Si dans le reste du monde, on considère la F1 comme la discipline reine des sports mécaniques, aux États-Unis c’est la NASCAR qui a la cote. Dans l’histoire, un seul Européen s’est imposé dans la discipline Outre-Atlantique, Mario Andretti. Son petit-fils, Marco, était l’attraction de la manche d’ouverture de l’ARCA Menards Series à Daytona. Mais un pilote luxembourgeois, Gil Linster, lui a volé la vedette en signant un fracassant Top 10. Pour inaugurer notre nouvelle rubrique Pit Stop, Linster est revenu avec nous sur le weekend de rêve qu’il a vécu.
Monsieur Linster, comment est-ce que vous avez obtenu ce volant pour la manche inaugurale de l’ARCA Menards ?
L’année dernière, j’ai roulé aux États-Unis pour le compte de l’écurie 1X Racing. Mon spotter [n.d.l.r. une personne de l’écurie qui est en liaison verbale avec le pilote et le tient informé de ce qui se passe sur la piste] m’a dit qu’il aimerait bien me faire rouler dans une compétition plus relevée sur des circuits de plus grande renommée. Il m’a mis en contact avec Kimmel Racing qui m’a proposé d’essayer de passer ma licence avec eux en janvier. Pour obtenir cette licence, on réalise des tours chronométrés sous la supervision de membres de l’ARCA. Ceux-ci attribuent les licences selon les chronos et le style de conduite des différents concurrents. Je l’ai réussie du premier coup et cela m’a ouvert les portes des manches du championnat ARCA Menards Series.
Quel est le statut du championnat ARCA Menards ?
L’ARCA [n.d.l.r. acronyme de “Automobile Racing Club of America”] était une fédération rivale de la NASCAR, mais elle a été rachetée par cette dernière. L’idée du rachat est de faire du championnat ARCA Menards la porte d’entrée des pilotes internationaux dans le monde professionnel du stock-car américain.
Comment se passent les premiers tours de roues sur le circuit mythique de Daytona ?
C’est très spécial. On ne sait pas prendre le temps de réaliser, parce que dès qu’on met les roues sur la piste, on doit mettre le pied au plancher. On doit prendre de la vitesse le plus vite possible pour ne pas avoir un trop grand écart de vitesse dans la ligne droite opposée avec les voitures qui sont déjà en piste. Il faut ensuite faire très attention à amorcer les virages avec beaucoup de vitesse, parce que le moindre à-coup sur la pédale de gaz ou la moindre pression sur les freins rendent l’arrière très instable.
Le vendredi, vous réalisez des qualifications remarquables en terminant P7… Vous attendiez-vous à un tel résultat ?
On était 49 au départ des qualifications. Or la course ne peut comporter que 40 voitures. Par conséquent, les 9 moins bons temps étaient éliminatoires. Mon objectif était d’éviter ces places. On est subdivisés en des groupes de 6, 7 ou 8 concurrents. Je remporte mon groupe et au fur et à mesure que les groupes s’enchaînaient, mon chrono restait tout en haut du tableau d’affichage. Mais après, il y a eu un groupe avec les voitures d’usine Toyota et Ford. Les pilotes se sont entendus pour se fournir l’aspiration mutuellement et ils ont tous mis 5 dixièmes au reste du peloton. Je termine donc en septième position, mais s’il y avait eu le moindre petit incident dans ce groupe, on aurait pu signer la pole.
L’ARCA est réputée pour ses crashs à répétition et cette course n’a pas dérogé à la règle…
Oui… Il fallait être au bon endroit au bon moment. Je commence la course en P7. Après un certain temps, je remarque que ça devient chaud. Ça frotte de plus en plus, les esprits s’échauffent et je décide qu’il vaut mieux me laisser quelque peu décrocher. Je suis descendu en 20e place et 2 tours plus tard, il y avait un crash dans les premières positions. Les autres rentrent pour changer de gommes, nous, on décide de rester sur la piste et nous voilà en 5e place. Puis, de nouveau, je sens que ça commence à chauffer, je me laisser rétrograder et on assiste devant au prochain accident…
Il fallait avoir le bon instinct…
L’instinct ? Pas vraiment. Il fallait faire ses devoirs. Il fallait observer pendant les essais libres et qualificatifs le style et le caractère de chacun. On se rend vite compte que quand certains pilotes se retrouvent au même endroit, ça fait des étincelles et mieux vaut ne pas se trouver dans les parages…
La scène qui a fait le tour des réseaux, c’est le tamponnage que vous avez subi de la part de Thomas Annunziata. Vous parvenez à récupérer la voiture alors qu’elle est en perdition à plus de 250km/h. Cela rappelle le coup de force avec la Mustang en 2017 qui avait décidé CAAL Racing de vous proposer un contrat.
Sur le coup, c’était vraiment un coup dur. J’étais dans le groupe de tête et je comptais y rester. Après le contact avec Annunziata, je perds brièvement le contrôle, mais je parviens à le récupérer. Maintenir une Mustang sur une surface humide ou récupérer le contrôle comme ce fut le cas ici, c’est finalement assez similaire. Une fois qu’on a les bons réflexes dans ces cas-là, on les garde pour la vie, même si en NASCAR il faut rajouter dans l’équation que la géométrie de la voiture n’est pas droite.
Était-ce compliqué de se remobiliser pour la suite de la course ?
Il faut tout de suite se reconcentrer. Je me retrouve à hauteur de mon coéquipier [n.d.l.r. Lavar Scott] et on commence à collaborer à 3. Mais juste avant la fin de la course, mon coéquipier est impliqué dans un accident.
Vous vous retrouvez en 16e position à un tour de la fin.
À ce moment-là, c’est tout ou rien. Au restart, on roule à 2 de front et mon idée était d’ouvrir une troisième ligne sur le dessus de la piste pour prendre de la vitesse et faire l’extérieur. Mais au moment où dans la ligne droite opposée, je lance ma manœuvre, je vois une voiture propulsée dans le mur juste devant moi.
Qu’est-ce qui vous passe dans la tête à ce moment précis ?
C’est déroutant. On roule pendant toute la course à 280km/h, mais comme les voitures à côté évoluent à la même vitesse, on n’a pas la sensation d’aller vite. Au moment de l’accident, on est subitement beaucoup plus rapide que les voitures qui y sont impliquées et d’un coup, on prend conscience de la vitesse et on n’a plus le temps de réfléchir. Mais une fois à l’intérieur de l’accident, d’un coup on a l’impression que tout se passe au ralenti. On a l’impression de tout voir avec une infinie précision. C’est à ce moment-là qu’il faut décider de la bonne trajectoire pour s’en sortir. Je passe l’accident sans rien toucher et là je vois un peloton clairsemé devant moi et je prends conscience qu’on n’est pas beaucoup à avoir évité le crash. C’est là que j’ai pris conscience que j’avais réussi, que j’allais terminer dans le Top 10. C’est mieux que tout ce qu’on aurait pu espérer… Je suis d’ailleurs devenu le premier européen de l’histoire à signer un Top 10 en ARCA et ça, personne ne pourra me l’enlever.
Vous avez grillé la politesse à un certain Marco Andretti…
On était à 3 étrangers, Andretti, Shane van Gisbergen et moi-même. Ils sont évidemment plus connus que moi. Marco Andretti roule en IndyCar Series depuis quasiment 20 ans et Shane van Gisbergen a été trois fois champion de V8 Supercar. C’étaient clairement les plus plébiscités avant la course. Ce n’était plus la même chose après la course. C’était la meilleure chose qui pouvait m’arriver. J’étais l’outsider et ce sont mes résultats qui ont attiré l’attention.
Ferez-vous encore des piges en ARCA cette saison ?
Ce sera difficile. Suite à l’accident, la voiture de Lavar est bonne pour la casse. Il va récupérer ma voiture pour la suite de la saison! Pour faire d’autres courses en ARCA cette année, je devrais également trouver un budget.
Là où vous êtes par contre confirmé, c’est pour le championnat d’Euro NASCAR.
Exact. En Euro NASCAR 2, je vais ambitionner de me battre pour le titre avec Hendrick Motorsport. L’Oval de Venray est au programme du championnat cette année. Je serai l’un des plus expérimentés sur ce type de course. Je pense que je pourrai vraiment tirer mon épingle du jeu !
Andy Foyen
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