Deux destins similaires pour deux groupes aux histoires différentes et une analyse qui diverge. Entretien avec une légende du Handball Esch et l’entraîneur du HC Berchem.
Tom Krier : « Une des plus grosses défaites de ma carrière »
Esch est tombé sur un os : les Ukrainiens du HC Motor remportant les deux confrontations en octobre.
« On s’est fait tuer 46-29 au match retour », sourit Tom Krier, l’international qui a participé à la finale de « Challenge Cup » en mai 2013. Un souvenir inoubliable.
MENTAL! : Le club connaît des soucis financiers. Le comité a-t-il sondé les joueurs avant de prendre la décision de s’inscrire en Coupe d’Europe ?
Tom KRIER : En effet, la situation financière est un peu difficile. Jouer en Europe a un coût. On bagarre une saison pour se produire sur la scène internationale. Le comité est venu discuter le coup avec Enes Agovic et moi-même, il a particulièrement soutenu l’importance d’en être, notamment pour les sponsors.
Le HC Motor s’est révélé être un obstacle infranchissable. Étaient-il injouables ?
Dès le tirage au sort, nous avions conscience de la difficulté de la tâche. Le HCM est habitué à disputer la « Champions League » (9 participations lors de 11 dernières saisons). Certes, il a perdu quelques joueurs en raison de la guerre (février 2022) en Ukraine mais, clairement, c’est un adversaire redoutable. Son effectif qui allie expérience et jeunesse reste de grande qualité. Nous ne rêvions pas. Tout dépend du tirage au sort mais je vois le HC Motor aller loin dans l’épreuve, au minimum en 1/4 de finale.
Nourrissez-vous des regrets concernant le match aller perdu de six buts à Esch ?
Pas vraiment. Le groupe s’est comporté et battu de manière admirable. L’écart était souvent de -2, de -3. Le marquoir indiquait d’ailleurs 14-17 au repos. Le deuxième acte s’est avéré plus compliqué. La fatigue était perceptible. S’incliner 32-26 est un score honorable.
Par contre, la manche retour – disputée à Michalovce en Slovaquie en raison de la guerre – ressemble à s’y méprendre à une « purge » : 46-29. Comment expliquer une telle déroute ?
Sans chercher des excuses, le déplacement a été long, très long même. La délégation s’est retrouvée à l’aéroport à 04h00 pour prendre un vol jusqu’en Pologne. De là, il y a eu un trajet en bus d’une durée de 7h (!) pour arriver à Michalovce, à proximité (30 kilomètres) de la frontière ukrainienne. Bref. On est arrivé à 20h à l’hôtel. L’entraîneur Rajko Milosevic a fait jouer tout le monde. Sur 52 tirs, les Ukrainiens ont fait mouche à 46 reprises. Nous avons fait honneur au maillot eschois en bagarrant jusqu’au coup de sifflet final. Il y a des jours comme ça.
Cette défaite trottera-t-elle longtemps dans les têtes ?
Non mais il importe de ne pas l’oublier, pour autant ce genre de déroute ne doit pas se répéter. J’ai en mémoire une défaite de 23 buts (37-14) contre les Suédois de Halmstad en qualifications de « Champions League » en août 2013. Ces cuisantes expériences font partie intégrante d’une carrière. Il faut savoir en tirer les leçons, s’entraîner un peu plus et, surtout, continuer à faire preuve de solidarité au sein du groupe. Ainsi rebondit-on.
La double confrontation face à Halmstad était la « récompense » à la fabuleuse épopée en « Challenge Cup » lors de la saison 2012-2013. Vous êtes le dernier des Mohicans du HBE à encore être sur les parquets. Quels sont vos souvenirs ?
J’avais 20 ans à l’époque. Le kinésithérapeute Eric Robyn est toujours là lui aussi. Nous avions atteint la finale contre les Biélorusses du SKA Minsk. Malgré les défaites (31-26 et 32-24), il s’agit du plus grand exploit réalisé par un club luxembourgeois sur la scène européenne. Un moment inoubliable. C’est aussi la première (et dernière) fois où je me suis produit à la grande salle, l’Arena à la Coque. Il y avait un monde fou (3250 spectateurs). Depuis me débuts à Esch, j’ai remporté seize titres mais, assurément, cette médaille de finaliste est celle qui compte la plus parmi toutes celles remportées (championnat et coupe de Luxembourg). Avec les Zuzo, Muller, Pulli, Bock, Labonte, Decker, Kohl, Mauruschatt, Marzadori et consorts, il s’agissait, peut-être, de la meilleure équipe de l’histoire du HBE. Quelle génération !
L’AXA League a repris ses droits ; le HB Esch pourrait-il manquer une qualification pour la prochaine compétition européenne ?
Je n’ose pas y penser. Nous n’avons pas très bien débuté le championnat. Le club se qualifie sans discontinuer depuis 2008. Les anciens ont arrêté et c’est la vie. Le cadre s’est rajeuni. À 31 ans, je suis le plus âgé. J’assume mon nouveau rôle. Les jeunes doivent saisir leur chance. Esch ne jouera pas pour remporter le titre, ce qui est inhabituel. Le sentiment est bizarre. On sera à la bagarre avec Käerjeng derrière le trio Berchem-Red Boys Differdange-Dudelange. À mes yeux, Berchem est l’équipe la plus forte. Une saison est longue. Je souhaite un prompt rétablissement à Yann Hoffmann (Berchem) victime d’une rupture du tendon d’Achille. Je faisais chambre avec lui lors du rassemblement de l’équipe nationale (République Tchèque et Croatie) début novembre.
À l’instar du HB Esch, le HC Berchem n’a pas fait long feu en « European Cup ». L’équipe entraînée par Marko Stupar s’est inclinée à deux reprises face aux Serbes du RK Partizan Belgrade AdmiralBet.
« Cet adversaire évolue trois niveaux au-dessus. Les garçons ont fait leur maximum. »
Clap de fin. L’aventure européenne a duré ce qu’elle a duré : deux matchs. Les Serbes du Partizan Belgrade n’ont fait aucun cadeau à leur… compatriote Marko Stupar. Aucun.
« J’ai l’habitude de regarder les résultats de la Superliga », témoigne le principal intéressé. « Le Partizan n’a plus le même effectif qu’en 2021 mais son noyau reste très compétitif. Il a battu Vojvodina qui n’est pas le premier venu au pays. Cet adversaire a remporté la European Cup en 2023. Cette saison, en European League, il a mis des bâtons dans les roues des Allemands de Kiel (28-32) et a pris la mesure (36-35) des Croates de Nexe. »
Les Berchemois n’avaient pas la moindre chance de créer l’exploit. « En effet. Il existe trois niveaux d’écart entre le Partizan qui a recruté des joueurs habitués à disputer la Champions League et mon équipe. » Des scores de 35-24 (aller) et 27-22 (retour) sanctionnent des débats à sens unique. Un écart de seize buts reflétant la nette différence de niveau. « À l’aller (24) et au retour (22), on n’a pas assez marqué. Nous avons eu de problèmes sur les tirs ouverts. Je n’ai pas souvenance d’avoir si peu trouvé l’ouverture lors d’un match », analyse Marko Stupar. L’élimination est actée. Lors de la saison 2023-2024, le HCB avait buté sur les Autrichiens de Fivers Wat (33-33 et 33-23). Les Berchemois ont-ils progressé lors des douze derniers mois ?
« Oui », assure leur coach. « Mon effectif est plus fort. Malheureusement, je déplore la blessure [NDLR : rupture tendon d’Achille de Yann Hoffmann]. Mon guerrier ne jouera plus de la saison. » D’un autre côté, le technicien serbe en fin connaisseur qu’il est dresse un constat. Le constat est connu mais, n’empêche, il a un goût amer. « Le niveau du championnat est ce qu’il est. Au mieux, playoffs compris, tu as vingt matchs de très bon niveau étalés sur dix mois. Ce n’est pas suffisant pour rivaliser à l’échelon européen. » Le HB Esch avait frappé fort en atteignant la finale en « Challenge Cup » en mai 2013. « C’était une autre époque. J’espère revoir un club grand-ducal accéder au stade ultime… mais ce n’est pas pour tout de suite. »
Vincent Lommel
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