Joueurs professionnels : véritable locomotive ou frein à la progression du championnat luxembourgeois ?

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Basket
Les joueurs américains sont ils bénéfiques ou non ? © Albert Krier

Longtemps considéré comme une petite nation de sport, le Luxembourg tend de plus en plus à retirer cette étiquette qui lui colle à la peau. Évidemment, du fait de son statut de sport numéro un au Luxembourg – comme dans de nombreux pays – le football joue un rôle majeur en ce sens, avec une sélection nationale qui réalise de plus en plus de bons résultats et qui ne peut désormais plus être considérée comme une petite nation sur l’échiquier européen.

Mais derrière cette locomotive universelle qu’est le football, le basket n’est pas en reste au Grand-Duché, en témoignent bon nombre de performances qui ne doivent plus être passées sous silence et qui mettent surtout en avant une chose : celles des sélections nationales luxembourgeoises ne cessent de s’améliorer. Ces performances pourraient laisser penser que tout va bien dans le meilleur des mondes pour le Grand-Duché et qu’elles sont le fruit d’une formation luxembourgeoise toujours plus performante. C’est en partie vrai. Cependant, ces belles prestations tendent à masquer une situation qui devient de plus en plus problématique et un sujet qui est sur toutes les lèvres des acteurs du basket luxembourgeois : comment réussir à améliorer le niveau de la Luxembourg Basketball League (LBBL) ? 

La situation du basket luxembourgeois 

En effet, si les joueurs formés présentent un niveau de plus en plus proche de ce qui peut se faire dans l’élite du basket européen, les meilleurs d’entre eux vont, dès lors que leur niveau le leur permet, être amenés à tenter des expériences à l’étranger. Car le basket de club luxembourgeois n’est toujours pas professionnel, et c’est bien là que le bât blesse. Le Luxembourg a réussi une partie de sa mission, à savoir offrir de bonnes structures pour que les joueurs luxembourgeois puissent être de mieux en mieux formés, mais cette fuite de certains des meilleurs talents est corrélée au fait que les clubs locaux ne peuvent offrir un cadre professionnel aux meilleurs jeunes du pays, qui vont souvent devoir partir à l’étranger s’ils veulent continuer leur progression. Cependant, certains jeunes prometteurs restent pour évoluer dans le championnat local, car le niveau demeure plus que correct. Ainsi, lors des dernières saisons, et avec la retraite de quelques légendes du championnat luxembourgeois telles que Franck Siebenbour, Nelson Delgado, Tom Schumacher ou encore Pit Biever, et le départ à l’étranger de certains autres joueurs référencés du championnat comme Ivan Delgado ou Alex Laurent, les jeunes joueurs luxembourgeois réussissent à se frayer un chemin, et nombreux sont les joueurs locaux capables d’avoir une place importante dans la rotation de leur équipe et à prétendre pouvoir jouer une vingtaine de minutes par rencontre. De plus, les clubs luxembourgeois ont la possibilité d’intégrer jusqu’à trois professionnels (très souvent d’origine américaine) dans leur équipe. Ces ajouts sont évidemment de grosses plus-values pour les clubs d’un point de vue purement sportif. Mais ils posent également quelques questions et amènent des débats entre les principaux acteurs du basket luxembourgeois. 

Ouvrir davantage aux pros : la sempiternelle question

En effet, le microcosme du basket grand-ducal se demande s’il ne faudrait pas standardiser ce quota des trois professionnels par équipe car pour le moment, certaines équipes choisissent de n’évoluer qu’avec deux professionnels dans leur effectif tandis que d’autres font le choix d’en avoir trois. 

Certains sont plutôt contre, comme Michel Reiland (membre de la FLBB) qui affirmait à l’époque : « Si cela ne tenait qu’à moi, je ne toucherais plus jamais à cette limitation à deux pros ! Parce que chaque club a ses intérêts et chaque année, les intérêts changent. » 

D’autres sont d’avis de dire que cela dépend de la situation des clubs et de la direction que la fédération veut prendre, comme Alexis Kreps (ex-coach Walferdange) : « Il y a deux manières de voir les choses. Si vous regardez les femmes avec Gréngewald et Dudelange qui vont jouer l’EuroCup, alors je pense qu’avoir trois pros est une très bonne chose, et c’est important de garder cette idée dans la ligue selon moi, si l’objectif de la fédération est de continuer à avoir des clubs en Coupe d’Europe, mais s’ils préfèrent rester à une échelle plus locale, alors il vaut mieux revenir à deux joueurs pros par équipe. » 

Enfin, certains semblent favorables à l’instauration d’un plus grand nombre de professionnels dans les effectifs et appellent à un peu plus de libertés de ce point de vue, à l’image de Franck Mériguet (coach Basket Esch) : « Je ne serais pas contre autoriser trois étrangers professionnels, officiellement. Certains disent “on va tuer le basket luxembourgeois en faisant ça”, alors que pour moi, si tu amènes trois professionnels dans un club, ça veut dire que tu as trois mecs de haut niveau à l’entraînement. Et là, les Luxembourgeois à fort potentiel vont progresser plus vite. » Certains vont même plus loin, comme Étienne Louvrier (coach Amicale Steesel) : « Ce système est archaïque, il faut s’ouvrir et respecter la même règle européenne que les autres pays : six joueurs européens et six non européens. Il y a les moyens au Luxembourg pour professionnaliser davantage ce championnat. » 

Effectivement, une partie du débat se situe bien là : autoriser plus de joueurs professionnels ne va-t-il pas limiter le temps de jeu des joueurs luxembourgeois et ainsi freiner leur progression ? 

Étienne Louvrier ne voit pas les choses de cette façon : « Plus il y aura de pros, et plus les Luxembourgeois progresseront en évoluant à leurs côtés, c’est une évidence ! En face, il y a cet argument de fatalité de dire qu’ils ne joueront pas si l’on ouvre aux pros. S’ils élèvent leur niveau de jeu, ils joueront. » 

Pour d’autres, le temps est plutôt au compromis, comme l’explique Marcel Wagner (président T71 Dudelange) : « L’idée pourrait être de dire aux clubs “vous pouvez prendre quatre professionnels dans votre cadre si vous voulez, mais il n’y en a que deux qui peuvent être en même temps sur le parquet.” Cela pourrait-être un bon compromis. » 

Comment faire progresser les joueurs luxembourgeois ?

Malgré tous ces arguments complètement audibles, le fond du problème ne semble pas seulement reposer sur l’unique facteur « joueurs professionnels » dans les effectifs. En effet, les joueurs luxembourgeois entrent également dans l’équation et là, le problème est différent. Car si pour Frédéric Gutenkauf (joueur Ettelbruck) « c’est sûr qu’avoir trois joueurs professionnels à l’entraînement, ça aide forcément à progresser », le fossé existant entre les joueurs luxembourgeois et professionnels ne peut être comblé en l’état, puisque « c’est surtout dépendant des joueurs luxembourgeois et du temps qu’ils ont pour s’entraîner, car en moyenne un joueur luxembourgeois va pouvoir s’entraîner 4 à 5 fois par semaine alors que les professionnels, c’est minimum 8 à 9 fois par semaine et c’est leur métier, donc ils ne font que ça et n’ont pas forcément les contraintes que les joueurs luxembourgeois peuvent avoir avec l’autre métier qu’ils ont à côté. Donc, c’est surtout une question de temps que tu alloues au basket. » Mais le joueur d’Ettelbruck est bien conscient que la situation est complexe et que la FLBB fait son possible pour améliorer le niveau des joueurs luxembourgeois sur le long terme : « Je pense que la fédération fait déjà un très bon travail avec les jeunes joueurs qu’elle a, notamment avec l’école du sport. Après, cela dépend si le joueur va continuer ses études plutôt que le sport, ce qui arrive assez souvent au Luxembourg. Mais je pense que pour continuer à faire progresser les joueurs luxembourgeois, il faut continuer à mettre des moyens sur l’encadrement et combiner l’école avec le sport, ou même le boulot avec le sport. Pour l’instant c’est encore un peu compliqué, mais le ministère tente de faire bouger les choses de ce point de vue, pour essayer de progresser encore, car le basket se professionnalise de plus en plus au Luxembourg, et c’est une très bonne chose. » 

Même son de cloche chez Alexis Kreps, qui va même plus loin en essayant de trouver une solution à une situation finalement bien complexe : « Ce que je pense, c’est que l’argent compte dans l’équation. Je pense qu’il faudrait peut-être commencer à payer les joueurs locaux, comme ça ils pourraient évidemment passer plus de temps à s’entraîner et moins à travailler à côté, et la progression viendrait assez naturellement. Forcément, c’est difficile, voire impossible, de s’entraîner autant que des joueurs professionnels dont c’est le métier. Donc je pense que payer les joueurs locaux serait une bonne idée, mais la question est : d’où cet argent viendrait-il ? » 

Malgré toutes ces interrogations, il est important de rappeler qu’un plus grand nombre de professionnels dans l’effectif n’est pas forcément gage de réussite, comme le rappelle Frédéric Gutenkauf : « Ce n’est pas parce que tu as trois joueurs étrangers que tu vas forcément mieux performer, je pense par exemple à Contern qui avait trois professionnels la saison passée, mais qui avait fini 8e durant la saison et avait été rapidement éliminé en playoffs. »

Peut-être est-ce déjà un signe que le basket luxembourgeois et ses joueurs locaux ne sont, quoiqu’il arrive, plus si loin du niveau professionnel ? 

Boris Saint-Jalmes

 

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