Samy, tu viens d’avoir 32 ans (le 27 janvier dernier) et tu évolues au Luxembourg depuis le mois d’octobre. « Déjà », pourrait-on dire. Pourquoi avoir choisi de rejoindre le Racing et la BGL Ligue ?
J’ai eu un problème physique au dos il y a un an et demi, quand j’étais à Louvain. C’est une hernie discale qui ne s’est jamais arrêtée, comme une sciatique. J’ai ressenti une douleur, j’ai fait quelques examens. Au bout de trois mois, ça a empiré et ensuite, il y a eu l’arrêt des championnats en raison du covid. J’ai travaillé à la maison, mais quand je suis revenu pour ma dernière saison à Louvain, ça m’a tiré pendant la préparation estivale. Je me suis fait opérer, mais ça n’a pas changé grand-chose. Je suis resté blessé pendant un an et demi au club. J’ai dû arrêter le foot. Ensuite, j’ai laissé reposer pendant presque un an après une fatigue générale du corps de toutes ces années. Je ne pensais pas reprendre, vu la douleur et les choses que j’ai vécues pendant cette période. J’ai voulu poursuivre avec un groupe pour voir si mon dos allait tenir. J’ai discuté avec Ilies Haddadji (directeur général des sports du Racing), que je connais depuis longtemps et avec qui j’ai joué à Metz. C’était plus simple pour moi, plutôt que de demander à d’autres clubs qui seraient peut-être réticents par rapport à mon état physique. Il m’a demandé de venir pour me remettre sur pied et voir comment ça allait se passer. J’avais des bases, mais je ne suis pas arrivé au top de ma forme. J’ai fait quelques matchs avec les U23.
Tu es resté sans club de juillet 2021 à octobre 2022. Comment as-tu vécu cette longue pause ?
Je suis revenu dans la région. Je fais du foot depuis l’âge de 5 ans. C’est la première année que j’arrête. J’ai retrouvé la vie de tous les jours. Ça m’a permis de m’occuper de mes enfants. J’ai acheté une maison, ma femme a pu trouver un boulot ici. Je me suis reposé et j’ai travaillé pour revenir. J’avais besoin d’arrêter. Continuer et enchaîner n’aurait pas été bénéfique pour moi. La douleur s’est un peu calmée, donc j’ai essayé de reprendre.
D’où viennent ces douleurs, as-tu eu des explications ?
J’ai fait beaucoup d’examens, à Metz notamment, mais il n’y a pas d’explication. C’est une sciatique chronique qui ne part pas. Elle est toujours là, je la sens tous les jours et j’ai appris à vivre avec. La douleur est moins forte que les années précédentes. Parfois, ça devenait difficile de pratiquer.
Y a-t-il eu de l’appréhension, l’envie d’arrêter?
C’est possible. Arrêter, non, ce n’est pas facile. J’ai 32 ans, j’avais encore envie de jouer au foot. Avec ce que j’ai traversé ces dernières années, ce n’était pas évident mentalement. Je me blessais tout le temps, j’ai été vraiment dans le dur. À 32 ans, on se gère, on n’est pas aussi « foufou » qu’à 22. Les problèmes peuvent arriver à tout le monde plus tard, aux genoux par exemple. Moi, c’est le dos, c’est comme ça. J’ai besoin de rester en mouvement par rapport à ça, de courir, faire une activité physique, donc je travaille beaucoup. C’est bénéfique même si d’un côté, il est possible que cela aggrave la situation.
Venir jouer au Luxembourg te permet-il de retrouver du plaisir ?
Exactement. Quand j’ai été blessé à Louvain, c’était difficile pour moi. J’aime faire partie d’un groupe et m’entraîner avec lui. Je suis un joueur collectif, j’apprécie de jouer avec les autres et de vivre dans un groupe. J’ai besoin de ça, j’ai toujours vécu comme ça. Quand on a joué contre l’équipe réserve du FC Metz au centre d’entraînement de Frescaty – d’ailleurs, c’est la première fois que je voyais ce nouveau centre, c’est quelque chose ! –, ça a surpris pas mal de gens de me revoir là.
À Louvain, tu sortais d’une saison 2018/2019 pleine en D1B (D2 belge). Tu n’as pas été sollicité par un club plus huppé en Belgique ?
Il y a toujours des demandes, mais Louvain était un bon club qui me voulait, qui est monté en puissance. On peut le voir maintenant, c’est un très bon club de Belgique. J’ai beaucoup bougé, j’avais signé 3 ans pour avoir une certaine stabilité avec ma famille et travailler sereinement, sans demander si j’allais bouger l’année suivante.
Tu as fait l’essentiel de ta carrière en Belgique. Comment est le football là-bas?
Le foot est différent de la France. Ici, c’est beaucoup moins physique, tactique, et davantage porté sur l’attaque. La Belgique est un championnat d’attaquants. Ça attaque beaucoup, ça prend des risques, donc ce championnat m’allait bien. Il y en a sûrement d’autres, mais celui-là me convenait, c’est pour ça que j’ai continué. Je n’en garde que de bons souvenirs, de Roeselare jusqu’à Louvain, avec des personnes incroyables. La mentalité belge est super bonne.
As-tu eu l’occasion de découvrir d’autres championnats ?
Ce n’était pas forcément dans mes plans d’aller voir ailleurs. Après Metz, j’ai choisi la Belgique parce que j’aimais bien le championnat. J’avais connu Virton en prêt et ça m’avait plu. J’ai continué, j’ai eu la chance d’aller à Roeselare où l’on a presque connu la montée, avec beaucoup de nouveaux joueurs. J’ai découvert la D1A à Lokeren, donc j’ai essayé de rester le plus haut possible en Belgique.
« Être footballeur professionnel était déjà mon objectif à 12 ans »
Tu as commencé le foot à Créhange-Faulquemont, près de Saint-Avold. Comment le FC Metz t’a-t-il repéré ?
Metz et Nancy viennent toujours chercher les bons joueurs de la région. Metz est venu me voir dès le début. Le club m’a repéré à l’âge de 8 ou 9 ans. Je faisais de bons tournois, de bons matchs. J’allais faire des entraînements avec eux, mais j’ai attendu l’âge de 12 ou 13 ans pour rejoindre le club. J’estimais que je ne progressais plus et que c’était le moment de franchir un cap.
Tu as fait toute ta formation et tes débuts en pro au FC Metz. C’était un rêve pour toi, originaire de Saint-Avold, de porter ce maillot grenat ?
Bien sûr, c’est le club de la région. Le FC Metz, c’est LE club, celui à côté de ma ville, qui a de bonnes performances en jeunes, un bon centre de formation, de bonnes infrastructures maintenant.
Tu comptes 48 apparitions avec le club à la Croix de Lorraine, mais tu n’as jamais réussi à t’imposer, malgré une saison en National et plusieurs en Ligue 2. Avec le recul, comment l’expliques-tu ?
Le foot, c’est aussi une part de chance, la dynamique du club, la façon de jouer peut-être également. C’était sûrement une question de maturité au début. Jouer des bouts de matchs, assimiler assez vite le jeu avec les adultes quand on vient des U19, ce n’est pas forcément évident. En l’espace de quelques mois, je suis passé avec les pros. J’étais un bosseur, je ne me reproche rien. Ça n’a pas totalement fonctionné, mais ce n’est pas grave, ce sont des moments que l’on n’oublie pas. C’est le club qui m’a amené là où je suis aujourd’hui.
Tu fais partie de la génération dorée qui a remporté la Coupe Gambardella en 2010 avec Kalidou Koulibaly, Bouna Sarr, Anthony Mfa, Yeni N’Gbakoto… Quels souvenirs gardes-tu de cette aventure ?
C’était magnifique ! Elle est exceptionnelle et extraordinaire, cette coupe. On avait fait une bonne saison en championnat, je jouais presque tous les matchs et en Coupe, j’étais l’un des piliers de l’équipe. On comptait sur moi aussi pour aller jusqu’au bout. On avait vraiment une bonne équipe avec Sarr, Koulibaly, Bussmann, Croizet. Cinq ou six joueurs ont signé pro. C’était une saison magnifique pour le club.
À quel moment as-tu senti que tu pouvais devenir professionnel ?
Senti non, mais c’était mon objectif. Je suis arrivé à 12 ans, si on vient dans ce club, ce n’est pas pour l’échec. J’ai toujours voulu être joueur professionnel, donc j’ai tout fait pour. On sait que quand on se rapproche des 17-18 ans, il y a un dernier palier à franchir. Il faut se mettre ça dans la tête et ne pas lâcher. On doit se montrer dès les premiers entraînements, montrer au club et à soi-même que l’on est capable de devenir professionnel.
Si tu n’avais pas été footballeur, envisageais-tu une autre carrière, ou avais-tu un autre rêve?
Franchement non, c’était clair, net et précis. J’aurais même essayé autre part, je n’aurais pas lâché avec autant de travail et de motivation. Quand on a gagné la Gambardella, des joueurs sont montés chez les pros la saison suivante alors que je reprenais avec l’équipe réserve. Mentalement, ce n’est pas évident, et certains joueurs de cette saison-là ont un peu lâché. Ça ne m’a pas fait plaisir de reprendre en réserve, mais c’est le foot. J’ai su en quelques mois montrer mes qualités. Un jour, en fin d’année, on a fait une opposition face à l’équipe première. Dans ma tête, je me suis dit : « C’est aujourd’hui ou jamais. » J’ai fait un match incroyable et la semaine suivante, je jouais avec l’équipe première. Tout le monde a des qualités, et le foot, c’est aussi une part de chance. Si on ne se montre pas à un moment bien précis, on peut passer à côté sur un détail. Moi, j’ai eu ma chance et j’ai su la saisir.
À 32 ans, tu as donc choisi la BGL Ligue. Comptes-tu raccrocher ici ?
Franchement, je ne me disais pas que si je pouvais, j’allais pouvoir trouver plus haut, mais c’est vrai que la qualité, on ne la perd jamais, on est toujours pareil d’un point de vue technique. Ça m’a surpris d’avoir autant de feeling après un an et demi. On se dit qu’on ne va plus savoir jouer, mais finalement non. Pour l’instant, j’ai pris une licence au Racing, je pense pouvoir continuer. Il y a toujours des personnes qui viennent me demander si je cherche quelque chose. Il ne faut jamais tirer un trait sur le haut niveau. On s’est mis d’accord avec le club pour me laisser quelques mois pour revenir à un certain niveau. Il y a une totale transparence entre nous. Je veux surtout retrouver la forme et m’installer dans la région avec ma famille. Ensuite, on verra.
Quelles sont tes envies pour ta reconversion ?
J’ai des projets de société ici dans la région. Pendant ma pause, j’avais le temps et j’ai réfléchi. Je travaille dessus. J’ai un projet de microcrèche. Je voyais beaucoup mes enfants quand je ne jouais pas et je sais qu’il est de plus en plus difficile de trouver des crèches. J’en ai fait les frais à mon arrivée en Belgique. J’ai pensé à faire des formations d’entraîneur, mais ce n’est pas quelque chose qui me plaît énormément pour le moment. Mais pourquoi pas entraîner des petits, pour transmettre ?
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