Promu pour la première fois en D2 française cette saison, le Tornado est passé par bien des épreuves avant de parvenir à arriver au troisième échelon du hockey français. Retour sur un parcours semé d’embuches mais mené avec une passion et une organisation capables de réaliser des miracles.
Toute histoire, aussi belle soit elle, a un début et une fin. Et si la fin de l’histoire de la saison 2024-2025 du Tornado Luxembourg reste encore à écrire, le début, lui, est déjà gravé dans la glace. Il faut remonter au 3 juillet 1973, soit l’année où il est fondé, pour voir les débuts du club de Luxembourg, le hockey sur glace étant auparavant pratiqué au sein de l’entité Club Hiversport dans la capitale. Ce sport, qui n’en est encore à ce moment-là qu’à ses balbutiements au pays, va voir le club prendre dans un premier temps la direction de l’Allemagne, afin d’évoluer au sein du quatrième échelon national. Mais le Tornado a toujours eu soif de grandir, et son évolution passait alors par un nouveau changement de championnat. Nouveau siècle, nouveau pays, et l’équipe senior masculine prend cette fois-ci la direction de la France à partir de 2005, où la gestion des divisions inférieures est meilleure que chez les voisins allemands.
Après avoir passé de nombreuses saisons en D3, soit le quatrième échelon national chez nos voisins français, l’arrivée de l’Allemand Petr Fical en 2015 dans le rôle d’entraineur en lieu et place de Vladimir Kouznetsov va dans un premier temps insuffler une nouvelle dynamique au sein de l’effectif, qui atteindra par deux fois les playoffs en 2017-2018 et 2018-2019, avant de voir le COVID venir freiner les rêves d’accession en D2. La pandémie aura malheureusement sérieusement fait patiner le club de la capitale, qui voit la bonne dynamique des saisons précédentes brisée avec un effectif qui n’est plus aussi investi qu’auparavant. L’arrivée de Christer Eriksson au poste d’entraineur à l’été 2022 va permettre de reprendre la marche en avant entreprise avant la crise sanitaire.
C’est ainsi que le club réalise l’exploit de monter en D2 à l’issue de la saison 2023-2024 grâce à des playoffs maitrisés de main de maitre et un Final Four historique qui voit le club terminer deuxième et donc sécuriser sa place à l’échelon supérieur. Une montée obtenue notamment grâce à une victoire lors du premier match du Final Four face à Châlons 4-3, où un certain Colm Cannon aura inscrit trois des quatre réalisations de son équipe durant la rencontre. Cannon, capitaine emblématique du Tornado et de l’équipe nationale, qui continue de marquer l’histoire du club au même titre que Ronny Scheier, Marcus Eriksson, Teemu Hinkula et autres illustres anciens. À ceci près que l’actuel numéro 9, qui en est donc à sa quinzième saison à la maison, détient bon nombre des records statistiques du club.
Cette montée est donc venue récompenser un travail de longue haleine mené par des gens avant tout passionnés, mais surtout compétents et ayant envie de faire progresser le hockey au Grand-Duché. Du capitaine Colm Cannon au président Patrick Schon, en passant par le coach Christer Eriksson ou encore le Team Manager Loic Darras, cette folle aventure vire progressivement à la (très) belle histoire.
Il est parfois fait mention de culture club dans le cadre sportif, mais trop souvent cette expression peut être galvaudée, réservée à des clubs ayant de nombreuses décennies d’existence pour ne pas dire plus, ou bien des armoires à trophées très fournies. Le Tornado est un parfait contre-exemple que des liens forts et un vrai savoir-faire n’attendent pas nécessairement le nombre des années ou des titres. Et peu importe avec qui vous vous entretiendrez au sein du club, le terme « famille » ne sera jamais loin, preuve qu’au-delà du sportif, le club s’est avant tout fait une force de ces liens qui unissent ses membres. Une complicité et des amitiés qui se créent au fil du temps, le club étant relativement stable dans l’évolution de son organigramme, mais qui n’empiètent absolument pas sur le sportif. Aussi bien sur la glace avec des leaders qui connaissent la maison qu’à l’extérieur où le duo Loic Darras (Team Manager) – Christer Eriksson (Head Coach) fonctionne parfaitement.
Le coach suédois de 61 ans met à profit son réseau ainsi que son immense expérience et ses années passées dans l’élite du hockey français pour recruter les meilleurs joueurs possibles, tandis que le Team Manager se charge de gérer toute partie qui ne concerne pas directement la glace, mais qui revêt un interêt majeur. À commencer par le logement réservé à certains joueurs n’étant pas de la région, le club s’occupant de leur fournir des appartements. Pas en mesure de verser de l’argent ou une quelconque prime à ses joueurs, le Tornado doit penser malin et se débrouiller. On propose donc des solutions alternatives comme le logement trouvé et payé pour tenter d’attirer des prospects qui pourraient améliorer le niveau de l’équipe, et qui passent à chaque fois au « scan Eriksson » : on fait marcher ses contacts pour s’assurer qu’une potentielle recrue aura le niveau et la mentalité adéquate pour intégrer l’équipe.
Et c’est en partie pour cela que le club fonctionne aussi bien. Car s’il est important de mentionner le sportif, avec une montée retentissante en D2 française pour la première fois de son histoire, tout ce qui est mis en place en amont se retrouve forcément en partie sur la glace. Malgré des moyens limités, le Tornado a réussi à se structurer et à installer des dispositifs qui feraient pâlir certains clubs de sports majeurs au pays, à commencer par les jours de match.
De la mascotte husky qui tape dans les mains des spectateurs à leur arrivée, au speaker qui met le feu en avant-match et sur chaque but, en passant par une boutique physique sur place pour pouvoir se procurer les articles de merchandising à l’effigie du club ainsi qu’un programme de match qui sonne comme particulièrement innovant dans un pays où la pratique est peu courante, les points positifs à souligner sont nombreux. Sans oublier l’affluence, le nombre de spectateurs ne cessant d’augmenter au sein de Kockelscheuer. Avec une moyenne de 619 spectateurs cette saison pour une arène qui possède 768 places assises, le Tornado serait par exemple quatrième en terme d’affluence si on le comparait aux clubs de BGL Ligue. Une performance qui mérite d’être soulignée pour un sport encore confidentiel au Grand-Duché. Pour un spectateur lambda fan de sport mais sans appétence particulière pour le hockey, aller vivre l’expérience à Kockelscheuer risque sérieusement de le convaincre d’y retourner rapidement. Car au-delà de ce qui se passe sur la glace qui reste très prenant, le moment convivial partagé et l’expérience spectateur est également de qualité.
La présence sur les réseaux est elle aussi assurée et avec plus de 3000 suiveurs sur Facebook, près de 1900 abonnés sur Instagram, plus de 1000 sur Tik Tok, le Tornado fait là aussi partie des bons élèves. À titre de comparaison, aucun autre club de basket ou même de handball, faisant partie des plus gros sports de salle, ne fait mieux au pays. Le club se démène également pour assurer sa croissance, qui passe forcément par le développement de sections féminines et jeunes. Et là encore, avec bon nombre d’équipes jeunes, une section féminine évoluant dans le championnat allemand, ainsi qu’un total de 400 membres, le Tornado s’est également imposé comme l’un des acteurs les plus dynamiques du quart Nord-Est Français.
Si le club se plie en quatre pour tenter d’assurer sa croissance à tous les étages, la glace n’est pas forcément immaculée aux quatre coins de la patinoire, et certains points pourraient encore être améliorés bien qu’ils ne dépendent pas forcément uniquement de la volonté des décideurs du Tornado. À commencer par un vestiaire dédié aux joueurs qui, de l’aveu même de Loic Darras, pénalise le club au moment de recruter ceux ayant connu des clubs plus huppés où le fait d’avoir son propre vestiaire n’était même pas un débat. Il en va de même pour les infrastructures, ateliers et autres buanderies. Le club possède cependant deux glaces, entre celle réservée à l’entrainement et celle historique de Kockelscheuer datant de 1976, même si cela demande de l’organisation afin que les créneaux de tous les pratiquants soient respectés.
Enfin, et même si le travail sur la communication et la manière de capter des nouveaux suiveurs est à souligner, tout n’est pas forcément mis en place au niveau de la ville pour aider ou faciliter la croissance d’un club qui représente fièrement les couleurs du Grand-Duché. Il faut par exemple que le Tornado demande l’accord pour chaque nouvel annonceur ou espace d’hospitalité complémentaire auprès du conseil national, ce qui rend le processus et les démarches assez fastidieuses. De plus, il vous sera pour le moment impossible de suivre les rencontres à domicile du Tornado autre part qu’en vous rendant sur place, le club attendant le feu vert règlementaire de la ville qui doit signer la convention d’une procédure lancée le … 3 juin 2024. Un obstacle en terme de visibilité et de suivi pour ceux qui ne peuvent pas forcément se rendre tous les week-ends à Kockelscheuer mais qui aimeraient malgré tout suivre les performances d’une équipe qui ne cesse de progresser.
Mettre le graphique Tornado sur le % de joueurs par nationalité
Car c’est bien là l’une des forces de la structure. Alors que d’aucuns se demandaient, de manière légitime, comment allait se passer cette première saison au troisième échelon national français, l’objectif principal restant d’assurer un maintien afin de se stabiliser en D2, le Tornado n’en finit plus de surprendre et de grimper au classement.
Pourtant, la nécessité d’adaptation de l’effectif du fait que le club ne pouvait plus avoir que 5 non-JFL1 (Joueurs Formés Localement) dans son effectif aurait sérieusement pu poser souci, le club n’ayant été soumis par le passé à aucune réglementation concernant ce point. Mais les dirigeants savaient depuis plusieurs mois qu’ils allaient devoir, montée ou pas, se conformer à cette nouvelle règlementation et ont donc pu s’adapter en prenant le nombre de JFL nécessaire. Profitant au passage des mésaventures du club voisin d’Amnéville pour récupérer bon nombre de joueurs qui se retrouvaient sans club du fait de l’arrêt de l’équipe.
Malgré ce gros point « effectif » passé avec succès, le démarrage de la saison tendait à rester prudent, avec cette première victoire à domicile qui tardait notamment à arriver. Mais l’acclimatation des nouvelles recrues, qui ont apporté un véritable saut qualitatif (Juris Upitis et Filip Chab dans un premier temps, Viktor Wahldén et Justus Haavanlammi dans un second temps) à un effectif déjà bien bâti ont ainsi permis aux joueurs de s’offrir une saison au-delà des espérances initiales.
Les derniers coups de patins de la saison régulière approchant de plus en plus, le club peut déjà se satisfaire car l’objectif majeur est en passe d’être rempli à quatre journées de la fin2 : avec 7 victoires en 14 matchs, le Tornado pointe actuellement à une très belle 5e place au classement, avec 11 points d’avance sur Rouen 2, 9e et première équipe à jouer les playdowns. Un maintien qui ne demande donc plus qu’à être officialisé et qui sera forcément motif de satisfaction.
De plus, certaines prestations récentes face à des cadors de la poule comme Reims (victoire 6-5prl) ou Châlons (défaite 4-2 au terme d’une rencontre accrochée) montre que la machine est bien lancée et que l’effectif peut désormais matcher avec les meilleures équipes du championnat, ce qui était encore loin d’être le cas en début de saison avec des défaites conséquentes concédées (2-10 face à Châlons et 9-3 face à Reims).
L’appétit venant en mangeant, Christer Eriksson et ses hommes pourraient même se prendre à rêver de se présenter aux playoffs avec de vraies ambitions. En terminant 5e, le Tornado affronterait le 4e et pourrait s’imaginer passer un tour… voire plus si affinités. Tout n’est évidemment pas parfait et il reste encore beaucoup à faire, mais déjà tant de choses ont été mises en place pour faire exister ce sport de niche au pays. Il est important de se rendre compte du travail accompli par toute la structure, des bénévoles au président : le Tornado a mis le hockey sur la carte du sport au Luxembourg, le tout avec des moyens limités. C’est peut-être ça le plus grand exploit de l’histoire du club.
1 Un JFL (joueur formé localement) doit avoir passé un minimum de 3 saisons complètes en France ou au Luxembourg de manière continue jusqu’à ses 20 ans, ou jusqu’à la fin de la saison pendant laquelle le joueur a fêté son vingtième anniversaire, sans distinction de club
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