Depuis 2020 et l’arrivée du Covid, le secteur automobile traverse plusieurs crises, ainsi qu’une mutation accélérée vers le 100% électrique. Olivier Francois, marketing manager chez Bilia-Emond, et Sébastien Abensour, directeur de Autofactoria font le point sur l’évolution de leur métier.
Le secteur automobile a traversé plusieurs crises depuis 2020, comment adaptez-vous votre communication en conséquence ?
Olivier François (Bilia-Emond) : Oui, il n’y a pas que l’automobile, mais c’est clair que notre secteur est touché. C’est une réalité. On a eu la pénurie des composants électroniques, qui ont fait s’allonger les délais de production de nos voitures, et ensuite la guerre en Ukraine ne nous a pas aidés non plus, ce pays étant un fournisseur essentiel dans la production des voitures, notamment au niveau des faisceaux électriques. On peut clairement dire aujourd’hui que notre secteur est impacté, mais que globalement nos marques font le maximum et ne s’en sortent pas trop mal. Tout cela demande une adaptation de tous les instants, ça a commencé depuis le covid, où comme tous les commerces on a dû mettre en place un protocole sanitaire important. On l’a déjà un peu oublié en 2023, mais il faut se rappeler que c’était assez lourd au niveau de la limitation du nombre de personnes, etc., cela prenait énormément de temps au niveau de l’organisation opérationnelle. Et ensuite en matière de communication, l’un des messages primordiaux que l’on a dû véhiculer, c’était sensibiliser les gens au niveau des délais de livraison. Il y a eu des augmentations de prix, mais quelqu’un qui en 2023 garde les mêmes qu’en 2020, il est en faillite aujourd’hui. Ce qui a vraiment été une réelle adaptation et une partie importante de notre communication, c’est la pénurie des véhicules de stock. On n’en a tout simplement plus. Il a aussi fallu sensibiliser le public, dire attention, si vous avez besoin d’une nouvelle voiture, que vous voulez commander, les délais vont de six mois à un an, contrairement à une époque où l’on était autour de trois à six mois.
Sébastien Abensour (Autofactoria) : Oui, c’est compliqué, mais il faut s’adapter. Il y a la crise énergétique aussi qui entre en ligne de compte, parce qu’on ne pense pas beaucoup aux professionnels, mais eux aussi sont obligés de tout réduire. Les fabricants et les constructeurs doivent optimiser chaque poste. Ce sont des choses que les clients ne voient pas, mais pour nous c’est difficile de jongler entre le constructeur, l’importateur… La tendance va en tout cas vers la suppression des concessionnaires, c’est quelque chose qui va arriver, et tout le monde sera logé à la même enseigne. La communication change aussi, je crois qu’on n’a jamais été autant capable de communiquer qu’aujourd’hui, que ce soit via les réseaux sociaux ou les médias classiques.
L’Autofestival est-il aussi important pour le secteur qu’il l’était il y a quelques années ?
Olivier François : Oui, c’est un moment très important. Essentiellement pour la vente où l’on peut voir le client en privé. Cela reste LE moment de l’année, c’est la meilleure période pour acheter un véhicule, car c’est là que l’on a les meilleures conditions. Les marques font les efforts nécessaires, toutes, pas seulement chez nous, afin d’offrir la meilleure offre possible. Cela reste un moment clé. Chez BMW et Mini, surtout chez BMW, on a une partie importante de ventes en leasing, donc à ce niveau, cela a moins d’impact. Mais en tout cas, en vente privée c’est énorme.
Sébastien Abensour : Non, c’était une institution avant, mais plus maintenant. Du temps où les importateurs avaient la possibilité de configurer des séries spéciales pour le Grand-Duché cela fonctionnait, mais maintenant que l’on dépend principalement de la Belgique, cela a bien changé. Il y avait de grosses remises, maintenant ce sont les voitures d’occasion qui sont devenues un pôle important de rentabilité. Cela tend cependant à disparaître, les taux de financement ne font que monter, et il n’y a plus d’intérêt à attendre l’Autofestival pour faire un financement. Et puis au niveau des délais actuels, il faut savoir que pour certains modèles, si vous commandez aujourd’hui, vous les recevrez au premier semestre 2024 si tout va bien.
Est-il plus facile de toucher le client à l’heure de la digitalisation ?
Olivier François : Oui, c’est plus facile qu’avant, car des réseaux sociaux comme Facebook nous permettent, moyennant un budget de publicité, de toucher une personne qui a tapé BMW dans sa barre de recherche dans les six derniers mois, et qui réside au Luxembourg. En revanche, le faire venir en concession est devenu plus difficile pour différentes raisons. La première, c’est que les gens d’une manière générale se déplacent moins, la deuxième, c’est qu’aujourd’hui grâce à Internet vous avez le moyen d’obtenir énormément d’informations en amont. Avant 2010, vous étiez obligé de venir voir votre vendeur afin de connaître les couleurs disponibles, etc. Aujourd’hui, toutes ces étapes peuvent être faites en amont, alors on a un peu moins rapidement le client en concession. En revanche, on constate qu’aujourd’hui vendre un véhicule ne peut pas se faire 100 % online. Beaucoup de choses se font encore en concession, par exemple si vous avez un véhicule que vous souhaitez revendre, il faut qu’on le voie pour vous donner un prix, il y a la partie découverte du produit. Si vous mettez 80 000 € dans une voiture, vous avez envie de vous asseoir dedans, d’apprécier l’environnement et de l’essayer. Donc le passage en concession reste primordial.
Sébastien Abensour : Oui, évidemment, on a des canaux de distribution, de diffusion et de communication très nombreux. Ça va de TikTok ou Facebook à Instagram, où l’on a la possibilité de cibler énormément. On est allés très loin dans la découverte et la recherche client. Vous avez pu remarquer aussi que si par exemple vous parlez de vacances avec un ami, vous allez ensuite sur votre smartphone et vous aurez des publicités de voyages ! C’est donc assez simple de cibler quelqu’un aujourd’hui. Les méthodes traditionnelles ont vécu…
Comment avez-vous intégré le facteur environnemental à votre communication ?
Olivier François : L’environnemental représente une part importante, si l’on prend les publicités de toutes les marques confondues, je crois que l’on se situe à 80 % sur les véhicules électrifiés. Si ce n’est pas sur l’électrique, c’est sur l’hybride. C’est absolument énorme. On adapte notre communication à la cible, et ce qui est un des points forts chez BMW, c’est que l’on propose toutes les alternatives possibles, que ce soit essence, diesel, plug-in hybride ou tout électrique, si vous prenez par exemple la nouvelle X1 ou la X3. On a aussi des produits « émotionnels », comme la gamme M, avec des six cylindres. Certaines personnes continuent de vouloir se faire plaisir. Attention, je ne dis pas qu’il n’y en a pas dans l’électrique, je dis simplement que certains clients ont encore envie de s’acheter une voiture thermique. Et d’autres n’ont pas d’autre choix.
Sébastien Abensour : Tout à fait, quand on va parler d’une automobile, on va parler de pollution, d’impact, d’ailleurs chez Honda on est assez précurseurs sur ce sujet. Nous n’avons que des véhicules hybrides et électriques en catalogue. Malgré tout, je pense que l’on joue trop sur cette corde, car il faudrait déjà faire des voitures qui pèsent un peu moins. Tout le monde doit faire un effort, mais on avait une technologie comme le diesel qui finalement polluait assez peu. On a demandé durant 45 ans aux constructeurs de rendre leurs moteurs Diesel moins polluants, plus performants, et du jour au lendemain, politiquement parlant, on a dit stop, vous allez tous rouler en électrique…
Quelle est l’évolution de votre profession depuis la crise du covid ? N’a-t-elle finalement pas plus changé en trois ans que durant une dizaine d’années ?
Olivier François : Personnellement, ça fait dix ans que je suis dans le marketing automobile au Luxembourg, et c’est clair que les deux dernières années, même les trois, ont changé énormément de choses dans le métier. Que ce soit au niveau des moyens de communication, de la fréquentation dans les showrooms, de la relation avec le client, où il y a plus d’exigences qu’avant, et pas seulement chez nous, je pense. Les gens n’ont plus le temps, et cela dans tous les secteurs.
Sébastien Abensour : C’est exactement cela, tout s’est accéléré à une vitesse folle. Ce qui devait arriver d’ici cinq à dix ans s’est passé en trois, quatre ans. Et je peux vous garantir que la suite ne sera pas triste non plus. On est arrivés à un moment où tout est possible.
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