Pascal Carzaniga : «C’est un peu comme un mariage, c’est « je t’aime, moi non plus »»

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L’entraîneur français est de retour sur le banc du Swift Hesperange, un an après l’avoir quitté. Il se confie sur sa relation particulière avec Flavio Becca, son expérience en BGL Ligue, ses objectifs et sa vision du football. Avec sa façon bien à lui de s’exprimer : sans langue de bois.

On vous a quitté il y a un an. Comment vous êtes-vous occupé pendant tout ce temps ?

Je n’ai jamais décroché du football, je suis régulièrement venu voir les bons matchs de BGL Ligue. Ensuite, côté privé, je me suis fait opérer des cartilages du genou et j’ai été écarté pendant cinq ou six mois du sport, avant de reprendre mon activité running individuel, et c’est pour ça que j’ai pris un peu de distance par rapport au football.

Le terrain ne vous a pas trop manqué ?

Les entraînements m’ont moyennement manqué, mais l’adrénaline des matchs, les vestiaires le jour J, ça manque toujours parce que j’ai ça dans les gènes.

Quand Flavio Becca vous a rappelé pour remettre le couvert au Swift, avez-vous hésité ?

Premièrement, j’ai été contacté par d’autres clubs de BGL Ligue, donc j’étais en train de réfléchir à ces différentes pistes. Je voulais quoi qu’il en soit signer dans un club qui ait des ambitions, qui joue l’Europe et les premières places. Je savais qu’il y aurait du mouvement parmi les équipes de tête, c’est pour ça que je n’étais pas trop pressé… Mais à partir du moment où Flavio Becca m’appelle directement, je sais que je vais jouer au minimum les places européennes, sinon je suis viré ! Moi, comme je suis un gars de challenge, je n’ai jamais eu peur de répondre à ses appels.

Vous entretenez une relation particulière avec lui, à la fois proche et… étrange. Je pense notamment au moment où il vous démet de vos fonctions à Dudelange en 2014 alors que vous venez de remporter le titre. Au Swift, l’aventure s’arrête il y a un an alors que vous atteignez l’objectif européen, puis on vous retrouve de nouveau sur le banc aujourd’hui. De l’extérieur, cela interroge.

C’est un peu comme un mariage, c’est « je t’aime, moi non plus ». Tout ça pour dire que c’est la troisième fois que je vais retravailler avec lui. La première, l’objectif était d’être champion : objectif atteint. La deuxième, j’arrive en cours de saison et on est 8e, et finalement européens. Le coup de Dudelange c’est du passé, j’ai eu du mal à l’accepter. Cela faisait treize années d’affilée que j’entraînais et du jour au lendemain je ne suis plus coach ; ça m’a fait tout bizarre. La gagnante de l’histoire a été mon épouse (rires)  ! Il n’y avait pas vraiment d’explication à donner, c’était le choix de Flavio qui me disait à l’époque « avec ta tête dure d’Espagnol, tu ne veux rien écouter ». C’est vrai que je préfère mourir avec mes idées… Il ne m’a pas tué, il m’a fait une piqûre et voilà, je m’en suis relevé.

C’est vraiment une relation particulière entre vous…

Oui, beaucoup de gens ne le savent pas au Luxembourg, mais Flavio et moi, on se connaît depuis 2000, quand j’entraînais en Belgique et fournissais son club en équipements. On avait une relation très amicale, il me disait toujours qu’il ne me voudrait jamais en tant qu’entraîneur et je lui répondais que de toute façon, je ne voudrais jamais entraîner pour lui ! Il s’est passé treize ans où on a été un peu comme chien et chat. Je connais le personnage et je l’apprécie énormément. Et s’il me rappelle une troisième fois, c’est qu’il doit penser du bien de moi de son côté aussi.

Certains observateurs ou commentateurs pensent que votre retour n’est pas une bonne idée. Que leur répondez-vous ?

Pourquoi ne serait-ce pas une bonne idée ? Je ne comprends pas. L’année dernière, ça s’est très bien passé. Le groupe joueur je le connais, comme le reste de la maison du Swift. Flavio sait comment je travaille, moi je sais comment il fonctionne, et c’est un avantage. Sofiane Benzouien, le directeur sportif, l’a bien compris. Il y a eu deux épisodes avec Flavio Becca : le premier, il me fait venir pour être champion et on est champion, et la dernière fois il est 8e, il m’appelle et me dit « écoute, il faut être européen ! ». C’était très compliqué et plus complexe, compte tenu du retard qu’on avait, que d’être champion avec Dudelange. Heureusement, j’avais un très bon groupe. Là, le retour, cela n’aurait pas été une bonne idée si j’avais été viré. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé… C’était d’un commun accord.

Votre adjoint de toujours, David Zitelli, vous rejoint sur le banc. Les choses étaient inenvisageables autrement ?

Exactement, il s’agissait d’une des conditions pour signer.

Question naïve : quelle est l’ambition cette saison ?

À l’image de Monsieur Becca, c’est d’être le meilleur… et le meilleur, c’est le titre. Donc il n’y a pas d’autre choix.

Avez-vous une idée précise de l’effectif que vous souhaitez dessiner pour la saison prochaine ?

Disons que 50 % du noyau, je les connais, puisque je les ai entraînés, et cela s’est très bien passé, il n’y a eu aucun souci. J’ai vu les nouveaux joueurs qui ont surtout été des renforts, quand on pense à Couturier, Terki ou Mokulu. L’équipe sur le papier était plus forte que l’année dernière. Maintenant, pour que la mayonnaise prenne, il faut garder ces éléments, plus quelques nouveaux ajoutés au cadre, étant donné qu’on aura quelques départs quand même.

On a souvent l’impression que le Swift est le PSG de la BGL Ligue, avec une accumulation de joueurs, tous plus talentueux les uns que les autres sur le papier. La difficulté est de créer une véritable osmose, de les faire jouer ensemble comme une équipe. Comment comptez-vous vous y prendre ?

Il y a toujours une petite recette miracle, il faut être capable de gérer un groupe sur plusieurs années et faire adhérer au projet. Souvent, au PSG, les coachs viennent davantage pour des questions financières que pour l’aspect sportif… Ici, en comparaison, j’estime que je peux relever le défi parce que j’ai fait huit ans à Bleid, cinq à Amnéville ; Dudelange, si je n’avais pas été éjecté, je pense que j’aurais encore pu faire quelques années. J’ai fait deux ans à Differdange et aujourd’hui, je n’ai toujours pas compris pourquoi j’avais quitté le club alors que les choses se passaient relativement bien et que les résultats étaient là. Et le Swift, c’est une nouvelle histoire d’amour… Les dirigeants étaient déjà tristes que je ne continue pas lors de mon premier passage, le président Laroche et le directeur sportif Sofiane Benzouien en tête. Il n’y a pas eu que Monsieur Becca dans l’équation de mon retour d’ailleurs, les deux que je viens de citer y ont également participé.

Justement, en parlant de projets à long terme, on assiste à une valse impressionnante des entraîneurs en BGL Ligue. Pensez-vous qu’aujourd’hui il est encore possible de s’engager sur la durée quand on est entraîneur au Luxembourg ?

Je pense que c’est possible tant que les résultats suivent. Ici, c’est vrai qu’il n’y a quasiment que le résultat qui compte. Quand j’entends certains observateurs après des matchs, je me rends compte qu’on n’a parfois pas du tout la même analyse et qu’ils sont grandement influencés par le résultat final. Et je ne suis pas toujours d’accord avec ça. Par exemple, pour moi, c’est une grosse erreur de la part du Progrès de s’être séparé de Stéphane Léoni parce qu’il avait réussi à faire prendre une certaine mayonnaise lors de la première moitié du championnat. On lui a enlevé des éléments offensifs très importants et à moment donné, il ne peut pas faire de miracles… Si on vous enlève les meilleurs joueurs, c’est compliqué. Si vous aviez enlevé Benzema à Ancelotti, le Real Madrid n’aurait jamais fait la même saison. C’est un peu ce qu’il s’est passé au Progrès. Léoni a fait du très bon boulot et il ne méritait pas du tout de prendre la porte de sortie, ils ont fait peur à tout le monde pendant un moment cette saison, ce qui n’était pas le cas les autres années. Avec un peu plus de chance, notamment au niveau des blessures, ils auraient pu aller au bout…

Mais est-ce possible de durer dans un club en BGL Ligue ?

Il y a un très bel exemple, c’est Jeff Strasser au Fola. Sinon, il y a Arno Bonvini, qui a fait une dizaine d’années à Mondorf. Mais aujourd’hui, dans les top clubs, c’est très compliqué par rapport aux personnes qui sont au-dessus si les résultats ne sont pas là. Je pense par exemple au Racing, ça change tous les ans, le Swift pareil les dernières saisons. Le Fola, ça bouge souvent aussi. Pour résumer, c’est compliqué.

Pour en revenir au terrain, quels principes de jeu aimeriez-vous mettre en place l’année prochaine ?

Vous savez que je suis toujours porté sur l’offensif, donc ça ne va pas changer. J’ai ma philosophie de jeu. Comme je dis toujours, et ça ne plaît pas à mes défenseurs, « je veux marquer un but de plus que mon adversaire », donc il faut jouer. Et il faut prendre du plaisir, parce que le football restera toujours un jeu.

Vous nous avez confié avoir gardé un œil sur la BGL Ligue cette saison. Qu’avez-vous pensé du niveau ?

Quand on est observateur et coach sur le terrain, on ne voit pas les choses de la même manière. J’ai vu des matchs super agréables et d’autres où les spectateurs se faisaient vraiment chier. Le meilleur match que j’aie vu, c’est la demi-finale de Coupe Fola-Dudelange, où dans le jeu, je sentais que Dudelange allait revenir, c’était un truc de fou… C’était un match très intéressant, avec beaucoup de rythme. Mais j’ai assisté au quart de finale Progrès-Dudelange, où l’on m’a dit que cela avait été un match de très bon niveau, et je n’étais pas du tout d’accord. Sinon sur le niveau, mes joueurs du Swift m’ont dit que les top clubs devenaient plus costauds qu’avant. Toutes les équipes progressent, les noyaux sont plus solides… Moi, je pense que les équipes de tête ont été moins performantes, donc automatiquement, cela rééquilibre le championnat.

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