Le Directeur technique national de la Fédération luxembourgeoise d’athlétisme, revient avec nous sur les performances hors normes des athlètes du Grand-Duché et tente d’apporter ses éléments d’explication sur l’émergence en masse de nos talents.
Pour Jean-Baptiste Souche, DTN à la FLA, il convient d’abord d’évoquer un « phénomène générationnel », avec des sportifs en fin de carrière qui côtoient les futures stars et créent une émulation et une véritable transmission. Historiquement, la fédération a eu cette chance de pouvoir compter sur un renouvellement constant de ses talents, sans avoir besoin de remonter jusqu’à Josy Barthel : David Fiegen et sa médaille d’argent en 2006 aux Championnats d’Europe de Göteborg, Tiffany Tshilumba qui déjà très jeune se qualifiait en demi-finale des championnats internationaux indoor de 2015.
Ce qui change désormais pour lui, c’est « la densité » de notre effectif depuis une dizaine d’années : « Avant, il y avait un talent dans le pays qui avait des performances honorables et derrière c’était un peu le trou. La force de la fédération, c’est d’avoir su structurer beaucoup mieux sa filière de formation, avec le centre de formation pour les athlètes mais aussi l’accompagnement et la formation des entraîneurs. » Pour preuve, Charel Grethen, passé par le centre de formation qui s’entraîne depuis des années son coach en club Camille Schmit.
Un investissement que la fédération veut accentuer. « La structure de la FLA ne permettait pas de faire émerger des profils d’entraîneur. Depuis la création de l’INAPS, nous disposons de vrais outils pour former ces coachs dans la durée. » Concrètement, le soutien logistique et le budget viennent sortir la fédé d’une situation de loterie où la chance avait davantage sa place que la qualité organisationnelle et la font atteindre un palier où les entraîneurs formés sont tous compétents pour coacher et détecter les pépites de l’athlétisme.
Miser sur la formation, un pari gagnant si l’on aborde l’enjeu sur le long terme. Et force est de constater que les résultats sont là : Bob Bertemes, Vera Hoffmann, Charline Mathias, tous sont passés par cette filière dont on récolte à présent des fruits qui réussissent à l’international. Autre élément de taille, le Luxembourg Institute for High Performance in Sport (LIHPS) qui a un impact résolument positif dans sa participation à la professionnalisation de nos sportifs au niveau de leur préparation : « Le LIHPS fait clairement passer nos athlètes au cran supérieur. Nous avons accès à des professionnels pluridisciplinaires très compétents, ce qui amène la vision d’autres sports pour faire grandir l’athlétisme. » Ce qu’une fédération d’athlétisme de 3.000 licenciés ne pourrait se permettre devient accessible : suivi médical et nutritionnel, bio-mécanique, aérodynamique sont des plus-values inestimables pour faire entrer nos athlètes dans la cour des grands avec le soutien du COSL.
En terme de communication, Jean-Baptiste Souche admet les carences marketing en-dehors du coeur de métier mais souligne les progrès de la fédération avec l’embauche d’une chargée de comm’ depuis octobre, la mise en place d’un nouveau site internet fin 2024 et le soin apporté à la visibilité sur les réseaux sociaux, grâce à l’investissement des bénévoles et des élus. Et cela n’est pas uniquement destiné à montrer les performances des athlètes d’élite en compétition : le sport-loisir et l’athlé-santé tiennent à coeur à la FLA. Car l’athlétisme est avant tout « un sport de pratique » et cette idée reste sous-développée voire peu intuitive. « Les études médicales, sociologiques et démographiques le prouvent : la pratique de l’activité physique est positive, et cela concerne aussi le sprint, les haies ou le lancer. » De là à fonder un programme en lien avec l’école pour mettre les enfants à la pratique de l’athlétisme, il n’y a qu’un pas que la FLA a décidé de franchir. Le LTAD (Long-Term Athlete Development) lui sert de document de référence pour promouvoir un développement physique et moral harmonieux : en 2020, le ministère des Sports, l’INAPS et COSL, en coopération avec le LIHPS avaient en effet élaboré le concept-cadre « LTAD – Lëtzebuerg lieft Sport » avec pour objectif de promouvoir la qualité de l’activité physique et des sports au Luxembourg. Sans compter les passerelles avec le Sportlycée, « un très bel outil » selon le DTN.
Côté ambitions, la FLA table sur un record du nombre de qualifiés pour les Championnats d’Europe de Rome. L’indicateur de base, c’est Munich 2022 et nos quatre athlètes qualifiés : avec Patrizia Van der Weken, Bob Bertemes, Vera Hoffmann et Charel Grethen dont les performances actuelles les hissent au rang de finalistes européens en puissance, François Grailet, Charline Mathias, et même Victoria Rauch pourraient contribuer à atteindre cet objectif. Quant aux Jeux, les olympiades modernes n’ont toujours vu que deux athlètes y participer, et l’édition 2024 pourrait être un cru inédit avec six ou sept représentants luxembourgeois visant raisonnablement une qualification. « Pour Bob Bertemes qui y finira sa carrière, ce serait génial de le voir faire un beau résultat à Paris et concrétiser enfin en compétition internationale ! » s’enthousiasme Jean-Baptiste Souche qui l’en sait capable.
Des clubs qui cherchent à se structurer, un regain d’intérêt non négligeable pour les formations de coachs organisées par la FLA, un soutien du COSL avec les outils professionnels du LIHPS et une génération d’étoiles montantes, la recette idéale pour l’athlétisme grand-ducal, un sport polyvalent qui pourrait servir de modèle à l’expansion de nos fédérations.
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