2021 fut l’année de Charel Grethen. Entre une saison hivernale où il a battu trois fois quasiment successivement son record du 1500m en indoor, et des Jeux olympiques où il a fait briller les couleurs du Luxembourg, retour sur une saison à marquer d’une pierre blanche pour le demi-fondeur.
Juin 2019. Charles Grethen est en Suisse pour se faire opérer du tendon d’Achille dans une clinique de Bâle. Commence alors un long chemin vers la rééducation, pendant laquelle nous avions à l’époque rencontré l’athlète qui profitait des nouvelles installations du HPTRC, inauguré tout récemment à l’époque. A ce moment, son objectif est de récupérer en vue de la saison 2020, où il espère être prêt pour arracher son billet pour les JO.
La suite on la connait. La pandémie de Covid-19 déferle sur le monde entier en février et mars 2020, contraignant les organisateurs des Jeux olympiques de Tokyo à reporter l’évènement à 2021, une première depuis la Seconde guerre mondiale. Une déception pour certains, un motif d’espoir de qualifications pour d’autres, dont fait partie Charel Grethen, qui a désormais sa deuxième olympiade après Tokyo dans le viseur.
L’indoor pour poser les bases
C’est en janvier 2021 à Liévin dans le nord de la France que le demi-fondeur va regoûter aux joies de la compétition, dans un meeting qui constitue toujours une date importante dans le calendrier hivernal des athlètes. Et pour un retour, celui-ci va être fracassant, puisque Charel Grethen en profite pour établir un nouveau record du Luxembourg en indoor en réalisant un temps de 3’24’’54, soit 0’’73 de moins que le précèdent. De quoi lancer idéalement l’année 2021 du Tuntangeois.
Moins d’un mois après, c’est à Ostrava que Grethen poursuit sa saison en salle. Et il va poursuivre sur la même lancée qu’à Liévin, avec cette fois un record du Luxembourg « explosé » de trois secondes (3’39’’49)! Trois jours plus tard, le 6 février il confirme à Metz que ce nouveau record n’était pas un mirage, puisque il court sensiblement dans le même sur la piste lorraine en 3’39’’56.
Son nouveau record, il le réserve pour le temps fort de la saison hivernale au Luxembourg, le Meeting CMCM. Malgré l’absence de public Covid oblige, Charel va régaler les quelques chanceux présents ce jours là dans les travées de la Coque, avec un nouveau record national établi en 3’38’’65! Trois nouveaux records en quatre courses, on ne pouvait difficilement rêver mieux après une longue traversée du désert…
Un ticket pour l’Olympe
Au mois de mai suivant, c’est en extérieur que Charel va poursuivre son retour en grâce sur les tartans. Et décidément, Ostrava va de nouveau se révéler être un lieu favorable à l’établissement de belles performances pour notre demi-fondeur, qui se paye le luxe d’établir, encore, un nouveau record du Luxembourg, cette fois en extérieur. Avec un 1500m effectué en 3’36’’75, il efface des tablettes sa précédente marque de 3’39’’02 qui datait déjà de 2017. La confirmation qu’il va falloir compter avec le Luxembourgeois durant les courses suivantes, sur lesquelles il compte afin de valider son ticket pour Tokyo.
A Rehlingen en Allemagne, puis à Huelva en Espagne, Grethen va de nouveau tourner autour des 3’37’’, avant un coup de moins bien sur le meeting de Marseille le 9 juin en 3’42’’. Aux championnats du Luxembourg où il décroche le titre national, puis à Lucerne ensuite, il retrouve des chronos plus conformes à ses capacités du moment avec deux 3’38’’. Entre-temps, le COSL annonce le 21 juin que le demi-fondeur pourra participer à sa seconde olympiade, objectif rempli pour Charles mais une qualification qui est loin d’être un aboutissement…
Sur les traces de Josy-Barthel
Avant de s’envoler pour le Pays du soleil levant, l’athlète évoquait avec nous ses ambitions tokyoïtes: « Le temps ne sera pas ma plus grande préoccupation, mais j’aimerai passer un tour. Si c’est une course tactique le chrono n’aura pas une grande importance, c’est plutôt la stratégie qui compte ». Et la stratégie va justement être au coeur de la performance réalisée par l’avant-dernier luxembourgeois a entrer en lice à Tokyo. Et pour accéder à la demi-finale, l’équation était simple pour lui: terminer soit dans les six premiers pour se qualifier directement ou faire partie des six repêchés au temps. Et c’est finalement grâce à sa sixième place que le Luxembourgeois sécurise sa présence en demi-finale, avec un temps de 3’41’’90, pas très loin du vainqueur de cette série le Kényan Kipsang en 3’40’’68.
On se dit alors que Charel Grethen a déjà réussi ses Jeux olympiques. Mais c’est alors que le spécialiste du 1500m va frapper très fort. Débarrassé de toute pression, il se lance à corps perdu dans sa demi-finale olympique. Face à des tenors comme Ingebrigtsen, les jambes de Grethen ne vont pas trembler. Bien placé tout au long de la course, il aborde la dernière boucle dans le sillage du leader. Finalement septième à l’arrivée, il boucle sa demi en 3’32 »86 soit 4 secondes de mieux que le précèdent record du Luxembourg! Grâce à ce temps, Charles Grethen rejoint la finale au bénéfice des deux meilleurs temps repêchés, l’autre série du 1500m ayant été moins rapide. L’exploit est retentissant, et le Luxembourg retrouve un finaliste olympique sur la distance où Josy Barthel décrocha le seul titre olympique de l’histoire du pays en 1952. Historique.
Une autre dimension
Car une finale olympique avec un athlète luxembourgeois dans la liste de départ, cela n’arrive pas tout les jours. Et ils ont été nombreux à encourager Charel Grethen dans tout le pays ce samedi 7 août 2021 en début d’après-midi. Cette finale du 1500m part tout de suite sur des bases très rapides. Et le demi-fondeur luxembourgeois est rapidement relégué en queue de peloton, il tente de s’accrocher comme il peut car le tempo imposé par les favoris devant va crescendo. A deux tours de l’arrivée, le Tuntangeois évolue à l’avant-dernière place de la course devant le concurrent espagnol. Un classement qui n’évoluera pas.
A la cloche, Charel s’accroche mais devant les favoris se livrent la grande explication attendue, et le Norvégien Jakob Ingebrigtsen place une accélération décisive à 200m de l’arrivée. Personne n’arrive à le rejoindre, et le Scandinave empoche l’or en signant un nouveau record olympique (3’28 »32). En argent on retrouve le Kényan Timothy Cheruiyot (3’29 »01), et en bronze le Britannique Josh Kerr (3’29 »05) qui bat son record personnel. Charel Grethen termine lui 12e en 3’36 »80, devant l’Espagnol Ignacio Fontes dernier en 3’38’’56), dans les temps de son ancien record. La parenthèse enchantée de Tokyo s’achève pour Charel, qui peut rentrer au pays avec le sentiment du devoir, largement, accompli.
Diamond League, première
Auréolé d’un nouveau statut, que ce soit au Luxembourg, mais également dans la communauté des demi-fondeurs, Charles Grethen se voit offrir par l’IAAF une première participation à la prestigieuse Diamond League à Bruxelles le 3 septembre dernier. Et encore une fois, il ne va pas décevoir ses supporters. Puisqu’avec un temps de 3’34’’59, il réalise le deuxième meilleur temps de sa carrière, juste après celui de sa demi-finale extraordinaire de Tokyo. Un temps qui lui permet de se classer huitième.
Le 14 septembre, c’est à Bellinzona que l’athlète grand-ducal va clore une année 2021 à nulle autre pareille dans sa carrière. Aligné sur le 1500m du Gala dei Castelli dans le canton suisse italophone du Tessin, il remporte la course en signant cette fois son troisième meilleur temps en carrière. Un bouquet final à une saison qui restera dans les annales de Charel Grethen mais également de l’athlétisme luxembourgeois, grâce à une finale olympique, un record personnel amélioré de près de 6’’, deux nouveaux records nationaux en indoor et extérieur… On a déjà hâte d’être à 2022 pour découvrir ce que nous réserve le sportif luxembourgeois le plus en vue cette année.
Charel, pour commencer, est-ce que si on vous avez dit en janvier dernier que vous réaliseriez une saison aussi ébouriffante, l’auriez-vous cru?
Non, bien sûr que non! Au début de l’année en janvier, je commençais ma saison après une année et demi d’absence sur la piste. Pour moi le premier objectif était de revenir en bonne condition, même si j’avais dans un coin de la tête les Jeux olympiques. La semaine avant les Jeux olympiques je me suis fixé l’objectif d’atteindre les demi-finales, c’était pas facile et puis on connaît la suite (rires).
Est-ce qu’après cette grave blessure au tendon d’Achille, vous avez eu peur de ne jamais pouvoir retrouver ce niveau, voir aller au delà?
J’avais quelques appréhensions, parce que jusqu’en décembre dernier j’avais encore un peu mal au tendon d’Achille. Je savais que je pouvais revenir à mon niveau, mais j’ai eu peur de devoir toujours courir avec ce souci en tête. Mais maintenant je n’ai plus mal, je suis content, j’avais toujours en tête l’envie de retrouver mon niveau et de m’améliorer sinon j’aurai arrêté ma carrière il y a déjà quelques années.
Vous allez fêter vos 30 ans l’an prochain en 2022, est-ce que selon vous c’est l’âge de la maturité pour un demi-fondeur?
J’ai déjà démontré à 29 ans que j’avais fait un gros saut au niveau de mes performances, et je ne vois pas pourquoi cela devrait s’arrêter maintenant. Bien sûr je ne pourrai pas répéter ce que j’ai fait cette année et améliorer à nouveau mon record de 6’’, cela ne peut pas continuer comme ça. Mais rester à ce niveau serait déjà très positif.
Revenons aux Jeux olympiques, et à cette finale que vous avez réussi à atteindre, on imagine que c’est un rêve d’enfant qui s’est réalisé à Tokyo ce jour-là?
Oui bien sûr, c’est le plus grand rêve possible de faire une finale aux Jeux olympiques, je ne peux pas encore tout à fait réaliser ce que j’ai fait à Tokyo. Réaliser ma meilleure performance dans la plus grande compétition sportive, c’était énorme.
En 2022, pas de JO mais les championnats du monde d’athlétisme (du 15 au 24 juillet) à Eugene aux Etats-Unis, c’est le grand objectif de votre prochaine saison?
Premièrement il y aura déjà les championnats du monde en salle (ndlr: du 11 au 13 mars 2022 à Belgrade), puis les championnats du monde à Eugene et enfin les championnats d’Europe (ndlr: du 15 au 21 août à Munich). Ce sont les trois grands objectifs que je me fixe, même si la saison en extérieur est ma priorité. Les championnats du monde à Eugene vont vraiment être énormes, je connais bien le stade même si il a été rénové pour les championnats du monde. J’ai déjà le chrono pour participer mais il va falloir travailler pour être prêt.
En 2021 vous avez également participer pour la première fois à une manche de la prestigieuse Diamond League, est-ce que l’an prochain on risque de vous y voir plus souvent?
Oui je l’espère! Maintenant avec ma finale aux Jeux olympiques, cela m’a ouvert des portes pour disputer ce genre de compétition. J’ai pu disputer la manche de Bruxelles, et c’était un tout autre niveau que les autres meetings, et ca me ferait vraiment plaisir de participer à plus de Diamond League l’année prochaine.
On approche de la fin d’année, et c’est traditionnellement le temps des récompenses dans le milieu sportif, est-ce que vous espérez être choisi comme sportif luxembourgeois de l’année 2021?
Oui bien sûr, j’ai déjà été nominé pas mal de fois, et j’espère que cette fois-ci je peux monter sur la plus haute marche du podium. Mais ce n’est pas à moi d’en juger, mais ce serait une grande récompense d’être reconnu comme sportif luxembourgeois de l’année. Ce serait un rêve aussi.
Cet enchaînement de belles performances tout au long de l’année, cela doit vous rendre euphorique et déjà pressé de retrouver les pistes non?
Oui c’est ça, en 2021 je voulais arriver en forme pour les Jeux, et j’ai pu faire un saut de performance à Tokyo, puis encore à Bruxelles mi-septembre, et pour moi c’était fou de réaliser autant de bons chronos de la mi-mai jusqu’à la mi-septembre. Cela me motive pour l’année prochaine car je sais que j’ai pas fait seulement une belle course à Tokyo, mais j’ai pu démontrer que ce n’était pas le hasard et que je peux répéter ça l’année prochaine.
Comment vous expliquez ce palier que vous avez franchi, et aussi cette constance course après course?
En fait cela remonte à quelques années, à l’époque j’étais un coureur de 800m, puis j’ai changé de discipline en 2017. Je suis passé au 1500m, puis il y a eu la blessure au tendon d’Achille. Donc j’ai jamais pu vraiment démontrer ce que je valais sur 1500. Mais il y a une règle en athlétisme, si on prend son temps sur 800m et qu’on le multiplie par deux, c’est potentiellement le temps que l’on peut atteindre sur 1500m. Alors 1’46’’ sur 800, ça fait 3’32’’ sur 1500 et c’est ce que j’ai fait. J’avais cela dans la tête depuis cinq ans. C’est pas venu du ciel, c’est des années de travail, et cette année ou je n’ai pas eu de blessure j’ai montré ce que je pouvais faire.
Est-ce qu’au niveau de la tactique et du placement en course, vous avez également progressez dans ces secteurs?
Oui je crois. La série à Tokyo c’était un peu compliqué, tout le monde poussait. Mais en demi-finale on a pu voir mes progrès au niveau de la tactique, c’est un point important. J’ai montré encore en fin d’année à Bellinzona que je pouvais gagner des courses et ça aussi c’est important. Et puis il y a la confiance qui vient après une année comme ça.
Bien connaître ses adversaires, leurs points forts et points faibles, c’est un aspect important de la course aussi?
Maintenant c’est à peu près toujours les mêmes gars face à qui je cours, donc on les connaît plus ou moins. Mais je fais ma course, et c’est plus important de connaître mes points forts que les points faibles des autres.
Mis à part la course, quelles sont vos autres passions dans la vie?
Quand je ne m’entraîne pas, j’aime passer du temps avec la famille, et me relaxer pour récupérer de tout ces entraînements.
Est-ce que vous avez pu fêter en famille cette superbe saison?
J’ai fêté un peu avec la famille, mais cela fait seulement deux semaines que j’ai terminé ma saison. Après Tokyo j’ai enchaîné les courses, mais en octobre je vais fêter cette belle aventure.
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