Les sponsors du foot

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Sponsors

Marqués par la pandémie de Covid-19 et ses innombrables conséquences néfastes, les clubs de BGL Ligue ont de plus en plus de mal à attirer de nouveaux sponsors. Ils sont pourtant essentiels à leur bonne santé et représentent souvent une part conséquente de leur budget. Alors certains innovent, d’autres affinent leur stratégie, tous sont sur le fil à ce sujet. Clubs particuliers cherchent partenaires  sur la durée.

Bouteilles d’oxygène des clubs, en voie de raréfaction

Les crises successives que nous traversons ces dernières années, pandémie de Covid-19 en tête, ont fortement compliqué la tâche des clubs dans leurs recherches de nouveaux sponsors. « C’est catastrophique, c’est devenu vraiment très difficile de les attirer », soupire Gilbert Georgen, vice-président du Fola Esch. Une tendance de fond confirmée par Christian Strasser, président de l’US Mondorf : « C’est dur pour tout le monde ! On vit dans un monde touché par le covid, puis aujourd’hui par la guerre… La semaine dernière, des sponsors nous ont encore dit qu’ils voulaient continuer, mais qu’ils ne pourraient pas payer cette année. Des restaurateurs, des commerçants, qui ont été durement touchés… On doit s’adapter.  Le sponsor, il faut d’ailleurs lui donner quelque chose en retour, c’est pour ça que nous préférons parler de partenaires plutôt que de sponsors. On reçoit quelque chose, on donne quelque chose. » Du côté du FC Wiltz, on tente de limiter les dégâts : « Ça va, mais ce n’est pas facile parce qu’on a moins de visibilité qu’avant, du coup c’est difficile de les attirer. Depuis qu’il n’y a quasiment plus rien dans le Wort, que le Tageblatt a réduit la voilure, c’est plus compliqué. On a arrive malgré tout à rester stables », constate le président du club, Michaël Schenk.

« Si un gros sponsor principal s’en va, il met tout de suite le club en péril »

Le contexte est donc plus dur aujourd’hui, et pourtant, les clubs de BGL Ligue ne peuvent pas se passer de ces sponsors qui représentent bien souvent leurs bouteilles d’oxygène. La part dans les budgets varie : entre 25 et 30 % pour le Fola, un tiers pour le FC Wiltz, jusqu’à 60 % pour l’US Mondorf ! Plus celle-ci est importante, plus la stratégie du club a intérêt à être bien rodée autour de cette question. « On a la chance d’avoir une multitude de petits sponsors. Certains donnent 1000€, d’autres 700 ou 800, d’autres ne prennent qu’un panneau. On a un peu de tout. D’autres clubs ont la chance d’avoir de gros sponsors… C’est à la fois un avantage et un risque. Si un gros sponsor principal s’en va, il met tout de suite le club en péril. Alors que si tu en perds un ou deux petits, tu peux te retourner plus facilement. Bon, si un gros se présente, on ne dira pas non ! », développe le président de l’US Mondorf. Cet argent, les clubs en ont besoin pour leur équipe première, mais pas seulement : « On recherche aussi pas mal de sponsoring pour nos équipes de jeunes. La formation d’un jeune coûte 750 euros par an », précise le vice-président.

Alors comment faire, dans cette période difficile et incertaine, pour dégoter de nouveaux partenaires, pour se rendre « sexy » ? « Certains viennent parfois à nous, mais la plupart du temps c’est nous qui allons les chercher. Ce qui entre en compte en premier lieu c’est la proximité géographique avec le club, puis on élargit aux sponsors d’envergure nationale », déclare en préambule Christian Strasser. Ensuite, sur la stratégie : « On actualise constamment ce qu’on donne à nos partenaires. On a des formules standard, mais on est à même de tout individualiser. Le client qui veut être davantage sur les réseaux sociaux, on fera plus de posts avec lui. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut aller chercher le sponsor là où il a un besoin. C’est lui le client. » Au FC Wiltz, on essaye d’innover : « On a un responsable marketing, ainsi que des contacts et des intermédiaires. On essaye de travailler sur un concept de durabilité, ce qui nous permet de mettre par exemple en avant des voitures électriques ou des maillots « durables ». On travaille aussi beaucoup sur les réseaux sociaux, on fait des vidéos pour les nouvelles recrues sur lesquelles on peut intégrer des sponsors. »

« Il manque encore la fibre pour le football au Luxembourg »

Voilà pour les efforts du côté des clubs. Mais le problème qui revient souvent dans la bouche des acteurs du championnat, c’est la baisse de visibilité de la BGL Ligue ces dernières années. Et là… comment y remédier collectivement ? « La Fédération devrait davantage travailler pour apporter de la visibilité aux clubs. On pourrait se constituer en ligue, comme à l’étranger, pour faire des choses ensemble. Il y a des choses à faire, notamment du côté du streaming. Ce serait intéressant en tout cas de réfléchir à une communication collective cohérente, tous ensemble, autour du championnat. Mais il manque encore la fibre pour le football au Luxembourg, il y a encore beaucoup de travail », suggère et déplore Michaël Schenk. Sur l’idée d’une ligue, Christian Strasser rebondit : « On avait essayé à une époque… Mais on a tous du boulot, il faudrait des moyens et une structure pour s’occuper réellement de ça. Entre la fédération, les clubs, la ligue… il y a beaucoup de monde pour peu de places au soleil. C’est compliqué. » Concernant l’arrivée du streaming, Gilbert Georgen se pose encore des questions : « On ne sait pas encore vraiment si ça apporte plus que ce que ça nous enlève. Pendant le covid, les gens ont pris l’habitude de regarder les matchs à la maison, au chaud… Depuis la fin des restrictions, les stades restent vides, et partout. On espère quand même que les spectateurs vont revenir. Est-ce seulement dû à cette pandémie ou au streaming ? Je ne sais pas. »

Ils sont nombreux à cogiter, phosphorer, chercher des axes d’amélioration pour que les sponsors soient de nouveau attirés par la BGL Ligue et ses clubs. Et s’il n’y a, à l’évidence, pas de solution miracle, quelques marges de manœuvre existent. Il est vital qu’elles soient explorées afin que les bouteilles d’oxygène se remplissent et que nos clubs puissent mieux respirer.

Relations entre les sponsors et les structures sportives : argent et sentiments

Les sponsors s’engagent avec les clubs ou les fédérations pour certes, les aider financièrement, mais également afin d’en retirer un bénéfice de visibilité ou de présence et de toucher leurs cibles sur le marché. Mais à travers les grandes ou les petites histoires, des engagements plus profonds et durables se mettent souvent en place. Décryptage.

Chaque sponsor a une histoire particulière avec son club ou la structure avec laquelle il s’engage. Il y a la question de la visibilité, bien sûr, et du retour sur investissement ; c’est la base et souvent la face la plus visible de l’iceberg relationnel entre les deux parties. Mais en creusant, en allant au cœur des choses, ce qui anime le lien entre les partenaires dépasse souvent l’aspect strictement financier. Et puis il y a des histoires ou des anecdotes que l’on ne connaît pas toujours, et qui valent le détour…

Prenons par exemple l’histoire du partenariat qui lie la Fédération luxembourgeoise de football et un de ses plus gros sponsors, la loterie nationale. Ce jour-là, pour en parler, nous rencontrons une des légendes du football luxembourgeois, Robby Langers, qui a notamment joué au FC Metz, à l’Olympique de Marseille ou encore à l’OGC Nice, aujourd’hui Sponsoring Manager à la loterie nationale : 

« En 2005, la loterie nationale avait déjà quelques contacts avec la Fédération luxembourgeoise qui, à l’époque, possédait la société Lotolux et faisait le loto allemand au Luxembourg. La loterie nationale voulait absolument s’occuper du loto allemand elle-même. Ils ont donc approché la Fédération pour trouver un arrangement. Au début, cela n’était pas évident. Le hasard a fait que j’ai signé mon contrat avec la loterie cette année-là, et que je connaissais très bien le président de la Fédération, Paul Philipp, avec qui j’ai joué; il a été mon entraîneur… Le directeur de la loterie m’a demandé si je pouvais arranger un rendez-vous et tenter d’accélérer les choses. Finalement, après discussions, ils ont trouvé un accord pour que la loterie nationale fasse le loto allemand au Luxembourg dès 2006, la Fédération s’engageant à liquider la société Lotolux. En échange, la loterie nationale s’engageait à verser plus de 500000 euros par an à la Fédération, ainsi qu’un pourcentage sur ses ventes. C’est comme ça qu’elle est devenue sponsor principal, et de loin, de la Fédération luxembourgeoise de football. En plus du foot, nous sommes aussi sponsor un peu partout dans le sport. » Voici comment est né le partenariat entre la FLF et son plus gros sponsor, qui lui verse aujourd’hui environ 550 000 euros par an.

« On ne pouvait pas les laisser tomber »

Au-delà de la genèse de cette histoire, l’aventure de la loterie nationale avec la Fédération luxembourgeoise de football représente autre chose qu’un simple virement bancaire en début d’année : « Il s’agit d’un véritable engagement. On l’a notamment vu pendant la pandémie : il n’y a pas eu de matchs, pas de compétitions, on n’avait aucune visibilité, et pourtant dès le début j’ai dit qu’il était hors de question qu’on ne paye pas malgré tout. Et c’était essentiel! Car si on ne le faisait pas, certaines fédérations (pas seulement le foot) auraient crevé! On ne pouvait pas les laisser tomber. On n’a oublié personne », souligne Robby Langers.

Pour les autres, il y a aussi les questions de l’image et des valeurs communes, souvent mises en avant : « On avait envie d’être présents dans le sport, et le football était une évidence pour nous, car il fait partie de l’ADN d’Orange. Il s’agit qui plus est d’une fédération humaine, et on est dans une relation de win-win. Moi, je n’aime pas faire que du placement de logo. Le but est de multiplier les actions ensemble et de s’engager sur des projets communs. On soutient également les petits clubs et le foot féminin, on est aussi désormais présents dans l’e-sport », déclare ainsi Barbara Fangille, Head of Communication chez Orange Luxembourg. La marque est partenaire de la FLF depuis un an. LALUX Assurances, pour sa part, est là depuis plus de vingt ans : « L’accompagnement de fédérations sportives fait partie intégrante de la stratégie de communication de LALUX. En tant qu’assureurs, nous avons à cœur de promouvoir le sport en général au Luxembourg. Dès lors, quoi de plus naturel que d’accompagner la fédération du sport le plus populaire dans notre pays? Ceci nous permet non seulement d’en promouvoir la pratique, nous n’hésitons d’ailleurs pas à soutenir les initiatives de la FLF auprès des jeunes, mais également d’être au plus proche des supporters de notre équipe nationale », déclare Maud Lamborelle, responsable service communication et marketing. Volkswagen Luxembourg, également partenaire, s’investit en faisant profiter la FLF de sa philosophie en matière de mobilité : « En tant que partenaire officiel, nous matérialisons notre engagement par des actions concrètes, à commencer par la mise à disposition d’une flotte automobile. Les véhicules sont utilisés, entre autres, pour le transport des équipes de jeunes, les déplacements vers les compétitions ou les besoins internes de la FLF. Avec la nouvelle Arteon Shooting Brake eHybrid, les employés de la FLF voyagent localement sans émissions sur leurs trajets quotidiens. En plus des Arteons, une flotte de Caravelles T6.1. est mise à disposition. »

Un lien plus intime avec les  clubs

Pour les sponsors des clubs, il y a souvent un lien plus intime, plus étroit. Comme l’explique Candido Romero, gérant de Doheem Immo, sponsor du club de Strassen : «  Sponsoriser un club comme Strassen, c’est une question d’engagement. On s’intéresse à la vie sportive locale et cela correspond à notre culture et à nos valeurs. Et le Luxembourg est un marché de locaux, dont c’est important de sponsoriser un club qui touche les locaux. » Lui aussi ajoute qu’il ne s’agit pas uniquement de signer un chèque : « Le sponsoring n’est pas qu’un engagement financier. Ce qui compte également, c’est la présence physique et l’intérêt que l’on porte aux investissements que l’on fait. C’est très important de faire partie du tissu local et de ne pas se contenter d’être un financeur qui fait un virement une fois par an. »

Julien Sins et François Pradayrol

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