Les Jeux Olympiques de 1900 à Paris sont restés célèbres pour leur « originalité », à défaut d’employer un terme plus critique. Pour faire court, cette édition en terre française demeure mémorable de par son caractère saugrenu. D’abord, la compétition a lieu du 14 Mai au 28 Octobre, soit plus de cinq mois d’évènements sportifs. Ensuite, suite à un débat agité entre Pierre de Coubertin, président du CIO et Alfred Picard, commissaire général de l’Exposition universelle sur l’appellation de la compétition, le terme de « Jeux Olympiques » ne sera pas utilisé pour décrire la compétition, et certains des athlètes participants ne réaliseront pas, et ce jusqu’à leur mort qu’ils ont participé aux JO. Enfin, c’est la première fois dans l’histoire que des femmes ont le droit de concourir aux épreuves. Une olympiade qui comportera parmi ses disciplines des catégories pour le moins original comme la course aux ballons, le tir aux pigeons, la pêche à la ligne ou encore le tir au canon. Tant de raisons qui font déjà de la deuxième édition des Jeux Olympiques une histoire passionnante.
Mais, plus que se focaliser sur cette compétition loufoque, nous allons ici nous consacrer à Michel Théato. Né au Luxembourg en 1878, le coureur partira très jeune vivre au Belgique, avant de venir s’installer définitivement en France en 1890, à l’âge de douze ans. Devenu ébéniste tout en pratiquant la course à l’Union Athlétique de Paris ou il est licencié, Théato s’intéresse aux Jeux de 1900 disputés à Paris et décide de s’y inscrire. Les inscriptions se faisant à l’époque de manière individuelle, Théato est enregistré sous la nationalité française, vivant à Paris et parlant la langue de Molière. Le voici donc prêt à concourir au Marathon qui à l’époque, ne fait « que » 40,260 kilomètres. Doté d’un physique hors-normes en raison de ses jambes à la longueur extraordinaire, le jeune athlète va donc représenter la France pour ces olympiades.
Sur les dix-sept coureurs engagés, seuls treize répondent finalement présent pour cette course épique disputée sous une température record et suffocante de 39 degrés. Une compétition qui apparait vite comme un long chemin de croix pour les athlètes participants. Déjà compliqué au vu des conditions climatiques, ce marathon qui suit les fortifications de Paris gagne en difficulté puisque le terrain n’a pas été aménagé pour les coureurs. Ainsi, ces derniers doivent-ils non seulement terminer les 40km sous une chaleur infernale, mais de plus éviter les passants, voitures, et même troupeaux d’animaux conduits vers un abattoir de La Villette. Un véritable enfer logistique qui provoquera l’abandon des trois coureurs britanniques avant même le départ, désabusés par l’organisation chaotique.
Ernst Fast, suédois et favori au titre n’en a cure et se lance tout de même dans la course, prenant très vite la tête. Malheureusement pour lui, une absence de connaissance du parcours le forcera à demander le chemin à un policier qui l’enverra dans la mauvaise direction, provoquant par là sa perte. La légende, non confirmée, raconte que le policier, réalisant son erreur un peu plus tard se suicidera de honte. Enfin, comment ne pas mentionner le français Touquet, lui aussi parmi les favoris, qui s’arrêtera après une douzaine de kilomètres, éreinté par la chaleur et ira se poser dans un bar pour quelques pintes de bière. Une autre époque.
Tous ces abandons et autres circonstances offrent à Michou la possibilité de briller. D’abord atteint par les conditions climatiques, l’athlète concourant pour la France retrouve un peu de force mentale et physique passé les dix premiers kilomètres et rejoint le peloton de tête déjà peu fourni. Sa forme revenue, le jeune coureur aux jambes longilignes de 22 ans filera, au nez et à la barbe des rares concurrents restants, chercher sa médaille d’or en 2h59. Victoire ? Pas vraiment. Car cette première place sera vivement contestée par d’autres participants de la compétition, à commencer par les américains Arthur Newton et Dick Grant, déçus de leurs propres performances et qui n’hésiteront pas à accuser le nouveau vainqueur d’avoir pris des raccourcis. Une accusation sans preuve qui prendra tout de même douze ans avant d’être déclaré sans suite. C’est ainsi que Théato ne se verra remis sa médaille d’or qu’en 1912. Entre temps, le luxembourgeois (eh oui) ne rééditera pas son exploit, passant professionnel mais sans jamais briller de nouveau sur la scène internationale (il battra tout de même son record personnel en terminant un autre marathon en 2h42).
C’est à seulement quarante-cinq ans que le vainqueur des Jeux Olympiques de Paris quittera ce monde dans l’anonymat général, en 1923. Un anonymat prolongé de nombreuses décennies avant des recherches effectué par le statisticien de l’athlétisme Alain Bouillé à la fin du XXème siècle confirmant en 1990 la naissance de l’athlète « français » rue de Louvigny au… Luxembourg, le 22 mars 1878. Une révélation confirmée qui poussera le Grand-Duché à effectuer une demande auprès du CIO de se faire rétablir sa médaille d’Or. Or, en 2004, le comité Olympique rejettera définitivement la requête du vrai pays de Théato sous prétexte que le coureur était licencié dans un club sportif français.
Si les Jeux Olympiques de 1900 demeurent célèbre pour avoir été d’une longueur monstre et composés d’épreuves plus originales les unes que les autres, la médaille d’or de Michel Théato reste un évènement symbole d’une époque révolue, où un athlète pouvait concourir pour le mauvais pays par mégarde et sans investigation de qui que ce soit. S’il est compréhensible de voir le CIO rejeter cette demande (la valider pourrait être une ouverture sans fin vers des requêtes provenants de tous bords), il nous paraissait important de célébrer l’homme qui, cinquante-deux ans avant Josy Barthel, avait offert au Grand-Duché sa première médaille d’Or. Officielle ou non, il ne reste qu’une chose à faire : applaudir notre héros national.
Tendai Michot.
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