Pour nos lecteurs, peux-tu nous présenter ton rôle de coordinateur national du cyclisme auprès de la FSCL ?
En fait, mon métier ne revêt pas un but spécifique à court terme comme on peut l’observer dans d’autres professions. Pour moi, il s’agit de faire en sorte que la passion du vélo se développe et se partage à travers notre pays. Par ailleurs, je suis aussi en contact avec les clubs et les athlètes. Je m’occupe également du travail de coordination afin d’aider les différentes catégories d’âge. Pour les mettre en relation notamment avec mes contacts qui sont dans le peloton, mais aussi avec des sponsors. Je n’oublie pas aussi que je suis en contact avec le ministère des Sports pour le développement du vélo et la formation des entraîneurs. En fait, nous nous rendons encore plus compte dorénavant qu’il y a énormément de branches, comme le sport, mais aussi la santé, le tourisme ou encore l’écologie, qui montrent que la création d’un poste de coordinateur était nécessaire et judicieuse. Le vélo attire beaucoup de monde. Faisons en sorte d’en attirer encore plus !
Comment se compose une journée type du coordinateur national du cyclisme au Luxembourg ?
Cela change tous les jours, c’est ce qui rend le job vivant ! Souvent, je m’occupe des jeunes. Je peux être aussi bien en déplacement qu’œuvrer à travers le pays. Je prodigue mes conseils sur le Tour de l’Avenir ou aux Championnats du monde. Je transmets mon expérience aux jeunes, leur dis comment je vois la course, ce qui peut se passer. Les jeunes m’écoutent, car ils connaissent mon parcours, et je suis crédible auprès d’eux. Pour mener à bien ma mission, il m’arrive également de rencontrer des organisateurs de courses ou encore des membres de l’Union cycliste internationale. Sinon, je suis au bureau dans les locaux qui se situent à Strassen. Et j’espère que dans 4 ans, cela se fera au nouveau vélodrome à Mondorf !
Te voilà nommécoordinateur national du cyclisme par la Fédération du sport cycliste luxembourgeois depuis plus d’un an (ndlr : il a été nommé le 1er mai 2022). Quels sont les premiers travaux que tu as menés ?
Une des premières missions qu’on m’a données a été de gérer l’organisation des championnats nationaux à Wiltz, au Luxembourg. J’ai été mis tout de suite dans le grand bain (rires). C’était un test concluant, tout le monde était très content. Sinon, il a été question de rechercher des nouveaux partenaires et sponsors pour la fédération. Nous avons également mis en place une série de compétitions pour les jeunes coureurs, qui va des débutants aux cadets. Elle se nomme la « Youth Cup ». C’est une série de 10 courses qui permet aux jeunes cyclistes de s’aguerrir et de se développer. Nous croyons fermement qu’un étoffement de la base de nos coureurs passera par le fait de leur offrir un meilleur contexte global. Nos orientations portent déjà leurs fruits avec de plus en plus de jeunes qui toquent à notre porte, et nous avons déjà réussi à vendre la Youth Cup, tellement cela marche bien. Nous avons déjà beaucoup bougé dans la fédération. Les athlètes comme les clubs sentent qu’il y a un rafraîchissement des idées. Celui-ci crée une nouvelle émulation et un nouvel engouement. Il faut que nous investissions encore plus dans tous les sports, car on est en train de prendre du retard sur les autres pays et si nous tardons trop, nous n’arriverons pas à le rattraper. Ce serait dommage, car nous avons les moyens pour cela.
Quels sont les premiers retours ?
Je crois que la Fédération n’a pas une vision ou des ambitions qui sont faites pour durer seulement deux ou quatre ans. Nous voulons nous améliorer continuellement. Et pour ma part, je suis déterminé pour une vie entière. Il ne faut jamais s’arrêter. Les premiers retours sont positifs que ce soit pour les clubs ou les athlètes. Nous arrivons à être plus visibles, même si ce n’est pas assez à mon goût. Mais nous allons y arriver, c’est sûr, et nous allons continuer à cravacher pour.
Quels sont les principaux projets ?
C’est de continuer à travailler afin de développer une meilleure identification de notre sport. En effet, notre fédération est bien trop souvent vue comme une entité qui ne pratique que la compétition. J’aimerais que toutes et tous s’aperçoivent que notre discipline revêt bien plus d’aspects comme le côté environnemental, mais encore celui des loisirs. Il faut que les mentalités évoluent et comprennent que le vélo représente une vraie alternative au fait de prendre sa voiture. Un de mes buts est d’arriver à avoir plus de jeunes qui font du vélo. Continuer à développer ce sport magnifique implique que le Luxembourg prenne en compte qu’il nous faut plus de pistes cyclables afin de garantir une sécurité optimale à chaque pratiquant. La FSCL est souvent vue comme une fédé de compétition, mais j’aimerais aussi que le cyclotourisme prenne de l’épaisseur pour communiquer sur les bienfaits au niveau de la santé et de l’environnement. Je suis sûr et certain que si nous arrivons à communiquer à propos de notre sport chez les jeunes, cela nous donnera une plus grande base de coureurs. Aujourd’hui, le vélo a deux grands problèmes ; le premier est le coût. En effet, pour des parents, ce n’est pas facile d’aller acheter un vélo à 2 000 ou 3 000 euros. Surtout que si cela se trouve, dans 1 semaine, l’enfant s’en lassera. Le problème le plus important réside dans le trafic routier. En hiver, quand il fait nuit à 17 heures, ce n’est pas évident pour les parents d’envoyer leurs enfants sur les routes. Il nous faut plus d’encadrement. Le Vélodrome changera la donne pour le vélo, car les parents ou les écoles amèneront les enfants comme on les amène dans un gymnase pour pratiquer le basket ou un autre sport. Je suis sûr que l’on pourra garder plus d’enfants pour le vélo, c’est un des gros projets que l’on a !
Quelles sont les ambitions de la FSCL ?
Je crois que nos ambitions sont clairement de pouvoir partager et communiquer sur les avantages du vélo, comme le rôle qu’il joue pour la santé, pour l’environnement. C’est un sport magnifique à bien des égards. Pédaler permet de voir du pays, cela joue un rôle important au niveau du tourisme. Il faut revoir notre copie, et notamment penser à intégrer le vélo dans les écoles, car actuellement ce dernier est trop souvent mis de côté. Beaucoup de pays montrent l’exemple comme l’Australie ou le Danemark, qui ont consenti d’énormes investissements dans la construction de nombreux vélodromes. Nous allons nous en inspirer. Le Luxembourg a un ADN « vélo ». Nous avons toujours eu de très grands champions. Nous avons l’atout de montrer que nous sommes en capacité de prolonger cette histoire.
Comment juges-tu la saison des cyclistes professionnels luxembourgeois, masculins et féminins ?
C’est simple, nous possédons cinq coureurs professionnels au Luxembourg avec Luc Wirtgen, Kevin Geniets, Arthur Kluckers, Bob Jungels et Alex Kirsch.
Kevin et Alex réalisent une très bonne saison. Je dirais que le dernier cité a encore besoin d’une saison pour passer un palier afin de marcher très fort. Bob Jungels, qui est en place dans le peloton pro depuis longtemps, a effectué un très bon Tour.
Le seul problème que je vois c’est que l’on compare ces jeunes, trop souvent – et à tort – aux frères Schleck. Avec Andy, nous avions mis la barre très haute et cela n’empêche pas qu’ils ont beaucoup de talent. Le Tour de France, c’est la Champions League du cyclisme. Nous pouvons être très fiers de nos athlètes et de les voir figurer ainsi. Globalement, ils ont fait de très belles saisons jusqu’à présent.
En ce qui concerne les filles, nous avons Marie Schreiber qui marche très fort en cyclo-cross, et qui effectue sa première saison en tant que pro chez SD Worx aux côtés de Christine Majerus qui marche bien aussi en ayant une place de capitaine de route dans l’équipe néerlandaise. Il y a enfin Nina Berton qui a signé chez Ceratizit et qui a réalisé un premier Tour de France intéressant. Nous avons des jeunes qui arrivent, et je suis pressé de voir jusqu’à quel niveau ils iront.
Quel est ton regard sur le peloton professionnel cette année ?
Je crois que nous sommes gâtés cette saison avec des gars comme Remco Evenepoel, Tadej Pogacar, Mathieu Van der Poel, Wout Van Aert qui brillent tous et font partie d’une sacrée nouvelle génération. Ce sont des talents exceptionnels qui sont au-dessus du lot et qui donnent l’impression qu’il est quasi impossible d’aller les chercher. Ils me font vibrer, car ils mettent toutes leurs tripes une fois sur leurs selles. Ils font une sacrée publicité à notre sport et font briller les regards des enfants comme a pu le faire précédemment Peter Sagan.
Un mot sur le dernier Tour de France. Qu’en retenez-vous ? Quels principaux enseignements en tirez-vous ?
Dès le début, les observateurs savaient que la victoire allait se jouer entre Vingegaard et Pogacar. J’avais espéré avoir une surprise avec l’apparition d’un troisième – voire d’un quatrième larron – qui vienne se greffer à ce duo. Mais les deux étaient juste injouables. Le mano a mano entre les deux garçons a été palpitant dès le début à Bilbao. C’était un Tour de France d’une nervosité extraordinaire. Nous avons vu deux courses dans une, c’était génial !
Qu’avez-vous pensé du parcours des coureurs grand-ducaux présents sur cette course si particulière ?
Ils n’ont pas eu la place pour faire un coup d’éclat, car ils ont tous dû travailler pour leurs leaders dans leurs équipes respectives. C’est compliqué de faire quelque chose lorsqu’on doit se mettre au service de quelqu’un, mais malgré ce fait ils ont livré un bon Tour de France. J’aurais espéré les voir dans une échappée sur une étape, mais avec la vitesse à laquelle ça roulait, ce n’était clairement pas un cadeau d’en prendre une. Et puis, de toute façon, nous ne savons pas s’ils avaient un éventuel bon de sortie de leur manager pour le faire.
Le Tour du Luxembourg débute dans quelques semaines (du 20 au 24 septembre). En quoi est-il important pour le développement du cyclisme dans notre pays ?
Bien sûr, le Skoda Tour revêt un intérêt non négligeable pour le développement de notre discipline dans le pays, car il est diffusé sur toutes les télés à travers de nombreux pays. Il participe à renforcer l’image de notre pays. Cette course professionnelle regroupe beaucoup de grands coureurs et les équipes les plus connues avec une organisation bien huilée. C’est un événement très important pour le vélo au Luxembourg, qui plus est sur 4 jours consécutifs. C’est autant de jours où nous sommes exposés aux yeux du globe. Le Tour existe depuis longtemps et il est important de conserver ses valeurs. Moi-même, j’étais toujours content de courir au Luxembourg pour redonner aux supporters qui nous suivaient.
Sur un plan plus personnel, quel rapport entretiens-tu avec le cyclisme ?
Beaucoup d’anciens professionnels attendent d’arrêter leur carrière alors qu’ils sont un peu dégoûtés par la discipline, car ils se sont toujours beaucoup investis. J’ai eu le feeling d’arrêter ma carrière quand il était temps. En ce sens, je n’ai pas fait l’année de trop. Cela a joué en ma faveur. Deux mois après ma retraite sportive, j’ai passé ma licence d’entraîneur en Allemagne, car je voulais absolument avoir la licence coach pour m’occuper des athlètes et travailler avec eux. Et un an plus tard, j’ai lancé ma Gran Fondo à Mondorf. J’ai été 15 ans professionnel, et j’ai passé toute ma vie sur le vélo, donc je savais très bien comment entraîner, mais il me fallait ce sésame, alors je ne me suis pas reposé et j’ai foncé. Je suis toujours passionné, je crois vraiment au vélo.
Fränk Schleck, coureur cycliste pro en 2023, cela donnerait quoi ?
Je suis toujours « fit ». Je n’ai pas pris beaucoup de poids donc je pense que je serais toujours un bon grimpeur et que je ne me débrouillerais pas trop mal. Mais l’âge et le retard pris au cours des dernières années feraient que j’aurais du mal. Mais je me donnerais à fond comme je l’ai toujours fait. De temps en temps, ça me pique quand même et je cherche la compétition quand je roule avec des gens. J’ai eu une belle carrière, je n’ai aucun regret. Je n’oublie pas qu’on a fait 2e et 3e avec mon frère au Tour de France. Et ça, je pense que ce n’est pas près de se passer de sitôt.
Dans quelle équipe aimerais-tu signer en 2023 ?
Sans aucune hésitation, chez les Uno-X. Je crois que c’est une équipe de jeunes qui a encore le vrai esprit de compétition. En plus de cela, c’est une bande de copains plus que les autres. Ils n’ont pas la grande pression comme chez les mastodontes que sont Ineos ou Jumbo. C’est tout ce qui me plaît !
Tu en es à combien de kilomètres sur ton vélo depuis le début de l’année ?
J’essaie de rouler au maximum, à raison de deux à trois fois par semaine. À chaque fois que je me retrouve sur le vélo, je retrouve ce sentiment de liberté. Je souhaite rester en forme. Je pense que je finirai à 10 000 kilomètres cette année. Pour être tout à fait honnête, c’est difficile à dire, car je ne prends plus de compteur et je n’ai pas d’application. Je ne m’entraîne plus, mais je roule à vélo et c’est plus facile d’apprécier le vélo ainsi.
Un mot sur le Gran Fondo Schleck qui a eu lieu le 3 juin dernier ?
Nous avons mis en place la première édition il y a 5 ans, le covid nous a mis à l’arrêt, mais je retiens que lors de chaque organisation nous avons connu un grand succès. Lors de la dernière édition, notre événement festif a regroupé 3 500 participants. Nous sommes dorénavant ancrés dans le paysage sportif de notre pays. Nous parvenons à réunir 23 pays du monde entier. Nous voulons faire perdurer le fait que ce soit une belle fête à Mondorf, avec un beau village d’exposition autour du vélo et d’autres animations.
Si l’aventure au sein de la FSCL devait s’arrêter, vers quoi aimerais-tu te tourner ?
Je ne me pose pas vraiment ce genre de questions, car je pense que je resterai toujours dans l’univers du cyclisme. J’aimerais faire profiter mon pays, sans arrêt, de mon expérience et de mes connaissances dans le vélo. Il faut rester là où l’on se sent bien, et sur son chemin. Ce serait dommage de perdre tout cela.
Jocelin Maire
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