Champion du Luxembourg 2023, du contre-la-montre et de la course en ligne, Alex Kirsch vient récemment de prolonger son contrat chez Lidl-Trek, où il a progressivement changé de dimension. Ses titres, son premier Giro, son changement de statut… Le coureur de 31 ans évoque une année mémorable pour lui.
Alex, cette saison 2023 ne serait-elle pas la plus belle dans votre carrière jusqu’à présent ?
Bonne question ! Je ne me la suis jamais posée de cette manière, mais c’est sûr que j’ai réalisé de beaux résultats. C’était exceptionnel de terminer deuxième sur la dernière étape du Tour d’Italie, surtout à Rome. Obtenir les deux titres aux championnats nationaux et pouvoir courir le Tour de France avec ce maillot, c’est vrai que cela constitue de belles émotions.
Vous avez récemment prolongé votre contrat chez Lidl-Trek. Était-ce une évidence, tant cette équipe est votre deuxième maison ?
Oui, c’est vrai que j’ai trouvé une formation qui correspond à mes caractéristiques. C’était assez évident pour moi de rester chez Lidl-Trek.
Avec la saison 2022, et celle que vous réalisez actuellement, diriez-vous que vous avez changé de dimension au sein de l’équipe ?
Sûrement oui, chaque année je me suis amélioré. Et j’ai réussi à obtenir de plus en plus de responsabilités, saison après saison, afin d’arriver là où je suis actuellement. Disputer les plus grandes courses, avec ce rôle de capitaine de route, avec les leaders de l’équipe, tout cela est venu progressivement.
L’équipe a récemment changé de sponsor principal avec l’arrivée de l’enseigne de grande distribution Lidl. Que cela change-t-il pour les coureurs, concrètement ?
Cela change au niveau budgétaire. On voit bien que les budgets font la différence entre les équipes. C’est difficile d’être compétitif pour disputer le classement général sur une course si on a un budget limité. Cela nous offre des possibilités d’être plus compétitifs, avec un effectif de 30 coureurs. On a ainsi l’opportunité d’avoir de meilleurs coureurs encore, capables de se battre pour le général. Cela change pas mal de choses, sur les courses par étapes et les grands tours. Cela enlève aussi de la pression sur les épaules des jeunes talents. Ils ont l’opportunité de grandir à l’ombre des leaders. Je pense que c’est ça qui va changer.
On sait que votre relation avec Mads Pedersen est importante. Comment définissez-vous vos rapports ?
Respectueux, pour commencer. Notre relation a commencé au niveau sportif et s’est élargie au niveau personnel. J’ai vite compris que j’allais plutôt être un équipier, et j’ai essayé de mettre mes qualités en évidence. Mads les a vues et il a compris que cela pouvait bien fonctionner de rouler ensemble. On a passé pas mal de temps l’un avec l’autre, on se connaît très bien, sur les courses on est dans la même chambre. C’est plus une relation d’amitié maintenant.
Peut-on dire qu’Alex Kirsch est comme le bon vin et qu’il se bonifie en vieillissant ?
Je pense que oui. À 31 ans, je commence à faire partie des coureurs expérimentés du peloton, et j’ai l’impression que je m’améliore chaque année. J’ai confiance pour être encore mieux en 2024, puis l’année suivante. Je ne peux pas expliquer tout cela, mais chaque saison, j’essaie de trouver des moyens pour être encore plus performant.
Décrocher les titres de champion du Luxembourg du contre-la-montre et sur la course en ligne, quelles sensations cela procure-t-il ?
J’étais surpris par les émotions que j’ai ressenties ce jour-là. Chaque coureur luxembourgeois veut gagner au moins une fois les championnats. J’ai été tellement proche de cet objectif au début de ma carrière, mais les dernières années, ce n’était jamais dans mes cordes. Quand j’ai gagné le chrono, j’étais plus relâché, plus tranquille, pour la course en ligne. Et quand j’ai gagné, j’étais ému. Pas tant pour le titre national, mais plus parce que je savais que j’allais disputer le Tour de France avec ce maillot. Cela m’a procuré un sentiment très spécial. J’ai alors compris la valeur de pouvoir courir avec le tricot de champion. Je ne m’attendais pas à cela. En tout cas j’ai déjà hâte de disputer les classiques avec lui sur les épaules et de me présenter au Tour des Flandres, à Paris-Roubaix… Cela va être génial.
La deuxième place que vous avez décrochée sur l’ultime étape du Giro à Rome a également été un moment marquant de votre saison. Quelle est la différence entre courir le sprint en tant que poisson-pilote et le disputer pour soi-même ?
Il y a clairement une différence bien sûr, même si les qualités sont très proches. Pour lancer, il faut un peu moins d’explosivité et un peu plus de puissance, et peut-être que pour sprinter soi-même il faut un peu plus d’instinct. C’est la préparation qui fait la plus grande différence. Lancer quelqu’un, cela veut dire préparer les derniers kilomètres, savoir exactement comment est le parcours, connaître la direction du vent, comment il vient sur la dernière ligne droite, et avoir un plan. Cela dépend aussi du nombre de coureurs dans le train du sprint. Disputer le sprint, c’est un moment très court et très intense, faire le switch, ce n’est pas si évident que cela. J’avais déjà eu une chance sur ce Giro et j’avais terminé huitième (ndlr : lors de la 17e étape entre Pergine Valsugana et Caorle). Mais j’avais trop les références de poisson-pilote en tête, j’ai analysé cela et j’ai changé d’approche pour le sprint à Rome, et cela allait beaucoup mieux.
Devancer des coureurs comme Alberto Dainese, Fernando Gaviria et Michael Matthews au sprint, qui ont tous déjà gagné sur de grands tours, cela donne-t-il confiance en soi pour retenter sa chance à l’avenir ?
C’est vrai que cela m’a un peu étonné. Mais les noms que vous donnez ne sont pas les meilleurs sprinteurs au monde, loin de là. J’étais très content, mais pas tellement surpris d’aller aussi vite qu’eux. Un sprint, c’est aussi beaucoup de stratégie, et ce jour-là j’en avais une bonne. Le fait que cela soit sur des pavés a enlevé un peu d’explosivité au sprint et c’était plus simple. Je savais déjà que je pouvais être rapide au sprint, sinon je n’aurais pas fait poisson-pilote.
Quel sera votre programme pour la fin de saison ?
Je vais finir avec quelques courses d’un jour en Belgique, en Allemagne, ainsi que Paris-Bourges et Paris-Tours durant les premières semaines d’octobre. Et la saison sera terminée.
Vous avez enchaîné deux grands tours en 2023, le Giro puis le Tour de France, comment se remet-on physiquement de ces deux courses de trois semaines ?
Franchement, je n’ai pas trouvé cela trop compliqué. La plupart du temps, je sors plutôt bien physiquement d’un grand tour. Il fallait plutôt mettre l’accent sur la récupération mentale cette fois. Après le Giro, j’ai pris une semaine de vacances pour récupérer. Ensuite, j’ai fait deux ou trois semaines d’entraînement, pas super dures, avec un peu d’intensité, mais pas trop. J’ai tout de suite senti que j’avais beaucoup de force en sortant du Giro et que j’étais prêt pour le Tour. J’ai bien fait parce que physiquement et mentalement, j’étais bien sur cette épreuve. J’ai bien aimé cet enchaînement.
Pour vous, un an de vélo, combien cela représente-t-il en kilomètres, entraînements et courses cumulés ?
Cela dépend, maintenant que je suis en Andorre, je fais moins de kilomètres avec l’altitude. Mais on se situe sur environ 33 000 kilomètres.
Justement Andorre, parlons-en, comment se passe la vie dans cette petite principauté ?
Pour s’entraîner c’est bien, cela change du Luxembourg et ça m’a fait du bien. Même si le Luxembourg, c’est bien aussi. L’hiver est plus facile ici, il fait plus chaud, il y a plus de soleil. La vie quotidienne est très sympa, les gens sont gentils.
Votre programme pour l’année 2024, à quel moment se décide-t-il ?
Il reste encore un bon mois de travail dans cette saison, ensuite on va faire une pause. C’est seulement après que l’on réfléchira à ce que l’on peut faire la saison prochaine. On va analyser ce qui a bien fonctionné cette année. Mon programme dépend aussi d’autres coureurs, donc ce ne sont pas forcément mes choix. Mais pour moi c’est plutôt facile, il y aura une première partie de saison qui se concentrera sur les classiques, et pas vraiment d’autres possibilités. Pour la suite, cela dépend des idées de l’équipe. J’aimerais refaire le Tour, j’y ai gagné beaucoup d’expérience et j’ai encore appris des choses cette année.
Y a-t-il une course que vous n’avez jamais disputée et que vous aimeriez découvrir ?
Je réfléchis… j’ai fait les trois grands tours, toutes les classiques sauf le Tour de Lombardie, et comme je ne suis pas grimpeur… Au niveau des grandes courses, j’ai tout fait je pense, mais j’aimerais découvrir le Down Under en Australie, ou alors le Japon. Mais cela ne presse pas, car c’est compliqué de débuter la saison en Australie et ensuite d’aller sur les classiques. Donc ce ne sera pas pour les prochaines années, mais peut-être vers la fin de ma carrière. Il y a les courses au Canada aussi.
Quand vous étiez plus jeune, y a-t-il un cycliste qui vous a fait vibrer et qui vous a donné l’envie de vous investir à fond dans le vélo ?
Quand j’étais très jeune, je suivais les duels entre Lance Armstrong et Jan Ullrich, c’était super intéressant, malgré tout ce qui s’est passé après. C’était un duel assez fascinant. Et puis j’ai grandi avec les performances des frères Schleck, de Kim Kirchen, c’était incroyable le niveau que le Luxembourg avait durant ces années-là. Mais j’ai toujours voulu devenir pro, il n’y a pas un coureur en particulier qui m’a motivé pour faire du cyclisme.
Pour vous, qui est le cycliste le plus complet du peloton actuel ?
Je vais dire Tadej Pogačar, c’est assez simple. Il est bon sur les chronos, il gagne de grands tours, il grimpe, il gagne des classiques… Il n’y a pas un autre coureur qui sait faire tout cela.
À 31 ans, vous arrive-t-il parfois de penser à votre après-carrière ?
Oui, j’essaie parfois de me demander ce que j’aimerais faire. Ou au moins, me demander ce que je ne veux pas faire ! Cela fait un peu partie de mon caractère, même si certains disent qu’il ne faut pas encore penser à cela. Mais cela me fait du bien. Il y a un moment dans une carrière où des choix se présentent, et c’est déjà bien d’avoir des idées en tête.
Mats Wenzel va rejoindre l’équipe de développement de Lidl-Trek, avec quel œil observez-vous les premiers pas au haut niveau des jeunes cyclistes luxembourgeois ?
Je suis très content qu’il puisse bénéficier de cette opportunité. Cela me rappelle un peu moi quand j’étais plus jeune… Cela va être intéressant pour lui. C’est difficile de suivre tout le monde en tout cas. Récemment, j’étais aux Championnats du monde avec l’équipe nationale, et cela fait drôle de se retrouver aux côtés de juniors. Je ne les connais pas tous, mais je suis très content si je peux aider quelqu’un d’une manière ou d’une autre à passer pro ou à s’approcher de ce rêve.
Biographie
Alex Kirsch
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