C’est un «petit» sport dans un petit pays. Il serait pourtant réducteur de cantonner le triathlon grand-ducal à ce statut.Si des Bob Haller, Stefan Zachäus, Gregor Payet, ou encore plus récemment Eva Daniëls, s’illustrent sur la scène internationale, ce n’est pas sans raison. Ces succès qui portent haut les couleurs de notre paysà travers le monde,comme lors des World Triathlon Series,aussi bien dans l’hémisphère sud quedans celui du nord,sontla conséquence du talent de nos athlètes, certes, maisaussien majeurepartie de leur travail fourni au quotidien depuis leurplus jeune âge. Et pour cela, les jeunes pousses féminines et masculines bénéficient d’un encadrement de choix qui n’a rien à envier aux nations dont la population demeure plus nombreuse.
Parmi ces encadrants, Cyrille Eple est en charge de la formation desjeunes. Le Spinalien de 38 ans a débarqué à la Fédération luxembourgeoise de triathlon en provenance de France il y a maintenant 10 ans.« Il y a pas mal de turnover dans les sports au Luxembourg, je fais partie des résistants »,sourit l’ancien licencié de Metz Triathlon. Surtout qu’il est arrivélors de la saison 2010. Le triathlon grand-ducal traversait alors de sacrées zones de turbulences: «C’était un peu une ambiance catastrophe, je suis arrivé alors que se tenait le procès entre la fédé et l’ancien entraîneur national. Il y avait un différend entre eux.» Un beau chantier attendait donc celui qui a eu sous ses ordres un certain Vincent Luis au Pôle Espoirs de triathlon français à Nancy. Dès sa venue au Luxembourg, il est agréablement surpris des infrastructures et conditions de travail qui lui sont conférées. Il débarque en compagnie d’un de ses collègues du Pôle: Thomas Andreos. Ce dernier occupe actuellement le poste de sélectionneur des triathlètes adultes. Lorsqu’il arrive lors de la précédente décennie, il s’occupe d’un «groupe assez hétérogène et talentueux», selon ses dires, dans lequel se trouvent des adolescents comme Bob Haller, Gregor Payet ou encore Max Biewer, qui compte comme principal fait d’armes une 14e place au championnat du monde junior à Edmonton (Canada), en août2014. Quelques filles viennent étoffer ce collectif. Ce groupe de jeunes est alors identifié pour le faire mûrir sur le plan international. La rénovation débute. La formation des triathlètes luxembourgeois passe du système précédent allemand,où l’accent était mis sur le volume de travail et l’aérobie, au système français, où la méthode privilégie les séances d’intensité.
Un gros travail de détection
À côté de cela, il a fallu trois bonnes années au nouveau staff pour développer une méthode efficiente de détection qui n’existait pas jusqu’alors. La mise en place du « Talent Day » a permis notamment de créer de nouveaux groupes avec les nouvelles exigences fédérales. Sur le conseil de tous lesclubsdu paysconcertés, cette journée de découverte du sport du triple effort se veut ludique,avec l’alternance de course à pied et devélo. Les bambins qui viennentpassent ainsi un bon moment sans se mettre la pression.
C’est d’ailleurs comme cela que Cyrille Eple repère sa protégée, Eva Daniëls, aujourd’hui âgée de 19ans. Le technicien se rappelle: «Je la remarque à l’Aquathlon du Luxembourg,en 2013. C’était une mauvaise nageuse mais avec une qualité de pied au sol en course à pied, etavec un regard déterminé.»Eple la prend alorssous son aile alors qu’elle ne se trouve qu’en catégorie benjaminepremière année.
Depuis, en sept années, Daniëls a claqué des performances sur la scène mondiale et notamment une quatrième place aux Jeux olympiques de la Jeunesse à Buenos Aires (Argentine) en 2018. Ému, son coach de quasiment toujours se rappelle : « Je l’ai connue petite fille et maintenant c’est une jeune femme qui travaille pour les Jeux olympiques 2024 de Paris et les JO 2028 de Los Angeles. Nous y croyons et travaillons dur. Toute cette réussite ne seraitpas possible aussi sans le Sportlycée,qui fait un superboulot etaréalisé des aménagements dans l’emploi du temps d’Eva qui nous enlève beaucoup de stress.»
Eva Daniëls, tête de gondole de la nouvelle génération
Derrière Eva, toute une génération suit, certainement l’effet «Daniëls». Prise pourmodèleparles plus petites qui arrivent, les cadres observent une relation de «win-win». Cette source d’inspirationcréeune émulationqui se transpose aux futures générations.Comme le rappelle justement Cyrille Eple, la formation revêt pour lui deux aspects:«L’aspect social,avec la dimension de la pratique physique par laquelletout le monde commence»,et «l’orientationvers le haut niveau».Le schéma idéal envisagé depuis 10ans maintenant est le suivant,à savoir la première formation du côté des clubs,avec la découverte du triathlon sous des formes ludiques sans notion de performances. En fonction de leurs projets, les plus motivés et talentueux peuvent alors intégrer à la préadolescence le Sportlycée,où les attendent les encadrants de la fédération, sans pour autant négliger leur relation avec leur club. Cyrille Eple explique: « Nous mettons l’athlète au centre du projet et lui apportons des solutions à ses besoins. Si le gamin veut être en même temps dans un club, nous respectons bien évidemment ce choix. Cela arrive,mais c’est très rare,car la vie au Sportlycée est très prenante. » Les 12clubs de triathlon au Grand-Duché ne sont donc surtout pas mis de côté. Notammentles clubs reconnus pour la formation des jeunes,comme le Trispeed Mamer du présidentDanHendriks,mais aussi le X3M Mersch, le Trilux et Grevenmacher. Pour cela, la FLTRI a misen place il y a quelques années une labellisation des clubs formateurs avec le label « Youth for triathlon ». Une réflexion pour motiver les clubs afin de les structurer en fonction de ce qu’ils proposent pour leurs plus jeuneslicenciés, notamment des entraînements de jeunes sans les licenciés adultes,mais aussi des critères en termes de compétences spécifiques pour former les jeunes licenciés.Cyrille Eple indique: « Nous visons l’objectif de sortir 3-4 jeunes par génération. L’idée, c’est d’avoir une pyramide pour sortir à chaque fois un ou deux athlètes en Élite chez les seniors.» Ces propos ne se révèlent pas être seulement de la théorie car Eva Daniëls s’avère être la parfaite illustration du concept prôné par la FLTRI.Ce système permet de pallier les gros problèmes rencontrés chaque année en termes de perte de jeunes en raison de leurs études. Cyrille Eple livre un constat cinglant:«Le triathlon est un sport très dur et si unjeune s’entraîne 15 heures par semaine et que les résultats ne suivent pas, il va forcément s’interroger sur la suite à donner à son parcours sportif.»
Jocelin Maire
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