25 mars 2016. On joue la soixante-huitième minute de jeu quand Luc Holtz décide de lancer dans le grand bain la toute nouvelle pépite du football luxembourgeois. Le visage juvénile, le corps d’un adolescent, mais du talent plein les pattes, le jeune Vincent Thill, seize ans, un mois et vingt-et-un jours revêt pour la première fois la tunique des Roud Léiwen. Numéro 15 sur le dos, le joueur né en 2000 devient le plus jeune joueur à débuter avec le maillot de la sélection grand-ducale, battant le record détenu depuis 2005 par Gilles Bettmer (16 ans 7 mois 16 jours, 58 sélections). Sept ans et demi plus tard, le milieu offensif compte 52 sélections avec le Luxembourg. Titulaire en l’absence d’Yvandro Borges blessé, Vincent Thill a regagné sa place dans le onze de départ. Un rôle qu’il avait peu à peu perdu au fil des mois. À 23 ans, le gaucher va-t-il enfin devenir un leader de la sélection ?
Manchester City et le Bayern Munich à ses trousses
Promis dès l’adolescence à un avenir brillant, le prodige luxembourgeois marque les esprits pendant ses années de formation au FC Metz. « Il était assez précoce. Malgré sa petite taille, il était assez dynamique sur ses appuis, avait une excellente technique et un très bon pied gauche », se souvient Bertrand Antoine, à l’époque responsable de la préformation du club grenat et en charge des U15 inter régions. « Je l’ai connu très jeune en sélection. Je me souviens qu’il m’avait remplacé contre le Nigéria pour son deuxième match. C’était un jeune avec énormément de potentiel », ajoute Stefano Bensi, aujourd’hui entraîneur au Fola Esch. « C’est un garçon que j’ai particulièrement apprécié. Il était très simple, il aimait le foot, s’amuser avec ses copains. Il était humble, il transpirait le foot. Il jouait avec la génération 1999. Il avait une vision dans l’avant-ballon au-dessus de la moyenne, il faisait des choses vraiment intéressantes. Quand il a intégré le centre et les U17, très vite, il est allé toquer à la porte des pros. On voyait un potentiel en lui », poursuit Bertrand Antoine. Les formateurs du club grenat ne sont pas les seuls à déceler en lui un très bon joueur de football. Le Bayern Munich était d’ailleurs à deux doigts de l’enrôler en 2016. « Ce n’était pas le seul club. On était allé disputer un tournoi après la trêve de Noël en Floride, aux États-Unis, avec la génération 2000. On avait affronté la sélection U14 américaine, où évoluait un certain Timothy Weah notamment. Vincent a réalisé un match exceptionnel, sous les yeux de nombreux recruteurs. Le lendemain, Manchester City s’est fortement manifesté. Quand il y a eu cette offre du Bayern Munich, son entourage a certainement favorisé son développement dans un endroit familier où il était bien intégré, à proximité », poursuit Bertrand Antoine. Vincent Thill signe finalement son premier contrat pro en mai 2016. Pendant qu’il gagne sa place de titulaire en sélection, le jeune luxembourgeois gravit les échelons en Moselle, mais doit s’exiler pour continuer à grandir. Premier joueur né dans les années 2000 à faire ses débuts dans l’un des cinq grands championnats, le jeune espoir messin s’exile pour poursuivre sa progression, à Pau puis Orléans.
Des hauts, des bas et débat
Ses choix de carrière l’emmènent au Portugal (Nacional Madeira), puis en Ukraine (Vorskla Poltava) et l’avance qu’il avait sur sa génération à ses débuts fond peu à peu comme neige au soleil. « Quand tu accèdes au foot des adultes, c’est là que le plus dur commence. Il faut confirmer et s’imposer. Malheureusement, ça n’a pas été le cas. » Après un passage en Suède, dont une pige à l’AIK Fotboll, le milieu offensif s’éloigne des meilleurs championnats européens puisqu’il s’est engagé cet été au FK Sabah, en Azerbaïdjan. Le résultat d’une pression trop forte subie toutes ces années ? « Il a été trop médiatisé au début de sa carrière. On en parlait comme du prochain Pjanić, c’est une pression énorme pour un jeune de 16 ans et à cet âge-là, on n’est pas armé pour maîtriser cette pression. Je pense qu’il lui fallait un temps d’adaptation, entre les jeunes et les seniors où c’est la classe mondiale, donc forcément, quand on n’a pas l’expérience ou le physique, c’est compliqué », décrypte Stefano Bensi. « Ce n’est pas simple quand on est jeune de supporter la pression médiatique, les attentes placées en toi… Quand la sélection croit en toi depuis des années, quand tu arrives dans un vestiaire professionnel, il y a une pression supplémentaire. Il est issu d’une famille de footballeurs aussi. » En sélection, la concurrence se rapproche. Yvandro Borges, le dernier joyau du Grand-Duché, lui est désormais préféré par Luc Holtz. Le style de l’ailier rapide et virevoltant du Borussia Mönchengladbach se fond parfaitement dans l’animation offensive concoctée par Luc Holtz, surtout quand le Luxembourg doit se contenter de jouer en contre. Intéressant lors de son entrée en jeu face au Portugal, où il était l’un des seuls à rivaliser d’un point de vue technique avec les joueurs de la Seleção mi-septembre, Vincent Thill restait, à ce moment-là, un joker de luxe aux yeux de son sélectionneur. « Il a fait une bonne entrée offensivement, mais le souci reste l’aspect défensif. On ne peut pas défendre à 10, on n’a pas le niveau pour se le permettre. Il fallait qu’il nous aide davantage à ce niveau, et ça reste vrai pour les matchs à venir », avait déclaré Luc Holtz à l’issue de la rencontre.
Un jeune avec de la bouteille
Avec la blessure d’Yvandro Borges, Vincent Thill a finalement démarré les deux rencontres du dernier rassemblement, face à l’Islande et la Slovaquie. Tantôt dans l’axe, tantôt sur l’aile, la polyvalence du numéro 11 des Roud Léiwen en fait un joueur prépondérant de la sélection, même en sortie de banc. « Il a progressé dans tous les domaines, même au niveau physique, il a pris en masse musculaire pour renforcer son jeu », précise Stefano Bensi, qui voit en Vincent Thill un titulaire en puissance. « Quand on voit ses performances, il peut s’installer dans le onze de départ. Il y a une concurrence et des choix de coach, c’est normal. Qu’il soit remplaçant ou titulaire, il joue avec le cœur et la fierté pour le maillot, même s’il a parfois un sursaut d’émotion, ce qui prouve qu’il a de la personnalité. » La vingtaine désormais bien entamée, le défi du milieu offensif est de gagner en stabilité, car avec huit clubs à son actif, dont deux en prêt, le gaucher n’a encore jamais réalisé deux saisons consécutives dans la même équipe depuis son départ du FC Metz. « Il s’est développé sur le plan athlétique. Il a pris de l’expérience, il a du vécu, il a découvert d’autres pays, il joue en sélection, il est devenu papa… C’est toujours une question de temporalité, mais s’il arrive à franchir ce cap, vu son potentiel et avec de la maturité mentale, il peut exploser à 25 ans, car il est encore jeune chez les adultes. Certains ont une voie royale même s’ils travaillent, d’autres peuvent éclore plus tard », ajoute Bertrand Antoine. « Il a encore le temps, même si ça fait des années qu’il est dans le métier, il est encore très jeune. Il a la capacité de s’installer dans un bon championnat s’il fait deux saisons complètes quelque part. Il est en train de chercher sa voie, quand il va trouver un endroit où il se sent vraiment bien dans un championnat, il fera de belles choses et ce sera bénéfique pour la sélection », conclut Stefano Bensi. Après avoir longtemps eu un avenir tout tracé, les contours du futur de Vincent Thill ne sont pas encore dessinés, mais s’il parvient à enchaîner, en club comme en sélection, l’homme aux 51 sélections avec le Luxembourg pourrait faire parler de lui dans les meilleurs championnats à l’avenir. Et qui sait, peut-être, recroiser la route du Bayern Munich ou de Manchester City.
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