Champions d’automne, meilleure attaque, meilleure défense, les hommes de Pedro Resende n’en finissent pas de dominer outrageusement la division nationale. À tel point que l’extraordinaire en passerait presque pour une habitude. Projecteur sur une équipe devenue en une saison et demie la lumière de notre championnat sous la houlette de l’un des meilleurs coachs d’Europe.
En soulevant la Coupe de Luxembourg en mai 2023 pour fêter ses 20 ans d’existence, le FCD03 renouait avec ses succès du début des années 2010. Mais ils étaient bien peu à prédire que l’effectif allait bientôt remporter sous les ordres de son coach portugais son premier titre de champion et survoler la BGL Ligue la saison suivante. Plus impressionnant encore, le fond de jeu offert par Resende aux spectateurs et le festival offensif de Jorginho ou Guillaume Trani qui avaient raflé tous les lauriers avant l’été continuent de performer, avec la régularité d’un métronome et la précision d’un orfèvre.
Les chiffres sont sans appel : 37 buts marqués, 5 encaissés, 13 victoires pour un nul et une seule défaite, Jorginho sur le podium des meilleurs buteurs avec 11 réalisations et meilleur passeur avec 10 assists, un portier qui en début de saison a fait oublier d’un claquement de doigt son prédécesseur Romain Ruffier en enchaînant une série inédite de 7 clean sheets… Sur l’année civile 2024, le FCD03 n’a concédé que trois défaites en BGL Ligue : la première à la loyale le 30 mars (4-3 pour la Jeunesse, sensation de l’hiver), la seconde avec l’équipe B le 26 mai après-midi où la Cité du Fer célébrait ses héros (2-0 pour le Fola qui jouait sa survie). Depuis, aucun adversaire ne l’avait l’emporté jusqu’au Racing, tombeur du leader à la 15e journée début décembre.
Avec Pedro Resende à leur tête, c’était jusque là 2,23 pts par match en championnat (106 points en 45 rencontres) ! Le total s’élèvait même fin novembre à 2,86 cette saison : le discret coach portugais n’étant devancé que par Vladan Milojevic, entraîneur de l’Étoile Rouge de Belgrade (2,88). Des statistiques qui donnent le tournis et suscitent de nombreux intérêts… Pour preuve, Resende a été approché par un club pro kazakh il y a peu, alors même que son niveau de diplôme UEFA n’était pas suffisant. Le Kazakhstan, une décision à la mode chez les red boys, puisque Jorginho y a décroché un contrat en or au Kairat Almaty pour lequel il s’est envolé il y a quelques jours.
Le secret selon le coach ? Quatre qualités : « être un leader est le plus important. On peut tout faire avec moi, boire un verre, aller en discothèque, rigoler. Mais quand c’est le moment de travailler, je peux avoir fait des blagues dans le vestiaire juste avant, on sait que je ne suis plus en train de rire. » Avoir le droit à l’erreur est aussi essentiel : « je peux me tromper, et je sais le reconnaître. Je dis toujours la vérité, et en face à face. » Ainsi, l’honnêteté est la troisième vertu cardinale. Enfin, « être humain : mes joueurs, je les critique beaucoup, mais c’est pour être constructif. Je les critique mais je les adore ! » Si bien qu’il en voit bien un certain nombre rejoindre un club pro très rapidement, Jorginho n’étant que le premier d’entre eux.
Et ils le lui rendent bien. Jamais un joueur du FCD03 ne s’est plaint de son coach. Kevin D’Anzico lui a même offert son premier maillot sous les couleurs des Rout Léiwen. Pour Artur Abreu, « Pedro nous ramène cette grinta tous les jours, qui nous pousse à chaque entraînement pour avoir sa place le dimanche et gagner. Quand tu as tout un club motivé à 100% et quand tu as goûté une fois la Ligue des Champions, c’est une surmotivation. Le coach a changé la mentalité du groupe. Psychologiquement, tactiquement mais aussi humainement : il aide tout le monde à progresser et il donne leur chance aux joueurs. » Lui qui a rejoint Differdange en janvier pour la deuxième fois de sa carrière, confirme qu’à ce stade « on ne peut pas dire que c’est de la chance, c’est uniquement du travail! Un travail de tous les jours et de tout le monde. »
Et le remuant attaquant, malgré sa blessure qui l’a privé de Champion’s League cet été jusqu’au mois de novembre, voit une véritable différence entre le FCD03 de 2014 et celui de 2024 : « Je me rappelle il y a 10 ans lors de mon premier passage, c’était déjà un grand club au pays, mais il n’y avait pas la réussite. C’est un travail qui prend du temps : les gens ont appris de leurs erreurs, ce qui avait été fait de moins bien a été changé, on a tous évolué. Le club s’est structuré, s’est professionnalisé. »
Président, staff, joueurs, chacun semble mieux armé pour aborder des défis à la hauteur de ses ambitions et porter les couleurs du Grand-Duché au niveau continental. Le chemin est encore long, après la déconvenue face au KÍ Klaksvík sans avoir trouvé le chemin des filets puis l’élimination rageante aux tirs au but en Conference League contre Chimkent Ordabasy.
Un chemin qui frustre parfois le tacticien. Meilleure défense avec 5 buts encaissés seulement, un gardien incroyable mais aussi une charnière centrale ultra solide, meilleure attaque avec 37 buts marqués et des offensifs en réussite, notamment grâce à des pistons qui apportent systématiquement le surnombre, reste-t-il une faiblesse à son équipe ? « Je suis très difficile, très dur, plus encore avec moi-même. Mais la perfection n’existe pas ! Si je vais entraîner à un plus haut niveau, je veux faire plus. Ici, je ne peux pas.»
Car le digne héritier de son père qui a entraîné en première division portugaise en demande toujours davantage à ses joueurs. Quand on lui demande comment il a réussi à étoffer la palette d’un Jorginho en si peu de temps, il répond que s’il s’écoutait : « je voudrais qu’il en fasse encore plus. » Travaillant les phases arrêtées avec acharnement, il réclame de son groupe de la discipline et cela paie : le but inscrit par Leandro dans le derby sur un corner tiré par Trani et le coup-franc en deux temps transformé à la réception par Brusco à Rodange sont les exemples les plus marquants d’un entraînement efficace.
Disciple de Vitór Frade, grand adepte de la périodisation tactique qu’il considère comme « la meilleure façon de travailler mais pas la seule pour gagner », Resende a été pris de la passion foot depuis l’enfance. Avec des convictions chevillées au corps mais aussi une grande faculté d’adaptation : « Il faut savoir comprendre où on est, la culture du pays, des joueurs, les infrastructures et… la météo ! »
Par exemple, la qualité du terrain influe un exercice de possession du ballon dans un espace réduit, la température a un impact sur le temps de récupération après 3 minutes à haute intensité, un joueur ne pourra livrer son potentiel que sur certains postes… Si bien qu’il lui a fallu parfois de la patience avant de tirer le meilleur de ses joueurs : « il y a un peu plus d’un an, j’ai imaginé un exercice de possession un peu différent. Je ne l’ai fait que le mois dernier. La saison passée, ils n’étaient pas préparés. Maintenant, avec leur maturité, les résultats étaient très très bons ! »
Trop bon, Differdange ? Les adversaires abordaient en tout cas chaque confrontation avec l’envie d’être les premiers à faire tomber un colosse au pied de fer. Le coach le sait bien et entend garder les pieds sur terre : « Après la trêve, c’est un deuxième championnat qui commence et qui peut être très différent. Avec des arrivées, des joueurs qui peuvent mettre du temps à s’adapter, des dynamiques. »
ll faudrait pourtant un sacré retournement de situation pour les détrôner, avec 7 points d’avance sur Dudelange qui s’est séparé de son entraîneur Marco Martino juste avant la Saint-Sylvestre, et sur le Racing encore en construction. Le départ de Jorginho pourrait donner des idées aux poursuivants…
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