Les Jeux olympiques de Tokyo sont devenus un mirage. Que l’on finira par voir de nos propres yeux… ou pas du tout. L’image est à prendre au propre comme au figuré pour Sarah De Nutte.
La pongiste n’a pas encore rejoint le contingent luxembourgeois pour la capitale nippone. Il lui reste une chance… à condition qu’elle se présente et que les Jeux puissent se tenir. « J’ai arrêté de me projeter dans le temps. Je vis au jour le jour, dit-elle, fataliste. Les championnats du monde par équipes étaient programmés en février 2020, puis ont été reportés en juin, puis en septembre, puis au début de cette année, avant d’être annulés. »
Alors, lorsque l’épreuve de qualification individuelle européenne prévue à Odivelas, dans la région de Lisbonne, a été reportée de février à la fin du mois d’avril (21 au 25), Sarah ne s’en est pas formalisée. C’est pourtant le point d’orgue d’une année 2021 partie sur des bases tout aussi incertaines que la précédente.
« Bien sûr que ça reste mon objectif personnel et que j’y crois. C’est du 50/50. » Il reste quatre places continentales à pourvoir pour faire partie des 64 heureuses élues, parmi lesquelles Ni Xia Lian, qui a décroché son ticket aux Jeux européens de Bakou en juin 2019.
Cinq pays et leur cohorte de bonnes joueuses sont déjà hors des pieds de Sarah De Nutte car qualifiées par équipes. L’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, la Pologne et la Roumanie ont composté leur billet pour le Japon. Il n’en reste pas moins de sérieuses clientes.
« Je pourrais citer la Néerlandaise Li Jiao ou la Biélorusse Pavlovich, voire la Monégasque Yang, mais les Ukrainiennes comme les Russes sont aussi de redoutables compétitrices », admet la 57e joueuse européenne.
L’écueil n’est pas infranchissable. D’autant que la pongiste de la FLTT s’est montrée plutôt à son avantage ces derniers mois lorsque la possibilité d’exercer son métier s’est présentée. Pêle-mêle, De Nutte a épinglé à son palmarès la Polonaise Partyka en février 2020 au Qatar et la Russe Noskova le mois suivant à Oman, deux filles qui la devancent au classement européen.
« Je sens que j’ai progressé et la crise n’est peut-être pas étrangère à ça. Avec mon entraîneur, on a eu le temps de travailler bien des aspects d’habitude délaissés en raison du rythme des compétitions. La technique, le jeu de jambes, la tactique. Comment par exemple mieux placer sa balle pour déranger l’adversaire », explique Sarah De Nutte, qui ne tarit pas d’éloges envers Peter Teglas. « C’est un excellent entraîneur pour les dames. Il a acquis beaucoup d’expérience avec l’équipe de Hongrie et m’en fait profiter. Sans oublier le mental, que j’ai également bossé. » Ces sessions, Sarah De Nutte les partageait il y a quelques mois encore entre Düsseldorf, Saint-Quentin et le Luxembourg. C’est désormais au pays que se concentre son activité. « Je ne suis plus allée à Düsseldorf depuis octobre ou novembre, car je n’ai plus d’appartement là-bas depuis que j’ai quitté la Bundesliga. Et en France, ils regroupent généralement des matches en une semaine, ce qui me permet alors de m’entraîner là-bas entre deux rencontres. »
Il reste le Luxembourg, où la joueuse de 28 ans tente de varier le plus possible ses sparring-partners. On retrouve ainsi de l’autre côté de la table Dragos Olteanu, Traian Ciociu, Mohamed Mostafa ou encore les Dudelangeois, qu’elle retrouve les mardis et les jeudis.
« Ce qui me manque vraiment, ce sont des défenseurs. J’étais servie lorsque j’évoluais en Bundesliga, mais au pays, on n’en trouve pas beaucoup. Et ça se ressent lorsque les Luxembourgeois en affrontent en tournoi. Ils ne sont pas très à l’aise. Parfois, je demande à Egle (Sadikovic) pour taper la balle. En rencontrer en compétition ne me dérange pas, même si je préfère affronter des attaquantes. Droitières comme gauchères, ça me convient ! »
Des plaisirs variés que Sarah De Nutte goûte avec son nouveau club de Saint-Quentin, qu’elle a rejoint en octobre dernier. Entre la compétition nationale et la Ligue des champions, le club de l’Aisne grandit sans faire beaucoup de bruit.
« Nous sommes en Pro A depuis 12 ans avec l’ambition de jouer les premiers rôles, mais jamais au détriment de l’ADN du club, explique son président Eric Hennemann. Nous avons connu des expériences mitigées avec de bonnes joueuses étrangères qui communiquaient très peu. Depuis, on privilégie la cohésion de groupe et c’est dans cette optique que nous avons recruté Sarah la saison dernière pour jouer en numéro 2, derrière Polina Mikhailova. On la connaissait de réputation et le courant est de suite bien passé. Elle correspondait parfaitement au profil que nous recherchions, avec un dynamisme, un sourire et une sympathie communicative qui nous correspondaient. »
Une idylle que les deux parties ont convenu de prolonger. « L’assemblage fonctionne et l’esprit d’équipe a parfois fait la différence en notre faveur lors des six premiers matches que nous avons remportés en championnat», poursuit l’homme fort du club.
Il a fallu une confrontation avec l’US Saint-Denis 93 pour que cette série se termine. « J’ai perdu contre la Monégasque Yang après être revenue à un set partout. Les parties ont toutes été indécises », reconnaît Sarah De Nutte, qui avoue aussi que la Canadienne Mo Zhang, traumatisée par la perte de quelqu’un qui lui était cher en raison du Covid-19, n’a pas voyagé ces derniers mois. « Elle devra disputer deux matches de la phase régulière pour pouvoir participer aux play-offs. »
C’est là que se situe l’objectif du TTSQ, qui ne veut pas brûler les étapes. « Bien sûr que la finalité serait un titre national, mais je veux d’abord que l’on se qualifie pour les demi-finales », précise Eric Hennemann. Un objectif réalisé au bout du suspense puisque les derniers jours ont été plus difficiles pour le club du Nord, battu à plusieurs reprises mais vainqueur de Joué-Lès-Tours. Les derniers résultats ont été moins probants aussi pour Sarah, il est vrai confrontée à la première joueuse adverse, qui n’empêche pas la Luxembourgeoise d’être épanouie à l’idée de disputer un championnat qu’elle considère plus relevé que celui d’Allemagne, « alors qu’il y a 10 ans, c’était le contraire ».
Reviendra ensuite la Ligue des champions. Une vitrine sur laquelle le club s’appuie pour briller. « Nous avons perdu en demi-finale l’an dernier face à Linz. Sarah a inquiété l’Autrichienne Liu Jia », détaille le président, qui rappelle pourquoi le club saint-quentinois s’obstine à s’inscrire dans la durée d’une compétition qui lui coûte plus qu’elle ne lui rapporte. « Nous avons gagné 1.300 euros de prime l’année dernière. Ce n’est donc pas pour les retombées financières que nous participons, mais pour le rayonnement d’un club, d’une ville et de la région. »
Le calendrier de la pongiste de la FLTT risque donc de connaître un sacré coup d’accélérateur à la fin du mois de mars avec ces demi-finales, le championnat national, puis la qualification olympique.
Mais tout ça ne tient qu’à un fil. « Si les Jeux sont maintenus mais que la qualification ne peut pas se tenir, le ranking pourrait servir d’arbitre », dit encore Sarah, qui ne sait pas si ce système lui serait profitable ou pas.
À chaque jour suffit sa peine, et à chaque mois correspond une autre réalité.
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