Il y a à peine plus d’un an, le Fola Esch fêtait son huitième titre de BGL Ligue dans la ferveur et la liesse. Ces images paraissent aujourd’hui appartenir à un monde lointain, alors que c’était hier. Le club vient d’enchaîner six défaites consécutives, avec des scores parfois lourds, pour ne pas dire humiliants : 6-0 à Differdange le 4 septembre, 8-1 à Hesperange le 18 septembre, 3-0 chez le promu Mondercange le 28 août, une autre défaite contre l’autre promu, Kaërjeng, 3-2, le 16 octobre… Ce dernier revers a eu raison de l’entraîneur, Miguel Correia, congédié quelques mois à peine après avoir pris la place de Sébastien Grandjean sur le banc. Le club pointe à une terrible 16e et dernière place. Un nouveau président vient également d’arriver, Paul Olk, pour remplacer Mauro Mariani et tenter de redresser tout ça. Comment un des clubs phares de l’élite du football luxembourgeois en est-il arrivé là ? Il faut rappeler le contexte : cet été, le Fola a décidé de poursuivre sa stratégie, de faire des économies et de miser encore plus sur les jeunes. Le budget du club est passé de 2,6 millions d’euros en 2017 à 1,1 aujourd’hui (encore 400 000 euros de moins que la saison passée). Résultats ? 13 joueurs ont quitté le club à l’intersaison (Mustafic, Freire, Grisez, Hym, Ouassiero, Boutrif, Mura, entre autres), dont 8 titulaires.
« Des joueurs importants – des piliers –, nous ont quittés, des mecs qui avaient de la bouteille en BGL Ligue. On les a remplacés par des plus jeunes, on a aussi changé de staff. On a mal commencé la coupe d’Europe, la sauce n’a pas pris. On s’est peut-être vus trop beaux également après les trois premiers matchs de BGL Ligue. On doit sûrement revoir nos ambitions à la baisse, notamment dans le jeu. On ne peut certainement plus développer celui que l’on pratiquait auparavant. On doit acquérir de l’expérience, de la maturité, et cela prend du temps », pose Pascal Welter, directeur sportif du Fola. Des raisons, des explications, il en existe, cependant, pas de quoi relativiser la situation : « Il ne faut pas paniquer, mais il ne faut pas non plus fermer les yeux sur ce qui se passe en ce moment. Nous devons être vigilants et tout faire pour éviter de toucher le fond. »
« Le 6-0 à Differdange nous a traumatisés »
Julien Klein, 34 ans, dont 12 au club, capitaine et toujours patron de la défense centrale, a tout connu, dont trois titres de champions. Aujourd’hui, il est lucide : « Évidemment que les départs jouent. Cela fait deux ou trois ans que l’on perd nos meilleurs joueurs chaque été, des joueurs d’expérience. De la qualité, il y en a encore dans le groupe, mais il nous manque cette expérience. On est une équipe jeune, on est un peu foufous, on veut à tout prix aller vers l’avant et certains oublient parfois leurs tâches défensives. Contre le Swift par exemple, on revient à 3-1 et on se précipite pour aller chercher le ballon dans les filets et le remettre au centre, comme si on allait vite remonter le score dans ce match. Je ne peux pas reprocher à mes coéquipiers de vouloir gagner, mais dans ce cas-là, c’était un manque de maturité. » Lucas Correia, 20 ans, un des plus grands espoirs du club ces dernières années, qui a failli partir cet été mais est toujours bien là, analyse : « Notre moyenne d’âge sur le terrain ne joue pas en notre faveur. C’est très jeune, il n’y a pas beaucoup d’expérience, on joue très mal nos temps faibles. Contre le Swift, on a pris 5 buts en 20 minutes… Le 6-0 à Differdange a été une véritable claque, cela a fait très mal mentalement, ça nous a traumatisés, surtout quand on est le Fola. Mais tout part de Mondercange, où l’on manque d’efficacité et on perd finalement 3-0, alors qu’on n’était pas si mal au départ. On prend trop de buts bêtes sur beaucoup d’erreurs individuelles. »
« On doit y croire »
C’est certainement le plus dur et le plus cruel en ce moment pour le Fola Esch : passer d’un statut de champion, d’années fastes et de gloire, à des défaites déprimantes et quelques taules. C’est leur plus grand défi actuellement : gérer ce changement brutal de dimension. « Je ne pensais pas que ce serait si dur, que l’on se prendrait 8 buts un jour… C’est compliqué pour tout le monde, c’est difficile de revoir ses ambitions à la baisse. Contre le Swift, on était contents que ça se termine », confie Julien Klein. « On doit rester calmes, mais émotionnellement on gère très mal cette situation. Les jeunes doivent se mettre au niveau de la BGL Ligue, cela demande beaucoup d’efforts », embraye Pascal Welter.
Après les bouleversements du côté des dirigeants et sur le banc, la lumière viendra forcément du terrain. Que faut-il garder ? Que faut-il modifier en profondeur ? Les défaites s’enchaînent, font mal, tirent le moral des troupes vers le bas, alors que les joueurs ont l’impression de faire des efforts. Suffisamment ? « Quand tu t’en prends 6 ou 8, tu peux t’interroger sur l’implication… pourtant on mouille le maillot, globalement. On est conscients de nos difficultés et de notre histoire. Mais ce que j’aimerais dire, c’est qu’il y a beaucoup de choses positives et encourageantes à l’entraînement. On doit y croire », réagit Lucas Correia. Le taulier Julien Klein ne baisse pas les bras non plus : « On n’est pas n’importe qui, on est le Fola. Contre Dudelange (défaite 2-0), dans les efforts et la rigueur, c’était mieux. Ce match est une bonne base pour la suite du championnat. » Pour le directeur sportif, Pascal Welter, il faut en faire plus : « Contre Dudelange, c’est la première fois que je vois une solidité tactique et mentale. Maintenant, on doit jouer avec un état d’esprit conquérant. On est dos au mur et c’est dans cette situation que l’on va voir si on a des couilles. On doit travailler, travailler, travailler… tactiquement, physiquement, mentalement. On manque de finisseurs, de joueurs qui nous portent. »
« Les jeunes doivent prendre leurs responsabilités »
Les anciens et les joueurs d’expérience partis, le salut ne peut venir que des jeunes. En font-ils assez ? Sont-ils prêts à porter ce poids sur leurs épaules ? « Il faut que certains prennent leurs responsabilités et sachent que l’on compte sur eux. Aujourd’hui, ils ont un rôle plus important qu’avant au club, certains doivent commencer à porter l’équipe. On doit, en même temps, les laisser grandir. L’équilibre est difficile à trouver. » Lucas Correia raconte ce changement au Fola pour la nouvelle génération : « Quand je suis monté dans le cadre, on était un ou deux jeunes, et quand on entrait en jeu, c’était pour apporter notre fraîcheur, il pouvait y avoir une forme d’insouciance. On était surtout entourés d’une armada de joueurs costauds et expérimentés. Ce n’est plus comme ça… On a des talents, mais encore frais, pas complètement formés. Ce n’est pas facile dans ces conditions de prendre ses responsabilités sur le terrain. On demande aux jeunes de grandir beaucoup plus vite ; c’est à la fois bien, et en même temps il faut être patient pour les laisser progresser. C’est aussi important de pouvoir se tromper pour apprendre de ses erreurs. Là, ce qui compte, c’est que l’on soit tous solidaires. »
« La mentalité est bonne »
Que faut-il désormais au Fola pour redresser la barre et inverser cette spirale négative ? « De la confiance en nous, de la consistance, de la concentration pendant 90 minutes », avance Lucas Correia. Avant son limogeage, Miguel Correia espérait un match référence qui pourrait relancer la machine. Avec la défaite contre Kaërjeng (3-2), la sixième consécutive, il n’aura pas eu le temps de le vivre. Les prochaines journées, Rosport, Wiltz, la Jeunesse se profilent. Des rencontres qui auraient été qualifiées de largement abordables pour le Fola il y a un an. Mais les choses changent vite et Pascal Welter en est le premier conscient : « Dans notre situation, on a intérêt à respecter tout le monde ! En tout cas, je veux les 33 points du maintien le plus rapidement possible. » Lucas Correia veut croire à encore mieux : « On doit prendre le taureau par les cornes, on peut être une équipe intéressante sur la deuxième partie de saison. Si on corrige ce que l’on doit corriger, on peut remonter jusqu’à la 5e ou 6e place. C’est quelque chose que l’on peut et que l’on doit viser. » Le capitaine, Julien Klein, se veut confiant également : « Il y a de la qualité. On doit retrouver une osmose, il y a de belles choses à faire. Mais il faut gérer et canaliser la fougue de notre jeunesse. » Si ces différents acteurs du club sont entendus, et si la mayonnaise prend avec la nouvelle organisation du club et le prochain entraîneur (que l’on ne connaît pas encore au moment où nous écrivons ces lignes), alors il y a peut-être encore de l’espoir du côté du Fola.
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