Si l’on analyse simplement sur un plan physique les répercussions de l’effort d’une course, il est difficile de trouver des effets positifs ressentis dans le corps. Douleur aux jambes, perte de souffle, sentiment de chaleur ou mix désagréable entre le froid et le chaud, ainsi que quelques gouttes de sueurs parasitant la vue ou provoquant un sentiment de glissement sur le corps fort désagréable : force est de constater que peu de facteurs semblent mener à un sentiment de félicité. Une sensation pénible qu’on ne peut considérer propre à la course puisque c’est bien l’apanage de l’effort physique que de provoquer des douleurs au corps. Mais contrairement à la grande majorité des activités physiques, le running se démarque par sa courbe d’efforts stable. Alors que d’autres sports usent du sprint, du repos, la course à pied (excepté l’entraînement fractionné, cela va de soi) consiste dans l’ensemble à rester au même train tout au long de l’épreuve.
Aussi, contrairement à de nombreux sports – collectifs ou individuels – la course à pied n’offre pas la montée soudaine d’adrénaline et le plaisir du « point gagné ». Tout ici est une question d’endurance, de gestion d’effort et de souffrance. L’effet jouissif d’un but marqué, d’un smash sauvé ou d’une passe splendide s’efface donc, mais au profit d’un plaisir différent, plus subtil, mais indéniablement tout aussi puissant. Quel est il, ce plaisir ?
Il y a dans cet exercice plusieurs véritables sources de bien-être. D’un coté, l’on pourra retrouver un plaisir purement physiologique. « La course nous apporte une sécrétion d’adrénaline, produit des endorphines, aussi appelés « hormones du bonheur » et de la sérotonine. C’est le bonheur d’être en action » explique Marie Lanners, psychologue du sport dotée de plus de dix ans d’expérience sur le sujet. En effet, au fur et à mesure de l’effort, des molécules, dites endorphines, sont libérées par notre cerveau. Véritable morphine naturelle, ces dernières offrent à tout runner un sentiment de légèreté pouvant monter jusqu’à l’extase. C’est aussi du à ces sécrétions d’endorphines qui fait que le coureur ressent le besoin de renfiler sa tenue et repartir à l’assaut quelles que soient les conditions climatiques.
Une autre des facettes du plaisir ressenti lors de la course, sortant du cadre physiologique, est indéniablement celle du sentiment d’évasion. Si des parcours à couper le souffle peuvent jouer un grand rôle dans le sentiment d’échapper aux tracas du quotidien, il est bon de noter que le simple exercice sans claque visuelle en soutien peut être amplement suffisant pour sortir de son corps et arriver à une forme de « néant positif », état d’esprit ou les pensées arrêtent de s’entrechoquer et une paix intérieure s’établit. Toute l’attention du corps – et du cerveau – portée sur l’effort en cours permet d’oublier tout le reste et d’aboutir à un repos de l’esprit total, chose quasiment impossible dans la vie de tous les jours. Sur ce point, la course ressemble énormément à la méditation : « Courir permet de stimuler la vascularisation du cerveau, augmentant ainsi la capacité de concentration, de raisonnement, etc… On devient mentalement plus alerte. Et ça développe aussi la créativité. Durant la course, on rentre dans un état second, de méditation, ou l’esprit vagabonde, et qui donne accès a notre inconscient. On est dans un état clairement modifié de conscience, qui permet d’oublier les tracas du quotidien », poursuit Marie Lanners.
Tout aussi capitale, l’amélioration de la santé est une autre des raisons de commencer la course à pied. « A l’image du début d’année, la course est pour beaucoup de personnes une bonne résolution, une manière de reprendre le contrôle de leur vie après une année ou ils se sont un peu laissés aller, ou pour des jeunes qui ont peut être eu beaucoup de sorties » « ajoute Lanners. Dans une étude de 2020 de Strava intitulée « Why We Run » et basée sur plus de 25 000 coureurs de tout âge à travers le monde, la santé est en effet une des premières sources de motivation. Facile et accessible en toute zone, le running est en effet une activité physique « facile » à pratiquer sur le plan purement logistique. Une facilité qui contraste grandement avec de nombreux autres sports et activités physiques nécessitant un équipement, un terrain, ou des coéquipiers spécifiques avant de se lancer (comprendre par la qu’être fan de pétanque en Sibérie, ou de Ski à Kashasa, c’est bien gentil mais ça risque de ne pas être suffisant pour pratiquer). « Courir régulièrement permet aussi de passer d’un métabolisme passif à actif. C’est ce qu’on appelle « l’after burn effect ». On continue de bruler des calories après la course » détaille la psychologue de sport. Prenante, accessible et efficace, la course à pied offre de nombreux avantages.
Si le physique est un facteur, il peut être intéressant de remarquer que ce concept peut s’étendre à une amélioration de la santé globale et non seulement physiologique. Ainsi, beaucoup d’athlètes ou coureurs occasionnels associent le running à une manière de contrôler leur vie : « Si j’arrive à courir, j’arriverai à gérer les autres facettes de ma vie. » Le proverbe « Un esprit sain dans un corps sain » pourrait donc être le leitmotiv de bon nombre d’habitués de l’application Strava. Il est d’ailleurs important de noter une véritable corrélation, bien trop visible pour être le fruit du hasard, entre l’augmentation du nombre d’adeptes et celle du stress dans la vie de tous les jours. Enfiler ses chaussures, mettre ses écouteurs et partir seul, à l’écart des tracas de la vie de tous les jours, est ainsi devenu une manière de se reconstruire, de développer une carapace et de repartir de plus belle.
En restant dans le domaine de l’amélioration mentale et physique, on ne peut oublier le sentiment d’accomplissement, récompense capitale procurant un feeling de haute estime de soi et de confiance. Et, au même titre que se forcer à terminer un dossier bien au delà de l’heure prévue de fin, ranger un garage bordélique ou se lancer dans un marathon de plaisirs charnels avec son/sa compagne, plus l’effort est long et difficile, plus la récompense est belle. « A vaincre sans péril l’on triomphe sans gloire » semble ici être le parfait résumé de l’importance de l’effort dans la quête de la fierté de soi. « Le coureur, en voyant les résultats positifs et l’euphorie découlant de sa réussite va de plus en plus se challenger » confirme Marie Lanners : « Allongement des distances, difficulté du parcours, ou challenges interactifs via les nouvelles applications connectés, tous ces défis permettent aussi d’améliorer la force mentale de chacun, les rendant plus confiants dans leurs capacités à affronter des obstacles. C’est aussi une forme de force mentale travaillant sur la motivation : se motiver a aller courir malgré la fatigue, le mauvais climat ou d’autres facteurs dissuasifs augmente les capacités et la confiance du coureur pour affronter tout obstacle. » C’est donc ce sentiment de fierté qui explique ainsi l’allongement des distances de la plupart des coureurs. L’exercice devenant plus simple à force d’entraînement et de répétitions, il devient logique, voire nécéssaire, d’agrandir le parcours pour continuer de ressentir cette sensation agréable d’avoir accompli une tache ardue et éprouvante.
Augmenter les distances et fréquences peut-il néanmoins comporter un risque ? A en croire l’avis largement partagé, non. Aux yeux du grand public, la probabilité de blessure – hors chute -dans le cadre de cette activité demeure extrêmement rare. Un avis qu’il est nécessaire de tempérer puisque contrairement aux idées reçues, la course peut être sujette à un risque de blessure. C’est dans l’excès de cette activité que le risque d’abimer son corps devient réel. Plusieurs études arrivent à la conclusion que passer plus de 150 minutes à courir par semaine – un chiffre relativement bas – annule les bénéfices de la course et augmente grandement les risques de blessures type fracture de fatigue ou encore lésion. Selon une étude de l’OMS publiée en 2015, courir cinq à dix minutes par jour pourrait être aussi bénéfique qu’un long jogging dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Nul besoin, donc, de se lancer dans de longues distances quatre fois par semaine. Aussi, passé la quarantaine, se lancer dans cette activité nécessite au préalable un passage chez le cardiologue afin de vérifier que les artères sont assez en formes pour supporter la répétition des efforts.
Enfin, malgré l’idée dominante que le running est une activité solitaire, il est bon de remarquer que selon l’étude de Why We run, le facteur social serait aussi une explication au désir de bruler des calories via la course. Près de la moitié des personnes interrogés annoncent courir ou avoir commencé cette activité avec d’autres personnes (amis ou membres d’un club sportif). « Il y a un esprit social. Il y en a qui, au lieu de courir seuls avec leurs écouteurs vissés au oreilles, vont essayer de trouver quelqu’un pour aller courir. Se retrouver ensemble dans un but commun. Le fait de courir à plusieurs permet de motiver et de se motiver. Il est par exemple plus difficile d’annuler un rendez vous prévu à plusieurs qu’une sortie en solitaire.» abonde Lanners. Un sentiment de communauté et de responsabilité qui aurait aussi ses conséquences sur l’activité en elle-même puisque dans tous les pays, les personnes interrogées pratiquant le running en groupe disent davantage apprécier la course à pied que les loups solitaires.
Alors, on court. De prime abord difficile (beaucoup de gens abandonnent d’ailleurs à la suite de premières tentatives mitigées), l’activité se fait alors plus plaisante avant de devenir carrément addictive et nécéssaire dans l’équilibre d’une personne. Bonne pour le corps, l’esprit et les liens sociaux, simple à pratiquer et n’ayant quasiment aucun effet négatif, l’on en viendrait presque finalement à se poser une autre question : mais pourquoi certaines personnes ne courent-elles pas ?
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