Récemment, j’ai voulu reprendre un sport qui puisse me passionner autant que le tennis. J’ai un instant considéré le padel, mais n’ayant pas été conquis par le squash plus jeune, qui est un sport assez similaire, je n’ai finalement pas tenté. Je suis ensuite tombé sur le pickleball presque par hasard en surfant sur YouTube, et j’ai tout de suite compris que j’allais adorer. »
Un coup de cœur néanmoins compliqué, car au sein du Luxembourg, la discipline ne semble pas exister. Jusqu’à la découverte d’un club senior qui venait d’ouvrir dans la région de Mersch. Quisquater s’y rend, d’abord pour s’assurer que ce sport sera dorénavant le sien. C’est chose faite dès la toute première session. Reste maintenant l’étape suivante : démocratiser la pratique. « J’ai vite rassemblé des personnes autour d’un premier comité avec un objectif : trouver des emplacements où jouer au Luxembourg. C’était en octobre 2021. »
Pickleball, anecdotes savoureuses et popularité grandissante
L’avantage d’un sport relativement neuf est qu’il n’est pas compliqué de retracer ses origines. Et dans le cadre du pickleball, l’invention provient du sénateur américain Joël Pritchard et de deux de ses amis. Rentrant d’une partie de golf, et ayant toujours envie de se dépenser avec leurs familles respectives, les trois larrons cherchent tout équipement utilisable dans la quête d’un nouveau jeu. Après avoir trouvé des balles en plastique, des raquettes abîmées et un vieux filet, le tour est joué. Une journée complète à s’amuser tout en inventant, au gré des coups, un règlement de plus en plus réfléchi, et qui est toujours d’actualité. Pour ce qui est du nom de la discipline, rien de plus simple : le cocker de Pritchard s’appelle Pickle et passe son temps à voler les balls pour les cacher dans les buissons.
Ainsi trois familles qui s’ennuyaient ont-elles créé une discipline aujourd’hui pratiquée par de nombreuses personnes à travers le monde. Et en particulier aux États-Unis où, depuis dix ans, la pratique du pickleball explose. De moins de 100 000 joueurs à l’orée des années 2010, le sport est aujourd’hui pratiqué par plus de 4,8 millions de passionnés. Si le covid a joué un énorme rôle dans ce gain de popularité, l’activité devenant une des pratiques extérieures favorites des sportifs, le développement ne s’est pas arrêté pour autant. Avec une croissance tutoyant les 20 % par an, le pickleball semble parti pour devenir un sport majeur aux États-Unis, certains allant jusqu’à parler de plus de 20 millions de joueurs d’ici 2030, soit plus que le nombre de joueurs de tennis.
Le Luxembourg, évidemment, est encore loin de toutes ces considérations. À l’heure actuelle, et selon les dires de Benoit Quisquater, l’association dont il est responsable, Letzpickeball, a pour le moment réussi à toucher approximativement 200 joueurs. Et, quand bien même ce chiffre demeure assez modeste aujourd’hui, la grande majorité est vite conquise : « Nous venons de terminer des sessions d’initiation à l’ISL, avec une centaine d’enfants. Après cinq à dix minutes, les premiers échanges commencent vraiment et au terme des 45 minutes, la première réaction des jeunes c’est “Quand est-ce qu’on recommence ?”. Et les écoles, vu le feed-back, semblent avoir déjà prévu d’investir dans le matériel et d’intégrer le pickleball dans le programme de l’année prochaine, même si cela doit encore être formalisé. C’est une réussite, mais ça ne m’étonne pas, car toutes les personnes qui viennent s’amusent tout de suite. C’est vraiment ludique et abordable, et différents niveaux peuvent jouer ensemble. »
Si satisfaire de nouveaux joueurs en une session est évidemment une franche réussite, un problème demeure néanmoins : sans terrain, sans espace pour pratiquer, le développement ne pourra pas réellement se faire. « Tout part d’un constat : s’il n’y a qu’un petit groupe de gens qui joue à un endroit au Luxembourg, on ne va pas pouvoir développer le sport ou faire de compétitions », confirme Quisquater. « Il faut donc pour ça plusieurs lieux pour pratiquer. J’ai pris contact avec les fédérations internationales, je suis d’ailleurs ambassadeur d’une des deux fédérations, et nous dialoguons pour faire connaître le sport au maximum. Je ne dis pas qu’on deviendra une fédération, car on en a parlé avec le ministère des Sports qui doit valider ça et que c’est un processus extrêmement chronophage. Mais on n’exclut pas de le faire à travers une section d’une autre fédération existante. C’est une possibilité. À l’heure actuelle, nous sommes une ASBL en cours de création, et nous sommes en contact avec le COSL et la fédération de tennis pour trouver le format idéal. Mais avant tout, le plus important est clairement de mieux faire connaître ce sport. »
Alors que nous questionnons Quisquater sur les autres obstacles pour réussir à faire du pickleball une place forte dans la diaspora du sport luxembourgeois, celui-ci se veut résolument optimiste : « Au-delà du manque de locaux, je n’en vois pas vraiment. Il faut tout simplement être patients. On est confiants au sein du comité sur le développement du sport. Toutes les personnes qui viennent et essayent sont ravies. La manière dont on fonctionne est différente du tennis. On réserve sa place dans une session, et avec tous les joueurs présents, on organise les groupes sur place. Il y a un aspect très social dans ce jeu. C’est vraiment une belle ambiance. Donc il faut avant tout savoir faire preuve de patience, et les choses suivront leurs cours. »
La discipline, au-delà d’une certaine simplicité (une raquette, un filet et un terrain de badminton ou de tennis), a aussi l’avantage de ne pas être des plus coûteuses. Avec des raquettes en entrée de gamme à 45 euros – celles-ci pouvant monter jusqu’à 150 euros –, un filet à 150 euros, et des balles qui coûtent deux à trois euros, s’offrir l’équipement complet revient à un prix relativement modeste. Un argument de poids pour les individuels, mais également pour les structures intéressées à l’idée de proposer cette discipline.
Autre avantage ? Ce sport s’apprend et se comprend vite. Une fois les cinq premières minutes passées, les joueurs peuvent commencer à faire des échanges. Et ils ne sont pas obligés d’avoir une condition physique optimale pour réussir à jouer sans être dépassés. « Les premières personnes aux États-Unis qui ont été intéressées par ce jeu l’ont d’ailleurs été car elles ne pouvaient plus jouer au tennis pour des raisons de santé, comme des problèmes d’articulations. C’est plus accessible physiquement, pour démarrer et s’amuser au quotidien », confirme le responsable de l’association Letzpickleball. Avant de préciser qu’à partir d’un certain niveau de compétition, le degré d’intensité monte considérablement : « Après, une fois que cela se professionnalise et que l’on joue en compétition, le niveau et l’intensité deviennent très exigeants, surtout en simple, qui peut être particulièrement épuisant. Tout a été fait dans les règles pour qu’il y ait beaucoup d’échanges. Si vous comparez à un match de tennis par exemple, en prenant le dernier Roland Garros, sur une heure de jeu, il n’y a que onze à douze minutes de jeu effectif. Au pickleball, on est à 28 minutes, soit quasiment trois fois plus. »
Les tennismen, justement. Que pensent-ils de ce sport ? Alors que les golfeurs ont généralement un regard négatif sur le footgolf, en est-il de même pour les amateurs de la petite balle jaune ? Selon Quisquater, aucune colère : « Les joueurs de tennis vont plus voir ce sport comme quelque chose de non compétitif, pour le plaisir. Mais il existe tout de même une réelle curiosité. Les gens qui voient ça veulent tous essayer. La FLT nous a rendu visite, a essayé, et le feed-back a été très bon. Il n’y a pas de mépris ou de moquerie. Même si on s’y amuse très vite, pour le maîtriser, cela demande beaucoup de technique. Je regarde beaucoup les championnats sur YouTube, et on voit qu’il faut être extrêmement bon. De nombreux tennismen se diversifient et vont d’ailleurs vers le pickleball où ils deviennent instructeurs dans des clubs aux États-Unis. C’est un sport complémentaire, comme le tennis ou le badminton. De plus, tous ceux qui viennent dans un club de tennis ne viennent pas pour jouer. Il y a parfois des accompagnateurs, que cela soit la femme, l’enfant, l’époux… Et ils peuvent alors s’adonner à une autre discipline. »
Alors que les compétitions se développent de plus en plus en Europe, avec notamment l’Open de France, d’Espagne ou encore d’Allemagne, l’association luxembourgeoise de Pickleball, elle, vient de remporter une bien belle victoire. Le Tennis Club de Howald a décidé de mettre à disposition ses installations pour Letzpickleball, qui pourra ainsi ouvrir le premier club basé au Luxembourg. Avec une grande soirée portes ouvertes le vendredi 8 juillet de 18 h à 21 h, ainsi que des séances hebdomadaires tous les mardis à partir du 12 juillet, de 20 h à 22 h. L’occasion idéale pour venir tester un sport de plus en plus en vogue.
Notre avis sur le pickleball
Nous n’aurions pas pu apprécier entièrement les dires de Benoit Quisquater sans nous essayer à la pratique de ce sport encore mystérieux pour de nombreuses personnes. À notre arrivée au Tennis Club Garisart, à proximité d’Arlon en Belgique, nous avons pu constater que le pickleball avait déjà un certain succès. Sur quatre terrains aménagés sur un court de tennis, une trentaine de personnes s’étaient réunies pour pratiquer ce sport auquel nous n’aurions peut-être pas forcément prêté beaucoup d’attention au premier abord. Et pourtant, l’heure était à l’essai. Les règles, plutôt simples, combinent celles du tennis, du badminton et du tennis de table. Le comptage de points, lui, était un peu plus difficile à comprendre, mais nous avons réussi : un point ne peut être marqué que par l’équipe qui sert. Pour l’autre, c’est un point à sauver ; l’essentiel est là. Le premier match s’est soldé par une défaite 11-2. Des débuts en demi-teinte qui ne nous gâchent pas la découverte de ce sport plus exigeant physiquement qu’il n’y paraît. Volées, revers, services, nous prenons de l’assurance au fil des minutes et finissons par remporter plusieurs matchs. Satisfaits de notre progression, nous quittons les terrains en sueur, lessivés par deux heures de pickleball, sport qui gagnera sans aucun doute en notoriété une fois implanté au Luxembourg.
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