Elle a été l’unique porteuse luxembourgeoise de la flamme olympique le 27 juin à Schengen, mettant fin à une disette de 76 ans de cet événement au Grand-Duché : Anne Kremer, ancienne porte-drapeau de la délégation lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux d’Atlanta et forte de trois Olympiades, revient sur son parcours héroïque et son rôle emblématique.
Anne Kremer, l’une des joueuses de tennis les plus marquantes de sa génération, aura participé à 30 tournois du Grand Chelem au cours de sa carrière professionnelle débutée en 1998, réalisant ses meilleurs épopées à Wimbledon avec deux participations au troisième tour (1999 et 2004), et à Roland-Garros (troisième tour en 2002). En Fed Cup (désormais Billie jean Cup, elle aura également longtemps porté les couleurs de notre pays, avec 89 matchs disputés (pour 51 victoires) jusqu’en 2014. En battant les meilleures tenniswomen du circuit féminin, avec à son tableau de chasse l’Américaine Monica Seles, l’Espagnole Arantxa Sanchez, la Belge Kim Clijsters ou encore les Françaises Amélie Mauresmo et Mary Pierce, elle s’est imposée comme une figure emblématique du sport luxembourgeois et de ses prétentions sur la scène internationale, prenant part aux Jeux d’Atlanta 1996, de Sydney 2000 et d’Athènes 2004.
À son palmarès figurent surtout deux tournois WTA en simple (Auckland et Pattaya en 2000), achevant de l’inscrire dans la légende de notre tennis avec sa 18e place au classement WTA mondial (2002). Depuis 2016, elle endossait le rôle de capitaine de l’équipe luxembourgeoise de tennis avant de subir un grave accident de moto en 2020 qui lui a causé la perte d’une jambe. Pourtant, elle est devenue pour tous un symbole de résilience sportive mise en valeur par le COSL qui l’a désignée porteuse de la flamme lors de son bref passage sur notre territoire, devant le Grand-Duc et la Grande-Duchesse et en compagnie d’Edmond Schmitt, dernier relayeur luxembourgeois de la torche olympique… en 1948 !
Mental! : Qu’avez-vous ressenti en portant la flamme ? Que d’émotions !
Anne Kremer : (Rires) Oui c’était un moment très émouvant, j’ai eu un peu de mal à gérer ! Mais surtout un moment magique, que j’attendais depuis plusieurs semaines. Je voulais en profiter au maximum, j’étais très surprise de voir autant de monde ! La marche était exceptionnelle, j’ai vu dans la foule mes parents, des amis proches, mon frère, ma cousine : j’ai ressenti une joie immense et un peu de fierté aussi. C’était important pour moi qu’ils soient là. L’acte officiel en lui-même a été source d’une grande émotion, avec le mot chaleureux du Grand-Duc : c’était très touchant pour moi, c’est là que j’ai craqué !
« Porter la flamme : c’était un rêve ! »
Que retenez-vous de cette expérience ?
Je pense que je vais la retenir toute ma vie, c’est un moment tellement unique ! En tant qu’athlète olympien, j’ai vu cette flamme sur les relais… Une fois je l’ai vue passer dans les Dolomites alors que j’étais en tournoi, je m’étais dit que ce serait formidable que je puisse la porter un jour ! C’était un rêve ! Même si je savais très bien que la probabilité était presque nulle : quand la flamme passerait au Luxembourg ?
De quelle manière cette désignation s’est-elle passée ?
Ralph Lentz m’a appelée pour me demander si j’étais intéressée pour relayer la flamme au Luxembourg… J’étais émue aussi et j’ai tout de suite accepté ! Je pense que parmi les autres candidats possibles qui auraient mérité ce rôle, ils m’ont choisi probablement sur l’ensemble de mon parcours : j’étais une bonne sportive, 18e mondiale dans le plus grand sport féminin, j’ai régulièrement battu des joueuses du Top 10. Mais aussi sur mon après-carrière, dans le milieu du sport et du management : je suis directrice opérationnelle de CK Sport et Fitness, où je m’engage pour la pratique du sport et l’entraînement et leur importance pour la santé. Enfin il est possible que mon parcours personnel ait joué : là aussi le sport a eu et a toujours un rôle très important dans ma convalescence.
Être sportive de très haut niveau vous a-t-il aidée à surmonter les conséquences de votre accident en 2020 ?
Ça m’a surtout permis d’apprendre des choses qui m’ont ensuite aidée dans cette situation. Mais un accident comme celui qui m’est arrivé reste un traumatisme extrême, qu’on soit sportif de haut niveau ou pas. Bien sûr, la résilience est évidente en tant qu’athlète professionnel, où l’on est constamment confronté à des challenges, où l’on apprend à développer des stratégies pour surmonter des obstacles et une confiance en ses aptitudes. Le sport m’a aussi appris à pouvoir gérer mes émotions, contrôler mon dialogue intérieur, mieux diriger mes pensées. Ça m’a surement aidé en un sens.
Avez-vous conscience de symboliser des valeurs chères à l’olympisme, la performance, l’engagement, la résilience ?
Je pense que ces valeurs me représentent bien, comme celles du sport en général. J’essaie toujours de vivre ma vie en respectant tout le monde. Le respect, au même titre que la persévérance et la résilience, ça me résume bien.
Après avoir eu l’honneur de porter le drapeau lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux d’Atlanta, vous représentez à nouveau le Grand-Duché sur la scène internationale, quelle est votre plus grande fierté ?
Oui on ne peut pas vraiment choisir ! (Rires) Ce sont deux moments uniques mais très différents. L’un a eu lieu pendant ma carrière sportive, c’étaient mes premiers Jeux Olympiques, c’était quelque chose d’énorme ! Quand j’y repense aujourd’hui, rentrer dans le stade olympique et emmener mon pays et ma délégation… j’en ai encore la chair de poule ! Porter la flamme hier, plus en tant qu’athlète professionnelle, c’était finalement une très belle reconnaissance pour mon parcours de vie. Je suis très fière et reconnaissante d’avoir eu la chance de pouvoir vivre deux moments si uniques dans une seule vie !
Au cours de votre carrière, vous avez disputé trois Olympiades, quel est votre souvenir le plus marquant ?
J’ai vu plein de choses que je n’avais pas vues auparavant en étant juste dans le tennis : en échangeant avec les sportifs d’autres disciplines, on apprend beaucoup. J’ai eu la chance d’assister au 400m de Michael Johnson aux JO d’Atlanta : je n’oublierai jamais ce spectacle sportif, ses chaussures dorées, l’ambiance dans la stade… juste énorme ! Sportivement, je retiendrais surtout les Jeux de Sydney (2000) où j’ai battu Iva Majoli, championne de Roland-Garros, au 1er tour.
Et celui de votre carrière sur les courts ?
En choisir un, c’est difficile. Les deux tournois WTA que j’ai remportés, ça reste quand même des souvenirs très importants et toujours très présents. Et les victoires contre les joueuses du Top 10, qui représentent un peu plus qu’une victoire plus classique : Monica Seles par exemple était vraiment une joueuse que j’admirais quand j’ai grandi !
« C’est génial de voir le sport luxembourgeois se professionnaliser »
Désormais, les athlètes olympiques et les sportifs de haut niveau en général bénéficient au Grand-Duché d’installations de pointe comme le LIHPS : vous auriez aimé en bénéficier à votre époque ?
Oui, je pense que ce genre de structures est très bénéfique pour nos athlètes. Aujourd’hui, la performance sportive est préparée de manière spécifique, aidée par la technologie, l’analyse des mouvements, la prévention des blessures, la nutrition sportive, l’optimisation de l’entraînement… À mon époque, on n’avait pas la possibilité d’avoir ces choses-là au Luxembourg : c’est génial de voir le sport luxembourgeois se professionnaliser de plus en plus et de constater que les performances de nos athlètes s’améliorent.
Le sport a toujours été une évidence dans votre vie d’athlète puis après carrière. At-ton une chance de vous voir un jour siéger ou diriger une instance sportive ?
La question ne s’est jamais posée jusqu’à présent : Je suis passionnée par mon travail au sein de CK Sport & Fitness. Ce travail me prend tout mon temps et mon planning est très chargé ! Je suis dans les commissions des athlètes au sein du COSL pour les révisions des cadres, c’est toujours un plaisir de faire partie de ces réunions, mais pour l’instant je n’ai pas davantage de temps en dehors du travail!
Propos recueillis par Marco Noel
Mental Médias SARL
15 Rue Emile Mark
L-4620 Differdange LUXEMBOURG
m : moien@mental.lu