C’était il y a maintenant 45 ans. Quelques jeunes, avides de voitures de sport anglaises, mais pas nécessairement avec les bourses les plus remplies, jettent leur dévolu sur des véhicules d’occasion. Très vite, ce tout petit monde socialise, sympathise et décide, en novembre 1977, de créer un club. Le British Sports Cars Owners Club précisément, ou BSCOC. Avec une petite dizaine de membres à sa création, celui-ci en compte aujourd’hui plus de 300 et continue à se développer, avec les mêmes envies et objectifs depuis de nombreuses années.
Si le BSCOC est fortement attaché à la LOF, Lëtzebuerger Oldtimer Federatioun, où le club a deux membres représentants au sein du comité, il n’est cependant pas réservé qu’aux voitures de collection. Thierry Hilger, membre depuis 1988 et présent au comité du British Sports Cars Owners Club, qui nous accueille en ce jour pluvieux, nous le confirme : « Nous ne sommes pas un club de véhicules anciens. C’est aussi un club de véhicules modernes. Approximativement 15 % de la communauté roule en voitures modernes et participe aux événements, et on ne les exclut pas. Nous sommes un British Club, pas un Classic Cars Club. On peut aussi voir des limousines, des breaks… Le seul critère indispensable pour nous rejoindre, c’est de posséder un véhicule anglais. »
Si les voitures de collection sont assez logiquement devenues la majorité au fil des années, il est bon de rappeler qu’à sa genèse, le BSCOC n’était pas un regroupement de voitures anciennes : « À l’époque, on ne considérait pas encore ces véhicules comme étant de collection, mais d’usage. Il y avait alors un groupe d’à peu près une dizaine de personnes qui se sont retrouvées et qui, par manque d’argent aussi, roulaient avec des voitures de déjà dix à quinze ans, donc d’occasion, toutes anglaises. »
Un club sans cesse grandissant
Avec plus de 300 membres, le club peut se targuer d’avoir en son sein à peu près 1 000 véhicules. Et l’utilisation de ces derniers varie fortement en fonction de leurs propriétaires et de leurs desirata. « Il y a des collectionneurs qui en sortent deux ou trois, mais qui en ont au moins dix. Certains sont immobilisés pour réparation ou entretien, d’autres sont bloqués dans le garage. L’utilisation est très différente en fonction de chacun. Les investisseurs les mettent de côté avec un léger entretien, d’autres veulent rouler. Il y a un marché pour tous. Personnellement, je roule avec certaines, et avec d’autres un peu moins. »
Les marques majoritaires, elles, sont assez logiquement proportionnelles aux chiffres de production des compagnies. Ainsi, il sera plus rare d’y trouver des Lotus. Ces véhicules ont bénéficié d’une production bien moins élevée que d’autres marques, mais font toujours autant chavirer les cœurs aujourd’hui.
Comme souvent, les femmes sont en position minoritaire. Elles sont approximativement 10 % au sein du club – sans prendre en compte les épouses qui accompagnent souvent leurs maris lors des événements – mais elles n’en demeurent pas moins présentes.
Quant à l’âge moyen de la communauté, il oscille autour de la soixantaine. « Ce n’est pas un mystère que l’automobile touche une population plus âgée. En 77, c’était différent, on était des jeunes avec des voitures abordables. Aujourd’hui, pour entrer, il faut compter 20 à 25 000 euros, soit le prix d’une MG ou d’une Triumph. Ce n’est pas forcément accessible aux plus jeunes. »
D’où provient cette passion pour les voitures, et en particulier les anglaises ?
Pour l’ancien secrétaire du British Sports Cars Owners Club, tout s’explique par ses jeunes années : « Je suis né dans un garage automobile, c’est sûr que cela aide. » Et pourquoi les véhicules anglais ? « La fréquence des réparations, si je suis honnête, est plus élevée chez les anglaises ! (rires) Le besoin de maintenance est plus élevé, car elles sont fabriquées selon des schémas peut-être un peu vétustes et plus techniquement uniques. Il y avait donc une certaine clientèle qui revenait régulièrement, et c’est à partir de là que j’ai pris le virus. »
Quant aux autres membres passionnés de mécanique de l’autre côté de la Manche, les raisons derrière ce coup de cœur sont multiples et variées : « Il y a de tout. Des gens héritent d’une voiture, mais décident au bout de trois semaines s’ils la gardent ou la vendent. Il y a des membres qui s’y connaissent extrêmement bien au niveau technique, et un jour, ils ont un coup de cœur. » Enfin, le contexte géopolitique peut expliquer pas mal de choses. « Le Luxembourg est un pays qui, comme la Belgique, a connu des importations de tous les pays européens. Et l’après-guerre a été marqué par l’arrivée de beaucoup de voitures américaines et anglaises. On ne voulait pas acheter des voitures allemandes, si ce n’est peut-être la Coccinelle, pour avoir un véhicule bon marché. » Les années cinquante et soixante ont vu affluer un nombre élevé de véhicules de cette zone géographique. Il ne reste alors à la nostalgie qu’à faire son travail. Ainsi, de nombreux membres du BSCOC ressentent cette nostalgie en conduisant, entretenant ou bichonnant les voitures que leurs parents détenaient lorsqu’ils étaient enfants. Un attachement émotionnel qui explique alors aisément l’investissement dans ces produits et la capacité de trouver toujours de nouvelles personnes désirant rejoindre le British Sports Cars Owners Club.
Toutes ces raisons expliquent la croissance du club au fil des années, mais pas seulement. Comme souvent, les courants de modes ont largement joué sur la popularité du club. Avec l’explosion du marché au début des années 2000, et encore quelques coups de boost au sein de la décennie suivante, les petits nouveaux ont afflué, curieux et vite conquis par ce marché spécifique et dorénavant si populaire. Cet engouement, d’ailleurs, comment les membres historiques du BSCOC le vivent-ils ? « La croissance de ce hobby a amené des investisseurs à augmenter les prix du marché, ce qui n’est pas forcément bien vu par les petits amateurs. »
Alors que la covid a été particulièrement dévastatrice dans le monde du sport et des loisirs, le club, lui, a le mérite de pouvoir affirmer que les conséquences n’ont pas été catastrophiques.
« Si on a évidemment dû réduire certaines de nos activités à une journée maximum, le club a dans l’ensemble bien vécu cette période, avec une augmentation du nombre de membres d’approximativement vingt personnes. Cela s’est bien déroulé. Ces deux années nous ont aussi permis de commencer à vraiment nous développer dans le digital, un domaine dans lequel nous étions clairement à la traîne. On en a profité pour rattraper un peu notre retard. Mais sur le plan des finances, sachant que le magazine est notre seule grosse dépense, cela a été », nous explique Hilger.
Ce magazine, parlons-en justement.
Intitulé « On The Road », et écrit en français et en anglais, un rappel que la communauté est assurément trilingue et pas exclusivement composée d’Anglais – un raccourci que certaines personnes pourraient faire bien vite –, celui-ci est fourni dans plusieurs domaines. Un récap’ des événements passés, des pages de conseils ou d’astuces et une présentation des events à venir. Et ceux-ci sont légion. Avec notamment le BSC Day, qui se déroule sur deux jours et permet aux participants de se réunir autour de leurs voitures, mais également de bonnes tables, l’accent est mis sur les regroupements de la communauté. En tout, c’est une quasi-dizaine d’événements qui ont lieu durant l’année, entre excursion, rallye, assemblée générale, ou rallye de nuit et d’orientation. Avec évidemment en point d’orgue une sortie massive en Angleterre, où il faut tabler sur plus de 800 kilomètres de trajet aller-retour. Pas une mince affaire, tant dans l’organisation que la bonne tenue, mais en adéquation avec le désir d’offrir une superbe expérience à sa communauté.
Si la pérennité du club durant la période de coronavirus a assurément été une bonne surprise, avec une augmentation d’environ une dizaine de membres, la croissance de la communauté n’est pas, et n’a jamais été un objectif. « Cactus a des désirs de croissance, pas nous ! (rires) Ce que l’on veut, c’est proposer des événements de qualité avec régularité, satisfaire nos membres, les aider quand ils ont besoin. Il peut y avoir un partage d’astuces ou du soutien au sein de la communauté. Il est vital pour nous de proposer une valeur ajoutée. La croissance est venue toute seule. Depuis la création du BSCOC, le Grand-Duché est passé de 400 000 à 640 000 habitants, cela explique forcément un peu l’augmentation du nombre de membres. Les salaires aussi, qui n’étaient pas les mêmes dans les années 70 et étaient donc moins propices à un confort de vie aussi élevé, pèsent bien entendu dans la balance. »
L’empreinte écologique, éternel débat
Alors que la LOF a pour rôle principal de s’occuper du lobbying en faveur de ses membres, dans un monde où l’impact écologique devient un combat de tous les instants, le BSCOC, lui, ne participe pas réellement à la lutte. Ce qui ne l’empêche pas, évidemment, d’avoir une opinion sur le sujet. En particulier sur l’image parfois injuste qui colle à la peau de ses membres : « Remplacer une voiture à combustion par une voiture électrique… Il ne faut pas oublier qu’il faut d’abord la construire et que cela a donc un impact écologique. Si je roule avec la même voiture pendant vingt ans, je ne contribue pas à une amélioration directe sur les routes, mais je ne recours pas à des énergies nouvelles, des matériaux nouveaux ou de l’importation provenant des quatre coins du monde. Je ne peux pas dire où se situe exactement la balance, mais ce n’est pas noir/blanc, c’est sûr et certain. »
Une analyse nuancée de la situation qui, pour autant, ne rassure pas entièrement Thierry Hilger, qui sait pertinemment que le futur de ses véhicules est incertain et potentiellement précaire. « On a peur d’être écartés des routes un jour. J’espère qu’on saura faire preuve de bon sens. Mon grand-père roulait sur des machines à vapeur. Aujourd’hui, il n’y en a plus, sauf deux au musée qui propose des excursions touristiques en été. Est-ce que cela pourrait en arriver au même point ? Ce n’est pas impossible. Il y aura sûrement encore des exceptions le week-end ou dans certaines zones géographiques. Mais il est certain qu’il est difficile de savoir de quoi l’avenir sera fait. On essaye d’écarter les doutes sur notre impact écologique. En Allemagne, certaines villes imposent des vignettes spécifiques. Nous sommes en discussions permanentes, attentifs à la situation. L’Europe va-t-elle continuer à faire des exceptions, les législations vont-elles changer ? Dans vingt ans, y aura-t-il toujours de la vente de carburants ? Toutes ces considérations doivent être prises en compte. »
Avec quarante-cinq clubs au Grand-Duché, le BSCOC peut se targuer d’entretenir d’excellentes relations avec ses compères. « Tous les clubs s’entendent très bien et il n’y a pas de concurrence ni de rivalité. Les thèmes sont tout à fait différents. Nous sommes presque les seuls qui offrent un accueil sur tout ce qui est anglais. L’Angleterre a connu pas moins de soixante marques dans les années 50, mais elle produisait dix voitures par mois, car ils fabriquaient à la main, sur de l’alu ou du polyester. »
Avec un tel éventail, parfaitement symbolisé par le garage de monsieur Hilger, rempli de véhicules plus variés les uns que les autres, il y a de fortes probabilités de trouver son bonheur au sein des écuries anglaises. Reste alors à savoir comment entretenir son petit bijou pour assurer sa pérennité et continuer à en profiter sur les routes du Grand-Duché, ou ailleurs. Et, en cas de doute, il suffira de s’affilier au British Sports Car Owners Club pour répondre à n’importe quelle question. Cheers.
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