Cela peut surprendre au premier abord, tant la course à pied est associée à une amélioration du bien-être et considérée comme une pratique en tout point bénéfique pour le corps et la tête. Pourtant, ces dernières années, cette activité qui a le vent en poupe est parfois devenue victime de son succès. En effet, entre addiction, mauvaises pratiques et idées reçues, le running pourrait, s’il est mal pratiqué, faire plus de mal que de bien. Enquête.
Il est assez courant, de nos jours, de préférer la puissance des mots à la vérité. Ainsi, une phrase choc peut fort aisément primer sur une phrase exacte, mais moins clivante. C’est dans ce cadre qu’un cardiologue, qui souhaitait rester anonyme – on peut le comprendre – s’est permis d’asséner que « Courir chaque jour durant vingt ans est plus mauvais pour la santé que fumer durant cette même période. » Une déclaration à prendre avec des pincettes, mais qui rejoint des études, plus sérieuses cette fois, pointant le danger de la course. Ainsi la Copenhagen City Heart Study avait-elle conclu que les runners rapides et fréquents avaient plus de chance de mourir prématurément qu’une personne sédentaire ne pratiquant pas le jogging. Dès lors, il nous a semblé important de savoir si courir était réellement dangereux pour la santé.
Pour comprendre avant tout d’où vient le premier danger de la course à pied, il convient de rappeler, aussi simple que cela puisse paraître, en quoi consiste cette discipline : il s’agit là de courir (que de révélations…). Et cet exercice est – il faut bien le reconnaître – assez répétitif. Comprenez par là que les efforts effectués, les muscles sollicités et les mouvements réalisés sont, bien souvent, toujours les mêmes.
Par conséquent, il y a là un véritable risque d’abîmer son corps sur le long terme, si la routine est mal réalisée. Ainsi, des erreurs semblant complètement bénignes peuvent, avec une telle répétition, avoir des conséquences réellement néfastes. Alors que mal exécuter un contrôle, un amorti, ou un geste technique dans d’autres sports sera anodin, le constant renouvellement de l’effort dans le running sera, lui, très vite préjudiciable.
Ainsi, beaucoup de coureurs vont un jour subir ce que l’on appelle officiellement le « syndrome fémoro-patellaire », plus communément nommé « maladie du genou ». Une douleur qui touche un nombre très élevé de runners, qui s’explique donc facilement par un mouvement maladroitement réalisé qui, même à court terme, va perturber les jointures, endommager le cartilage au-dessus de l’articulation, ou encore susciter une sensation de broyage dans le genou.
Le risque d’hypothermie est un autre danger potentiel de la course. En effet, lors de l’effort, la quantité de sueur peut vite devenir conséquente. Pratiquer en étant trop couvert, sous un fort soleil, énormément de vent, ou encore à un rythme fort élevé sont autant de raisons qui mettent en danger votre corps, incapable de s’adapter. Votre température interne pourrait alors retomber assez bas, perturber votre cœur, et, dans le pire des cas, causer son arrêt total. Si cette situation est évidemment extrêmement rare, il est indispensable de savoir reconnaître ces symptômes pour s’arrêter dès que cela est nécessaire. Des frissons, des troubles de l’élocution, une vision diminuée ou une baisse profonde d’énergie doivent donc être immédiatement pris en compte.
Vient alors le questionnement du fameux trop-plein. Est-il réellement possible de se mettre en danger en cas de pratique intensive ? Ici, le sujet divise grandement. James O’Keefe, directeur du service cardiologie préventive de Saint Luke, à Kansas City, explique les risques liés à l’excès en ces termes assez logiques : « L’exercice est peut-être l’élément le plus important d’un mode de vie sain, mais comme tout médicament puissant, vous devez obtenir la bonne dose. »
Une pratique excessive de la course peut en effet épaissir le tissu cardiaque, provoquant une fibrose ou des cicatrices, entraînant parfois une fibrillation auriculaire ou un rythme cardiaque irrégulier. Un exercice prolongé peut également engendrer un « stress oxydatif » et une accumulation de radicaux libres qui peuvent se lier au cholestérol puis créer une plaque dans vos artères.
Il est logique que l’excès finisse par être dommageable. La question est de savoir dans quelle mesure ces affirmations peuvent être exactes lorsqu’elles émanent d’études longitudinales où de nombreux facteurs contradictoires sont pris en compte. Il convient de rappeler que chaque être humain est unique, et que ses composantes génétiques ou prédispositions à telle ou telle maladie vont nécessairement influer sur les résultats, qui ne prennent pas forcément en compte toutes ces données somme toute cruciales.
De nombreuses analyses sont donc à relativiser, tant elles parlent de corrélation et pas de causalité. Ainsi, mettre en avant le fait qu’une personne est morte en courant ne signifie pas toujours que cette activité était responsable du décès. Si quelqu’un décède aujourd’hui au volant de sa voiture tout en ayant été affecté par le coronavirus, dire que le virus a joué un rôle dans l’accident serait un raccourci extrême, tant sur le plan scientifique qu’éthique. Beaucoup de ces études doivent être prises avec des pincettes. Des personnes parfois en situation critique sur le plan physique se mettent justement à la course, mais auront peut-être simplement débuté trop tard… Difficile de s’y retrouver au milieu de ce vaste nombre d’études expliquant les dangers d’un trop-plein sur le cœur.
Paul T. Williams, biostatisticien du laboratoire de Lawrence Berkeley, a démarré une étude portant sur plus de 150 000 coureurs dans les années 90, afin d’essayer de répondre à une simple question : « Pratiquer plus est-il mieux ou moins bon ? » Depuis cette étude datant de 2014, le chercheur n’a pas réellement réussi à répondre à cette interrogation. S’il devait aujourd’hui apporter un semblant de réponse, cela se résumerait en : « Trop n’est pas nécessairement néfaste, mais rien ne prouve à quelconque moment que c’est bénéfique. »
Ainsi, si le danger de la course à l’excès n’est pas réellement prouvé, de nombreuses études convergent sur un point : les bénéfices de la course à pied ne varient absolument pas entre une personne courant 100 kilomètres par semaine et une autre dont la pratique serait récréative.
Que retenir de tout cela ? Avant tout que courir est, dans l’immense majorité des cas, extrêmement salutaire : diminution des risques de maladies cardiovasculaires, maintien ou diminution du poids, renforcement des muscles… Les bénéfices en matière de santé sont nombreux et semblent l’emporter sans mal sur les risques. Il convient juste de se souvenir qu’il ne faut pas hésiter à faire vérifier que la routine n’est pas en train de devenir néfaste à votre santé, mais aussi de ne pas faire d’efforts démesurés, de savoir écouter son corps et de le respecter, tant en le maintenant en forme qu’en le laissant se reposer de temps à autre. En bref : se bichonner.
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