Cigarette au bec et voix caverneuse, Jim Krier est un personnage peu commun. Par un après-midi bien pluvieux, il nous a reçu afin d’évoquer sa passion dévorante, et qui après une quarantaine d’années occupe une grande place dans sa vie, tout aussi bien au niveau sentimental qu’en mètres carrés… Et si un mot pouvait résumer la personnalité de cet instituteur à la retraite, ce serait authentique, à l’instar de ses voitures.
Sa collection qui compte désormais une soixantaine de modèles, s’étale des années 50 jusque la fin des années 80, avec un attrait pour les belles mécaniques notamment allemandes et britanniques: « Je n’ai pas que des voitures qu’on peut utiliser, certaines servent pour des pièces, comme celle que j’ai acheté une Jaguar il y a pas moins de deux heures. Je n’ai pas internet mais j’arrive à me débrouiller» lâche le sexagénaire. Et en effet les nouvelles technologies et Jim Krier ne font pas bon ménage. La transition numérique, très peu pour lui: «Je suis depuis le début contre les ordinateurs et internet, pour moi c’est la fin du monde ! ».
Bien avant l’ère du numérique, Jim Krier a hérité de la passion de son grand-père pour les belles mécaniques: « Il m’avait toujours dit, quand tu auras 18 ans je vais t’offrir une Rolls Royce, ce qui à l’époque était le summum en matière d’automobile. Malheureusement, il n’a pas vécu jusqu’à ce que je fête mes 18 ans il est mort avant. La passion vient de lui, et je me souviens déjà tout petit lorsque je me promenais avec ma grand-mère, j’aimais sentir l’huile et l’essence des voitures, et cela me fascinait ! Celles qui me plaisaient le plus je ne sais pas pourquoi mais c’était les Opel. J’ai appris à lire à l’âge de 4 ans grâce aux voitures qui m’ont quasiment appris l’alphabet ! ».
Un hobby dévorant
Désormais à la retraite, ce qui était un hobby dévorant est dorénavant son quotidien. Il faut dire qu’une telle accumulation de véhicules étalée sur quatre décennies demande du temps et de l’énergie. Mais pourquoi autant? « C’est une bonne question, je ne sais pas. C’est comme pour toute collection, il y a ceux qui collectionnent les timbres, les bouteilles, les Schtroumpfs… C’est un peu comme une chasse, une aventure». Une véritable chasse aux trésors, qui l’a emmené en Allemagne, en Belgique, au Royaume-Uni et ailleurs, afin de trouver la perle rare. «Mais maintenant que je n’ai plus de place j’achète moins qu’avant » concède-t-il.
Sa première voiture? « C’était une Opel Kadett, la seule Opel que j’ai eu dans ma vie. Et je l’ai cassé en rentrant dans un mur avec parce que j’avais des «emmerdes» avec ma copine. J’étais furieux ». Mais le véhicule qui a lancé sa collection, c’est l’incontournable Coccinelle, dont il possède plusieurs exemplaires aujourd’hui. Au niveau technique, le coeur de Jim Krier balance fortement pour un certain type de motorisation, un choix logique quand on sait le puriste qu’il est : « J’aime les moteurs refroidis à air, donc en conclusion j’ai une préférence pour les Volkswagen et les Porsche refroidies à air. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai cette préférence. Ce moteur m’a toujours fasciné même si j’ai aussi des voitures dont le moteur est refroidi à eau ».
Attiré par les Anglaises et les Allemandes, Jim Krier a une admiration toute particulière pour le travail réalisé par la firme allemande Ruf, il possède d’ailleurs un exemplaire unique de la mythique Yellow Bird : « Tout les jeunes connaissent Ruf maintenant grâce au jeu vidéo Gran Turismo, avant il n’y avait que les vieux comme moi qui connaissaient. C’est bien plus qu’une voiture, il y a un feeling derrière tout ça ».
La caverne d’Ali Baba
Autre sujet forcément sur la table au moment où le prix du carburant flambe même au Luxembourg, l’avenir de l’automobile, qu’il ne considère pas être dans l’électrique: « C’est une folie, un crime contre l’écologie la voiture électrique. Je suis absolument contre ça, c’est horrible. Il n’y a pas de solution miracle à l’heure actuelle, l’hydrogène ce n’est pas bon non plus. Pour moi une solution intéressante réside au niveau des carburants synthétiques, le e-fuel. Ça peut être une voie pour les prochaines décennies et après on verra ». Selon lui, il est beaucoup plus difficile de nos jours d’être automobiliste que lors des décennies précédentes: « On met de plus en plus de barrières et de règles partout. L’augmentation du carburant c’est quelque chose qui est partie pour durer, le prix de l’électricité grimpe lui aussi… » regrette Jim Krier.
Mais assez discuté, il est l’heure pour Jim Krier de nous ouvrir les portes de sa caverne d’Ali Baba. Une rangée de voiture à gauche, une autre à droite, une autre au milieu… On ne sait plus ou donner de la tête ! Mais pour commencer ce passage en revue des principales pièces, notre regard s’arrête sur un curieux coupé rouge… Il s’agit d’une Volkswagen SP2, une voiture inconnue sous nos latitudes car destinée uniquement au marché brésilien dans les années 70: « Cette voiture je l’ai chinée à Liège en 2012, elle appartenait au fondateur d’une marque de buggy en Belgique » raconte Jim Krier, intarissable lorsque il s’agit de raconter la petite histoire qui se cache parfois derrière la grande.
La grande histoire, comme avec cette Jaguar qu’il détient et qui a servi autrefois dans les activités d’une compagnie de taxis luxembourgeoise, et qui a transporté une certaine Margaret Thatcher lors de ses différentes visites diplomatiques au Grand-Duché: « Quand elle venait, elle exigeait toujours cette voiture comme elle était unique au Luxembourg ». Autre véhicule historique notable que l’on retrouve dans la collection de Jim Krier, mais beaucoup moins prestigieuse, la Trabant. La voiture officielle du régime est-allemand et qu’il prête gracieusement à l’occasion d’événements culturels.
Une voiture fabriquée à Niederkorn!
Au milieu des Porsche, des MG, dont une avec laquelle il prend part à certains rallyes historiques, et des Jaguar, on retrouve un autre emblème majeur de l’automobile anglaise qui trône ici, une Rolls-Royce, avec sa calandre toujours impressionnante et surmontée du non moins fameux Spirit of Ecstasy… Finalement c’est longtemps après qu’il a pu réaliser lui-même la promesse faite par son grand-père alors qu’il était enfant. Le modèle en question est une des dernières Silver Cloud produite par la prestigieuse firme du Derbyshire. Un des 2044 exemplaires de la troisième version de cette icône automobile, dont la carrière s’est arrêtée en 1966. Autre curiosité so British, le désormais mondialement connu taxi londonien, qui a appartenu à sa mère, elle aussi férue d’automobile.
On retrouve également dans ce petit paradis automobile un curieux véhicule Volkswagen de la poste allemande, à côté d’un étrange petit buggy. Un véhicule dessiné et construit à… Niederkorn par un des ses cousins du côté maternel comme nous l’apprend Jim Krier. Comme quoi le Luxembourg a lui aussi ses curiosités automobiles made in Lëtzebuerg. On pourrait ainsi continuer pendant plusieurs heures et disserter sur les caractéristiques des automobiles de Jim Krier, tellement sa passion est contagieuse. En tout cas si les collectionneurs de véhicules anciens sont nombreux au Luxembourg, tous n’ont pas l’envie de partager leurs connaissances et de nous ouvrir leurs portes à bras ouvert comme l’a fait Jim Krier. Au-delà de son patrimoine exceptionnel, les histoires humaines que renferme l’automobile sont tout aussi précieuses. Opérer le relais entre les générations et perpétuer un savoir-faire à travers les époques, c’est la prouesse que parviennent à réaliser les voitures qui grâce à des passionnés comme Jim Krier arrivent tant bien que mal à lutter contre le temps qui passe.
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