Cela faisait bientôt dix ans que le statu quo n’avait pas évolué dans le monde du football sur jeux vidéo. La franchise FIFA, produit d’Electronic Arts, dominait assez aisément le marché et PES, produit par Konami, s’accrochait aux quelques miettes malgré des critiques généralement plus positives. Pourtant, l’année 2021 a tout chamboulé, avec le crash spectaculaire d’eFootball, le divorce de plus en plus consommé entre EA et FIFA, et l’arrivée sur le marché d’un petit nouveau, UFL. 2022 pourrait-elle être l’année du rebattement total des cartes ?
« Konami nous a chi… à la gueule ! ». Malgré un désir de tempérer ses propos, Joselito Houtmann, anciennement l’un des meilleurs joueurs de PES au monde, toujours fervent gamer et amoureux de la franchise, ne peut cacher sa colère vis-à-vis du revirement stratégique de la firme japonaise : « Ils ont fait le choix d’abandonner la guerre des consoles au profit de FIFA pour s’orienter vers du jeu mobile, nous pondant, de surcroît, la version bêta la plus pitoyable qu’un lancement de licence ait jamais connu. L’ampleur du cataclysme n’a d’égal que la lenteur des développeurs à rectifier le tir et à sortir le patch tant attendu. Mais bon, c’est déjà trop tard, le mal est fait… Plus personne n’y croit. »
Cette colère qui vient du cœur, Houtmann n’est pas le seul à la ressentir. Pour des milliers d’aficionados qui voyaient en Pro Evolution Soccer la référence de football ultime, tant par le gameplay que par sa fibre évidemment nostalgique, le revirement stratégique n’a pas été compris. S’il ne faisait aucun doute que la série des PES avait besoin d’une cure de jouvence – en particulier concernant les modes de jeu ou menus ringards – pour rivaliser avec FIFA, personne n’aurait pu s’attendre à un coup de bistouri aussi violent. Et, en y allant aussi franco, les décisionnaires chez Konami ont littéralement défiguré leur bijou. Injouable, rempli de bugs, avec une absence choquante de modes de jeu… Un échec sur toute la ligne, qui a rendu toute une communauté folle de rage. Cette dernière, presque six mois après la sortie d’eFootball, continue de squatter PES 2021 avec… dix fois plus d’utilisateurs que la nouvelle version. Un sacré camouflet pour Konami, qui ne peut s’en prendre qu’à lui-même d’avoir sabordé une licence historique, mais également d’avoir offert la victoire définitive à FIFA sur un piédestal…
FIFA se saborde-t-il ?
La voie semblait donc parfaitement tracée pour la franchise FIFA qui, au moment de la sortie d’eFootball 2022 et dès les premières critiques, a sûrement dû sabrer le champagne. Mais alors que le seul jeu jusqu’à présent capable de contester le monopole d’EA sur le marché se fait harakiri, FIFA, lui aussi, tangue un peu.
La faute avant tout à une brouille de plus en plus assumée entre Electronic Arts, éditeur du jeu, et la FIFA, Fédération internationale de football. Alors que de nombreux bruits de couloirs sur de vifs désaccords entre les deux entités persistaient ces derniers mois, la sortie d’Andrew Wilson, PDG d’EA, a confirmé que plus rien n’allait. En dégainant la sulfateuse sur un contrat qu’il estime préjudiciable, Wilson n’a pas épargné l’organisation internationale, qualifiant aujourd’hui son apport de « quatre lettres sur une boîte ». Ambiance.
Motif du courroux ? Un accord financier injuste selon EA, qui estime que « la marque FIFA a maintenant plus de poids en tant que jeu vidéo qu’en tant qu’instance dirigeante du football ». Des propos particulièrement hostiles qui pourraient définitivement remettre en cause un partenariat vieux de plusieurs décennies qui a particulièrement enrichi les deux géants.
S’il est quasi assuré que la franchise restera sous le nom FIFA pour l’édition 2023, le futur pourrait être plus incertain. La perte d’un nom historique aurait des conséquences, évidemment, sur l’image de la marque comme sur les ventes, mais surtout, la perte de ce naming pourrait avoir des répercussions sur les licences que FIFA se targue d’avoir. Alors que le désir de « davantage de modes de jeu, de choses différentes du 11 contre 11 et différents types de gameplay » explique en partie le souhait d’Electronic Arts d’arrêter la collaboration, le réalisme d’un jeu passe aussi par les appellations officielles, et une perte de ces dernières pourrait coûter fort cher à EA et son petit bébé.
Au-delà de ces querelles internes, on retrouve aussi une communauté de plus en plus critique de son jeu. Alors que les mises à jour d’année en année paraissent bien superflues et que le modèle FUT continue d’attiser de nombreuses attaques liées à son aspect inégalitaire et proche du jeu de grattage, nombreux sont les déçus des deux franchises historiques qui verraient d’un bon œil l’arrivée d’un véritable vent de fraîcheur.
UFL, candidat de choc ?
Autant de raisons qui permettent au petit nouveau UFL, mystérieux mais prometteur, de croire en sa capacité à déstabiliser le microcosme du sport. Avec un projet officiellement lancé en 2016 par Strikerz Inc. et utilisant Unreal Engine, le troisième larron s’est dévoilé dans un premier teaser de gameplay il y a quelques mois. Cette bande-annonce a permis de découvrir un style qui, bien qu’un peu rigide et robotique, semblait intéressant. Et il est bon de préciser que les créateurs ont assuré qu’ils ne sortiraient pas leur poulain tant qu’il ne serait pas véritablement prêt ; une pique probable contre Konami, mais aussi d’autres récents flops (dès leur sortie) tels que Cyberpunk 2077.
Les systèmes de jeu, de leur côté, semblent se rapprocher de FIFA et de son controversé FUT dans lequel chaque joueur peut construire toute son équipe par le biais d’achats, ventes et échanges.
Il n’est néanmoins pas encore certain que le jeu soit rempli de microtransactions, comme peut l’être le leader du marché. Un point est cependant avéré : UFL se voudra free to play, mais surtout fair to play. Ainsi, pas d’affrontement entre le petit débutant et le plus hardcore des gamers, puisque vous ne pourrez que tomber sur des adversaires de votre trempe. Un système intéressant, qui devrait aussi récompenser de nouveaux vainqueurs chaque saison. UFL a promis d’en dire plus sur tout ce qui se trame derrière ce projet massif dans les semaines à venir.
Pour ce qui est des licences, le petit nouveau peut se targuer d’avoir un accord avec FIFPro, mais seulement pour 5 000 noms officiels de joueurs. Un taux bien faible en comparaison de celui des franchises d’Electronic Arts et Konami.
Enfin, encore plus intéressant : UFL a déjà annoncé que son jeu n’aurait pas de sortie annuelle. Un positionnement potentiellement intéressant dans un microcosme où les utilisateurs se plaignent régulièrement de n’acheter que l’équivalent d’une mise à jour annuelle chaque rentrée, pour des prix non négligeables.
Avec un nouveau venu qui semble excitant sous bien des aspects, un leader de marché plus impitoyable que jamais, y compris avec ses partenaires historiques et un éternel second qui a pété un plomb, le futur du football sur console paraît plus incertain que jamais. Ce qui n’est pas nécessairement pour nous déplaire. Après tout, Le Bon, la Brute et le Truand n’est-il pas un chef-d’œuvre ?
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