Historique. Divin. Extraordinaire. Inoubliable. Après un superbe match nul en Irlande il y a quatre jours, en ce 31 mars 2021, le Luxembourg a peut être accompli la plus grande prouesse de l’histoire du sport collectif du pays. Poussés par un public chauffé à blanc, dans un état de dépassement de soi le long de ces 93 grandioses minutes, les Lions Rouges auront été chercher une victoire 2-0 en laquelle ils étaient les seuls à croire face au géant Portugais. Mental revient sur cette soirée extraordinaire.
Première victoire : un Stade comble.
Avant de savoir comment gagner cette rencontre, la réelle question était bien de savoir dans quel contexte celle-ci allait se dérouler. Alors que le choix d’aller de l’avant en termes de compétitions sportives majeures a été acté à travers l’Europe, la peur de jouer ce match de gala dans un stade vide pour son inauguration était grande, au vu de l’absence de reprises de matchs avec public jusqu’au 1er mars. Avec le retour de spectateurs dans la plupart des grands championnats, et une baisse stable et concrète du nombre de résidents positifs au coronavirus, l’espoir revenait. Mais, avec l’apparition de la nouvelle souche de la COVID 19 provenant du Nicaragua et ayant un taux de contagion 225% plus élevée que la précédente version Turque, la présence de public était à nouveau sujette à spéculation jusqu’à une semaine avant la rencontre. Heureusement, la dernière batterie de tests montrant un taux quasi zéro de nouveaux patients avait permis au Ministre des Sports Dan Kersch, en accord avec le reste du gouvernement d’ouvrir les portes du nouveau Stade à l’ensemble de la population (moyennant un test PCR négatif de moins de 24 heures). Si l’interdiction de déplacement du Portugal pour venir assister au match aurait pu être un frein à l’ambiance, la formidable communauté lusophone du Luxembourg aura suffi à elle seule pour chauffer la température et offrir un préambule intense digne de l’importance de cette deuxième journée de qualification pour la Coupe d‘Europe des Nations. Dans une ambiance exceptionnelle et bon enfant, les 22 joueurs pouvaient faire leur apparition sur le terrain.
Un départ pied au plancher
Organisés dans un 4-3-3 hybride avec deux milieux défensifs pour contenir les assauts portugais, les joueurs luxembourgeois entrent sur le terrain dotés des meilleures intentions. Si dès le coup d’envoi le Portugal confisque le ballon et construit pour patiemment briser la ligne défensive mené par Gerson, la sélection demeure bien en place. Et se permet même quelques incursions offensives quand l’occasion semble se présenter. Sous un rythme assez mollasson, les portugais semblent sûrs – trop sûrs ? – de leurs forces et ne tentent pas d’accélérer violemment le rythme pour s’offrir le premier but de la rencontre. Seul un coup-franc de Cristiano Ronaldo, des suites d’un tacle mal maitrisé de Carlson – qui lui vaudra un carton jaune aux conséquences terribles – fera passer un frisson sur les joueurs et spectateurs. Mais dans l’ensemble, le constat est clair : le Luxembourg tient la dragée haute à leur adversaire d’un soir dans ce premier quart d’heure. Et l’on a encore rien vu…
On joue maintenant la 16e minute quand l’improbable exploit se met en place. Sur une de leurs rares incursions dans le camp adverse, les luxembourgeois grattent un corner à la suite d’un centré contré de Thill. Tiré tendu par ce dernier, ce coup de pied de coin aboutit sur la tête d’un Barreiro rageur qui catapulte la balle au fond des filets d’un Rui Patricio impuissant. CR7 aura beau remotiver ses troupes à coups de tapes rageuses, l’Histoire avec un grand H est en marche.
Surprenamment, ce but ne change que peu la dynamique de la rencontre. Continuant sur un rythme plutôt tranquille, le match se poursuit avec une domination maussade de lusitaniens peu inquiets. Une allure qui convient parfaitement aux pensionnaires du Nouveau Stade, qui se contentent de défendre avec solidarité et vigilance. Une situation qui a le don d’irriter grandement Fernando Santos, bouillonnant sur son banc de l’absence de réactions de ses joueurs. Malgré un cafouillage incertain que Pepe ne peut reprendre (39e) et une frappe de loin d’un CR7 plutôt discret, l’arbitre siffle la fin de cette première partie sous les exclamations d’un public qui commence vraiment à croire que ce soir pourrait être LE soir.
Une défense héroique…
Au retour de mi-temps, changement total de rythme avec une Seleçâo déterminée à retourner le score le plus rapidement possible. Bernardo Silva, bien muselé en première période commence à trouver son rythme et oriente le jeu à travers des passes en une touche ou autres changements d’ailes dévastateurs. Les dix premières minutes de la deuxième mi-temps laissent augurer le pire tant les vagues portugaises se succèdent, heureusement non récompensées dû à des petites erreurs techniques au moment de concrétiser. Alors qu’en première mi-temps, les Roud Léiwen arrivaient à mixer rigueur défensive et incursions dans le camp adverse, la donne change : incapables de se projeter vers l’avant, le onze sur le terrain subit sans un réel contrôle des faits de jeu. Pourtant, passés les dix premières minutes foudroyantes et deux belles frappes de Silva et Joao Felix (49e, 53e), l’intensité diminue un petit peu et permet à l’équipe hôte de souffler et retrouver un contrôle relatif du jeu. Moins dépassés, plus agressifs (quatre cartons jaunes en deuxième période), et rendant coup pour coup sous les acclamations d’un public jouant plus que jamais son rôle de douzième homme, les hommes de Holtz semblent gagner en confiance au fur et à mesure que les minutes avancent. Les coups de butoirs et attaques rapides des portugais se transforment petit à petit à nouveau en une domination stérile avec une incapacité à trouver le trou dans la défense. Le tout jusqu’à la 66è minute et ce deuxième carton jaune justifié pour Gerson, auteur d’une faute d’anti-jeu sur un Bruno Fernandes partant seul au but suite à une des rares belles ouvertures. Une exclusion qui galvanise les joueurs des deux équipes, plus motivés que jamais à d’un coté renverser la situation et de l’autre, maintenir le score. Pendant vingt minutes, l’attaque défense fait rage et la défense du Grand-Duché peut s’estimer heureuse de voir les tentatives de CR7 (68e, 79e) et Danilo Pereiro (76e) échouer de peu à coté. Une réussite au même niveau que la performance XXL d’Anthony Moris, qui sur deux horizontales aussi spectaculaires qu’efficaces permettra encore et toujours de conserver la cage inviolée.
… avant le coup de grâce
Alors que les offensives et actions chaudes se répètent avec une intensité et menace grandissante, et que le gardien multiplie les parades de grande classe, notamment sur une tête rageuse de Cristiano Ronaldo à la 82e, l’apogée de ce conte de fées arrive à l’entame du temps additionnel. D’une relance toute en assurance à la suite d’un tacle héroïque, Jans lance sur le coté gauche Florian Bohnert. Ce dernier, encore frais malgré un pressing défensif incessant, profite des nombreux espaces laissés par une Seleçâo ultra offensive pour s’offrir une course de 40 mètres avant de décaler somptueusement Vincent Thil. Alors que tout le stade et la défense adverse s’attend à une frappe du milieu de terrain, Thil surprend tout son monde en glissant un ballon parfait dans les pieds de Sinani qui, sans contrôle, reprend le ballon et marque le but de la délivrance dans un stade qui explose. 2-0 à la 91e, la messe est dite, et l’arbitre sifflera la fin de la rencontre 120 secondes plus tard. Le onze déjà ancré dans l’histoire du pays ainsi que le banc exultent dans un brouhaha dantesque. Si certains célèbrent en courant des sprints qui pourraient faire de l’ombre à Usain Bolt, d’autres restent incrédules, comme si cet exploit qui était le leur, crée par leur sueur et détermination n’était pas réel. Enfin, un dernier groupe commence déjà la longue communion avec le public qui ne quittera les gradins que quarante minutes après la fin du match… Avec quatre points en deux rencontres et la tête du classement, nos lions rouges peuvent assurément se mettre à rêver à une très, très belle campagne de qualification.
Le dab de son altesse royale le Grand Duc Henri :
Si cette rencontre aura fourni son lot d’images magiques qui resteront dans la mémoire collective de la population, aucune ne sera assurément plus forte que celle de son Altesse Royale effectuant un « dab » dans la frénésie collective. Alors que Sinani marquait le but de la délivrance et faisait chavirer dans la folie tout un pays, le Grand Duc se levait, grand sourire aux lèvres et se fendait d’un « dab » mythique. Indubitablement l’image de cette rencontre qui, à elle seule, résume l’euphorie collective qui règne depuis hier au Luxembourg. 2021 semble enfin disposé à nous faire oublier le cauchemar de 2020. Il était temps.
Tendai Michot.
Mental Médias SARL
15 Rue Emile Mark
L-4620 Differdange LUXEMBOURG
m : moien@mental.lu