Martin Luther King Day en NBA : jour de sport et revendications.

Ce soir débute le Martin Luther King Day en NBA : une journée de marathon de matchs et évènements extra-sportifs. Un symbole parfait de l'ancrage contestataire de cette Ligue pas comme les autres.

Si l’année 2020 a officiellement été adoubé du titre « d’annus horribilis » des suites de douze mois dans lesquelles les mauvaises nouvelles semblaient se succéder avec fracas, il parait parfois dur -voire impossible – de trouver quelque chose de positif à tirer de ces 365 jours épuisants. Pourtant, dans le chaos, la radicalisation et la polarisation de la société, quelques évènements se doivent d’être notés dans la catégorie d’évolution positive.
En effet, lors des derniers mois, un changement semble avoir commencé à s’opérer dans le monde du sport avec un intérêt et un positionnement de plus en plus prononcé sur les actualités politiques d’à travers le monde. Pour la première fois depuis longtemps, dans un univers généralement aseptisé et rodé aux déclarations langue de bois et tristement lisses, une cassure semble s’être opéré avec l’élévation de voix ou actions critiquant des évènements majeurs.

Evidemment, l’exemple le plus évident à retenir est bien la réponse du monde du sport au racisme systémique de la police américaine face à la population afro-américaine. Dans une réponse dépassant un simple sport ou pays, un mouvement contestataire s’est mis en place, du football à la Formule 1, du tennis à la NBA, souvent symbolisé par la pose d’un genou à terre et d’un poing levé vers le ciel. Entre solidarité sur les réseaux sociaux, maillots ou tenues modifiés pour dénoncer des injustices de longue date, le sport, pour la première fois dans l’histoire moderne s’est uni pour, dans des mouvements à l’impact médiatique évident, s’associer aux protestations massives dans le monde.

Plus surprenant, on a pu aussi constater des initiatives plus individuelles avec des personnalités du sport monter au créneau d’eux mêmes pour dénoncer des situations intolérables à leurs yeux. Ce fut le cas du français Antoine Griezmann qui, plus que simplement annuler son contrat de partenariat avec le géant chinois Huawei a sans pincettes dénoncé sur les réseaux sociaux le système de reconnaissance faciale de l’application dans le but de repérer la population Ouighours, soumise à un régime dictatorial du gouvernement chinois depuis maintenant des années.

On a aussi pu voir ces derniers mois Marcus Rashford devenir le porte parole de la lutte contre la pauvreté infantile et – chose rare – gagner son match contre le gouvernement anglais avec l’instauration de repas gratuits pour les enfants de famille en précarité durant l’été. Des prises de paroles remarquées (d’autres joueurs ayant aussi poussé des coups de gueules sur des situations ponctuelles) qui semblent parfaitement représenter un changement dans la relation entre le sport et les faits divers ou angles politiques. Conscients de leurs voix mais surtout de leur auditoire énorme, de nombreuses personnalités du sport ont dorénavant décidé d’utiliser leur notoriété pour essayer d’influencer leurs fans à marcher dans leurs pas et lutter contre des situations jugés intolérables.

Une approche médiatique nouvelle qui aura sûrement eu pour pionnier le quarterback Colin Kaepernick, premier athlète de NFL à poser un genou à terre lors de l’hymne national. Depuis, ces initiatives individuelles se sont démocratisés dans une multitude de sports, de Lewis Hamilton à Kylian Mbappé, en passant par Lebron James en NBA.

La NBA, historiquement contestataire.

La NBA, justement. Figure d’exception dans un sport parfois trop nombriliste, la Ligue a depuis toujours joué son rôle de revendicateur de réforme sociale. De sa lutte pour une égalité salariale entre ses athlètes noirs et blancs, au boycott récent de rencontres en soutien au mouvement Black Lives Matters, la NBA a toujours été une plateforme de contestation et réparation d’injustices.

Une prise de position et revendication qui n’est jamais mieux symbolisé que par le Martin Luther King Day qui a lieu aujourd’hui. Une journée ou marathon de matchs, actions solidaires et revendications sociales s’imbriquent l’un dans l’autre pour faire de ce troisième lundi du mois de janvier une journée clé dans le championnat, sur et en dehors du parquet. Instauré en 1986 en honneur du révérend assassiné en 1968, le Martin Luther King Day a réussi depuis plus de trente ans à mixer show à l’américaine et actions sociales dans le plus pur style américain.

Entre affiches exceptionnelles et hommages à l’un des plus célèbres afro-américain du monde, MLK Day se démarque de tout autre sport par son caractère unique et revendicateur d’une Ligue historiquement chargée. De ses débuts aux années 80, la Ligue a en effet été représenté par des athlètes n’hésitant pas à utiliser la plateforme sportive pour délivrer des messages sans concession. Au même titre que Mohamed Ali refusant d’aller au Vietnam, Bill Russell sera assurément une des voix les plus actives dans les décennies 60-70.

Admiratif de Martin Luther King, il n’hésitera pas, dans un sport culturellement revendiqué par les noirs (à l’opposé du baseball, du hockey ou de la NFL) à user de sa notoriété pour essayer d’avancer le mouvement social. Le lendemain de la mort du révérend, il sera l’un des rares joueurs à refuser de jouer ce qui s’apparenterait aujourd’hui au premier match d’une finale de conférence est. Un refus sans effet puisque le match sera finalement joué, dans une ambiance moribonde sur le terrain ou les joueurs ne montreront ni rage ni envie de remporter la rencontre. Un échec pour Russell qui, conscient des failles dans le système demeure reconnaissant :"Je ne dis pas que cette ligue est parfaite.

Mais elle est celle qui a fait le plus de progrès. Celle où le pourcentage d'Afro-Américains est le plus grand. Celle où les joueurs noirs sont mieux payés qu'ailleurs pour ce qu'ils savent faire » disait il en 2011. Ces deux décennies tumultueuses seront la clef de voute de l’identité en construction de la NBA. Recrutant massivement dans les universités, la radicalisation des campus universitaires contribuera au façonnement de joueurs aux convictions idéologiques ancrés et rodés dans l’art de la mobilisation.

A l’image de Kareem Abdul-Jabbar, leader du mouvement de boycott des JO de Mexico 68 ou Bill Walton, arrêté en 1972 à une manifestation anti guerre du Vietnam. Dotée de joueurs ayant crée des syndicats et prompts à une sensibilisation plus accrue sur les enjeux sociaux, la NBA encourage ce mouvement qui leur permet de gagner en médiatisation, popularité et identité dissidente. Avec la diminution des Civil Rights Mouvements dès années 80 jusque 2000, les mouvements de contestations et figures de proues se feront bien moins actifs. Un changement parfaitement symbolisé par Michael Jordan dans les années 80 et 90.

Lorsque demandé pourquoi il n’apporte pas son soutien à un candidat démocrate au sénat, la première superstar planétaire du basket répondra sans gène « Parce que les républicains achètent aussi des baskets ». Une réponse qui confirme l’évolution du championnat dans une forme de business total dans laquelle les injustices sociales n’ont rien à faire la. Si la médiatisation et notoriété de la NBA n’a jamais cessé d’exploser depuis, ses athlètes stars ont semble t’il redécouvert au début des années 2010 la puissance de leurs voix et l’impact que leurs soutiens – ou silences – pouvaient avoir.

Un retour à la revendication qui s’explique notamment par l’explosion du mouvement BLM aux Etats-Unis. Les stars que sont Kobe Bryant, Lebron James (pourtant particulièrement discret au début de sa carrière) ou encore Stephen Curry n’hésitent dès lors plus à élever la voix, donner leur opinion ou créer des associations / écoles dans un but humanitaire. Un positionnement clair comme de l’eau de roche qui, avec l’élection de Donald Trump polarisera encore plus la population américaine et cimentera encore plus l’image de la NBA comme plus qu’un simple sport et bien une forme de contestation de l’autoritarisme et l’injustice sociale.

Bien que le Martin Luther King Day a lieu depuis maintenant plus de trente ans et ce chaque année, cette édition 2021 sera l’une des plus intéressantes à suivre. Si l’absence de public est évidemment un frein à l’exposition médiatique et les différentes activités qui ont normalement lieu, le contexte sanitaire, social et économique du pays font de cette journée une évidence pour la revendication sociale. Dans une Amérique plus divisée que jamais, étouffée par une crise sanitaire sans précédent et qui a encore la gueule de bois suite aux incidents du Capitole, il ne fait nul doute que les athlètes stars de la compétition ne laisseront pas passer cette opportunité de délivrer des messages qu’ils estiment vitaux dans la cicatrisation d’un état meurtri.

Si l’actualité sportive sera évidemment présente avec un bon nombre de rencontres passionnantes ( un remake de la finale Lakers – Golden State, le nouveau match de Harden avec les nets, ou encore), il parait aisé de parier que l’enjeu de cette journée historique sera ailleurs. Et on ne s’en plaint pas.

Le calendrier des matchs du soir :

Knicks – Magic

Hawks – Timberwolves

Heat – Pistons

Trail Blazers – Spurs

Grizzlies – Suns

Nets – Bucks

Raptors – Mavericks

Bulls – Rockets

Lakers – Warriors

Tendai Michot.

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