Voici comment Opta Sports évalue notre PH

9 minutes
Nancy Lambert

À l’heure où les fameuses dataprennent une place toujours plus importante dans le monde du sport, nous nous sommes intéressés à un classement tout à fait particulier fourni par Opta Sports, concernant la Promotion d’Honneur. Ce classement se base sur le système Elo et fait l’état des lieux de l’antichambre de l’élite luxembourgeoise.

Bettembourg champion et Mamer qui l’accompagne en BGL Ligue ; Schifflange et Mersch aux barrages pour monter ; Weiler-la-Tour et Medernach aux barrages pour la descente ; Bissen et Schieren en D1. Voici dans les grandes lignes ce que prévoit Opta Sports pour l’issue de cet opus 2022-2023 d’une Promotion d’Honneur tout particulièrement indécise. Pour ce faire, l’entreprise d’analyse sportive britannique s’est basée sur le principe du classement Elo, appelé dans certains sports Power Ranking.

Qui est Opta Sports ?

Pour la saison 1991-1992, il y a eu une révolution dans le monde du sport. Agacés de ne pas avoir géré eux-mêmes leurs droits d’image, les meilleurs clubs anglais décident de créer ce que l’on appelle aujourd’hui la Premier League. Les droits de télévision sont alors vendus à Sky Sports. Le média bien connu tente alors d’innover : il veut analyser des rencontres à l’aide de statistiques. C’est tout un nouveau secteur d’activité qui s’ouvre ainsi et une entreprise est créée en 1996 pour l’exploiter. Il s’agit d’Opta Sports. Elle signe immédiatement un contrat avec Sky Sports afin de fournir les statistiques de Premier League.

Au fil des ans, Opta Sports a grandi et élargi son secteur d’activité à d’autres championnats et à d’autres sports.

Et le classement Elo dans tout ça ?

Le classement Elodoit répondre à une question simple : quel est le meilleur club du monde ? C’est une question qui a toujours intrigué les passionnés du ballon rond et qui est à l’origine des compétitions les plus prestigieuses, comme l’UEFA Champions League. Mais il est très difficile de trouver une réponse claire, puisque d’une part la performance dépend de la forme du jour, et d’autre part, les équipes de deux championnats différents ne rencontrent pas les mêmes équipes au cours de leur saison. De plus, le nombre de matchs disputés au cours d’une saison varie beaucoup d’un championnat à l’autre. Opta Sports s’est alors dirigé vers un système de classement qui a été utilisé pour classer les joueurs d’échecs lors de la deuxième moitié du XXe siècle. Ce système, c’est le classement Elo.

Concrètement, il fonctionne de la manière suivante : tous les clubs sont mis dans un même classement, créé en 1990. L’équipe en tête possède 100 points. La dernière équipe a 0 point. Lors de chaque rencontre, des points sont échangés entre les équipes. Si l’équipe gagnante remporte 0,35 point, l’équipe perdante perd 0,35. Le nombre de points en jeu à chaque rencontre dépend du classement des deux équipes. Si l’équipe la mieux classée remporte le match, alors elle gagnera moins de points que l’équipe la moins bien classée si elle avait remporté la rencontre. En cas de match nul, c’est la moins bien classée au classement Elo qui gagne des points. L’autre équipe en perd.

Prenons un exemple concret. Avant la 20e journée de Promotion d’Honneur, Mamer occupait le 4e rang de la division avec 49 points. Lors de la 20e journée, Mamer a gagné 2-3 sur la pelouse de Medernach, qui occupait la 14e place de la division. Par conséquent, Mamer a remporté 0,2 point et Medernach en a donc perdu 0,2.

Dans le même temps, Rodange (3e au classement Elo de la PH) a perdu contre Rumelange (6e au classement Elo de la PH). Par conséquent, Rodange a cédé 0,5 point à Rumelange. La différence de gain entre Rumelange et Mamer s’explique dans le classement de l’adversaire. Battre une équipe mieux classée rapporte plus de points.

Donnons également un exemple pour illustrer les matchs nuls : Schifflange (2e au classement Elo) se déplaçait à Steinsel (12e au classement Elo). Les deux équipes se sont quittées dos à dos sur le score de 3-3 au terme d’un match fou. Les conséquences au classement Elo sont que Schifflange a cédé 0,2 point à Steinsel.

Vous l’aurez compris, ce classement n’est pas linéaire. Si une équipe gagne tous ses matchs, ses victoires vont perdre de la valeur, jusqu’à ce qu’elle soit promue en division supérieure et en rencontre d’autres mieux classées.

Un classement global

À l’heure d’écrire ces lignes, le classement Elo regroupe 13 500 équipes. Il est dominé par le FC Bayern Munich, suivi de Manchester City et de Naples. Le meilleur club luxembourgeois est actuellement le Swift Hesperange (655e), suivi de Dudelange (706e) et le Progrès Niederkorn (1046e). Les clubs de Promotion d’Honneur oscillent entre la 6199e place (Bettembourg) et la 9907e place (Schieren). On peut comparer les clubs d’une ligue à l’autre. Ainsi, Bettembourg se classe actuellement juste devant Aix-les-Bains qui évolue en Nationale 3 en France. On peut également comparer des ligues entières en regardant le classement des clubs qui les composent. Essayons de trouver le niveau de la Promotion d’Honneur par rapport au football belge. Les clubs de PH ont un classement équivalent à ceux de Division 2 amateur (4e niveau). La BGL Ligue évolue à hauteur de la D1 amateur en Belgique, à l’exception du Swift, du F91 et du Progrès qui selon le classement joueraient le maintien de la Jupiler Pro League (1er niveau) ou les premiers rôles en Challenger Pro (2e niveau).

Les limites du classement Elo

Le principal inconvénient du classement Elo, ce sont les phénomènes de clusters. Rassurez-vous, on ne parle pas de Covid-19, mais bien de football. Le principe est simple, les championnats forment des clusters, parce que les équipes jouent quasi exclusivement les unes contre les autres. Or, comme les points au classement sont échangés d’une rencontre à l’autre, le nombre de points au sein d’une division reste plus ou moins constant au cours d’une saison. Les seules occasions de sortir de ce cluster sont les matchs de Coupe et les matchs amicaux officiels. Comparer des ligues à l’intérieur d’un même pays revient donc simplement à analyser le parcours en Coupe des différents clubs. Pour comparer deux ligues étrangères, on se base finalement exclusivement sur les matchs de Coupe d’Europe des clubs des deux pays et sur les rencontres amicales internationales. Pour illustrer ce principe : lorsqu’en 2018, Dudelange s’est imposé face au Legia Varsovie, le F91 a subtilisé des points qui se trouvaient dans le championnat polonais et les a ramenés au Luxembourg. Ces points sont alors passés dans l’escarcelle d’équipes qui ont obtenu un point ou plus face à Dudelange en championnat et ont ensuite majoritairement circulé en BGL Ligue et sont éventuellement parvenus en Promotion d’Honneur grâce à des surprises en Coupe.

La conséquence de ce principe de cluster est une certaine inertie des ligues. Ainsi, comparer des ligues entre elles n’est pas le plus intéressant à faire avec ce classement, à l’exception des meilleures ligues européennes, puisque les équipes s’affrontent régulièrement lors des compétitions européennes.

Dans les ligues inférieures, la hiérarchie intraligue a du sens. Mais il faut savoir faire la part des choses. Le classement est évolutif, et celui de la semaine prochaine dépendra des résultats du week-end. Ce classement sert davantage comme évaluation des forces en présence sur les derniers mois de compétition et met en lumière les clubs qui brillent grâce à leur constance face aux équipes les mieux classées.

Que donne le classement Elopour la PH ?

Le classement Elo restreint à la Promotion d’Honneur est actuellement le suivant :

  1. Bettembourg
  2. Mamer
  3. Schifflange
  4. Mersch
  5. Rodange
  6. Rumelange
  7. Luxembourg City
  8. Canach
  9. Berbourg
  10. Junglinster
  11. Grevenmacher
  12. Steinsel
  13. Weiler-la-Tour
  14. Medernach
  15. Bissen
  16. Schieren

Sur le papier, Bettembourg est donc à l’heure actuelle la meilleure équipe du championnat. Comme au classement réel de la PH, Bettembourg occupe également le siège de leader, on ne peut qu’en faire le grandissime favori pour le titre en fin de saison. En deuxième place, on retrouve Mamer qui n’est que 6e de la division. Cela découle du fait que Mamer a pris un 4 sur 9 en début d’année 2023 contre trois équipes qui étaient très bien classées, avant de signer un important 6 sur 6 contre Grevenmacher et Medernach. C’est ce qui vient embellir la situation de Mamer. Mais cela pourrait vite changer, parce que dans les dernières positions, on retrouve des clubs comme Steinsel qui sont dans une dynamique ultrapositive. Si ceux-ci continuent sur cette lancée, ils devraient rapidement remonter dans le classement Elo. Il sera intéressant de suivre les positions de Schifflange et de Mersch dans les semaines à venir. Leur position au classement Elomontre qu’ils sont capables d’entretenir leur bonne dynamique.

Il est pertinent d’analyser la course pour le maintien par le prisme du classement Elo. Si le sort de Schieren semble scellé, ce n’est pas encore le cas de Bissen. Mais le Power Ranking ne donne pas vraiment de raisons d’être optimiste. Bissen y pointe en effet également en 15e place, ce qui montre que le FC Atert n’est pas enclin à prendre des points face à l’une des 14 équipes devant lui. Pedro Teixeira, qui a succédé la semaine dernière à Daniel Dias, aura fort à faire pour d’une part changer cette tendance et d’autre part rattraper le retard de 5 points que Bissen accuse sur le dernier barragiste. 13e et 14e, on retrouve les équipes qui sont actuellement dans le dur, à savoir Weiler-la-Tour et Medernach. Junglinster a quant à lui repris quelques couleurs.

Il faudra garder Luxembourg City à l’œil. Certes, le club de la capitale est en première partie de tableau au classement Elo, mais la réalité est bien moins belle et le club est un peu en chute libre. C’est vrai, leur calendrier n’était pas des plus simples, mais c’est le propre de la Promotion d’Honneur où aucun match n’est facile.

Le classement Eloreste évidemment quelque chose de théorique, et fort heureusement les équipes ne s’affrontent pas en théorie, mais sur un terrain, avec les aléas que cela entraîne. Si les data nous indiquent vaguement quelle direction les opérations prennent, c’est bien sur le terrain que l’histoire dans tous ses détails s’écrira.

Andy Foyen

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