Quels sont tes objectifs cette saison ?
C’est une saison spéciale mais les objectifs restent identiques. J’aimerais bien briller sur le Tour de France, même si je ne vise pas le classement général. J’ai pour ambition de m’illustrer sur certaines étapes. Et bien sûr, après le Tour, il y aura le mois des classiques, où je veux aussi avoir mon mot à dire.
La saison revisitée de 2020 a repris le 1er août par les Strade Bianche. Quelles sont tes sensations depuis?
Les sensations sont plutôt bonnes. Sur les Strade Bianche, c’était un peu galère avec la chaleur alors je suis passé un peu à côté du sujet, mais la semaine suivante, j’ai bien pu aider Julian (Alaphilippe) à San Remo, où il a pris la deuxième place derrière Wout (Van Aert).
Parmi les grandes courses, tu ne participeras « qu’au » Tour de France ?
Oui, les délais entre les courses sont beaucoup trop serrés pour prétendre pouvoir participer à plusieurs grands tours. Il serait impossible de récupérer, tout simplement.
En tant que coureur cycliste professionnel, comment vis-tu cette saison revisitée, inédite et concentrée sur seulement trois mois alors qu’en temps normal elle s’étend sur neuf mois ?
Bien sûr, nous ne nous attendions pas du tout à ce que cette pause forcée dure autant de temps. Au début du confinement, qui signifiait l’arrêt du vélo, mon moral n’allait vraiment pas bien. J’étais en petite déprime. Surtout que j’arrivais en super forme pour les Flandres et Roubaix après un Paris-Nice sérieux de ma part (il a fini 15e du classement final de cette course, ndlr). Mais j’ai finalement vite accepté la situation et vu le côté positif, comme le fait de pouvoir passer du temps avec ma famille, ma copine. Ce sont des moments précieux auxquels je ne suis pas forcément habitué. Ils m’ont permis de me ressourcer mentalement.
Ça change quoi dans la prépa ?
À vrai dire, pas énormément de choses. Le seul truc qui a réellement changé, c’est que le Tour se dispute cette année avant les classiques. Nous nous entraînons donc différemment pour ces compétitions. C’est un cycle inversé. Après cette pause de courses, le but n’est pas d’avoir une forme optimale lors de nos stages. Il faut surtout être prêt le jour J.
Tu as été confiné au Luxembourg. Comment as-tu vécu ce confinement ?
J’ai effectué des entraînements de base, à savoir des sorties vélo de quatre à cinq heures quotidiennement avec un rythme oscillant entre 30 et 32km/h en moyenne. J’ai travaillé aussi ma force avec des exercices de musculation et de gym. Le but était vraiment de garder la forme, mais pas forcément de s’améliorer. Quant aux sorties en solo, j’aime beaucoup cela.
« J’ai pu me concentrer sur l’essentiel »
Le confinement a été propice à l’introspection pour certaines personnes. Qu’as-tu profité de faire pendant cette période que tu ne peux pas forcément faire d’habitude?
Je me suis tout simplement occupé de gérer la maison, le jardin et de traiter tout ce qui est paperasse administrative. Toutes ces choses-là, je n’ai jamais le temps de les faire en temps normal. J’en ai profité aussi pour être avec ma copine et les chiens. Et au niveau du sport, ce que j’ai fait à nouveau, c’est découvrir de nouveaux coins d’entraînement, notamment dans le nord du pays, près de Clervaux.
Comment se sont passées tes journées?
Elles étaient partagées entre le vélo, forcément, et la famille, les animaux. J’ai pu me concentrer sur l’essentiel et ça m’a réellement fait du bien.
Quel sera ton rôle pendant le Tour de France?
J’y vais pour gagner des étapes. J’essaierai d’aider au maximum mes coéquipiers dans la montagne quand je le pourrai, mais aussi Sam Bennett dans les étapes de plaine, lorsqu’elles se finiront logiquement par un sprint.
Cette année, le Tour semble être promis à un grimpeur?
Sauf énorme surprise, le parcours est clairement taillé pour un cycliste au petit gabarit qui a des facilités dans les longues ascensions. En tout cas, ça promet un grand spectacle !
Tu penses à un ou des favoris en particulier pour le maillot jaune?
Pour moi, je n’en vois qu’un. C’est Egan Bernal. Il est vraiment impressionnant en montagne. Il pèse 55 kilos, forcément ça fait la différence…
En parlant de poids, on t’a vu très affûté sur tes réseaux sociaux les dernières semaines. De quoi attendre de ta part des attaques dans les alpins ou pyrénéens?
Bien sûr, nous avons changé un peu l’entraînement par rapport au Tour de France. Et il est clair qu’on s’affûte beaucoup plus vite en altitude. J’essaie de ne pas faire les mêmes erreurs que j’ai pu faire par le passé, comme le fait de perdre trop de poids et donc de perdre inévitablement en punch. Je fais actuellement dans les 70 kilos et me sens bien avec ce poids.
En 2018, pour ton premier Tour de France, tu avais justement calé dans la montagne. Qu’as-tu appris de cette expérience?
Nous faisons tous des erreurs et nous veillons à ne plus les réitérer. En 2018, j’étais là pour le classement général. Cela ne correspondait pas forcément à mon caractère de course. Maintenant, j’arrive avec une vision ouverte. À cette époque, je n’étais peut-être pas arrivé assez frais et m’étais mis trop de pression. En tout cas, ce n’est pas avec les victoires qu’on apprend le mieux. Cet échec m’a beaucoup servi.
« AG2R La Mondiale m’a convaincu pour la suite »
Des rumeurs t’envoyaient chez Ineos, puis chez AG2R récemment. Qu’en est-il?
J’ai effectivement été en contact avec plusieurs équipes depuis le début de l’été. Et l’équipe d’AG2R La Mondiale s’est montrée la plus convaincante pour mon avenir. Nous aurons de solides ambitions avec l’arrivée en même temps que moi de Greg (Van Avermaet).
Le rôle de leader auquel tu aspirais est donc arrivé?
Bien sûr, si je pars ou ai tenté de renégocier mon contrat avec Deceuninck, c’est pour pouvoir tirer le maximum de mon potentiel sportif. La seule chose qui m’intéressait était de trouver un environnement où je peux tout avoir.
Quel a été ton sentiment par rapport au fait de faire des reconnaissances lors des mois d’été alors que tu aurais dû être en train de batailler « en vrai » sur ces mêmes étapes ?
Honnêtement, cela ne change pas grand-chose. Le corps s’en fout et ne fonctionne pas par rapport aux dates ou aux périodes. Qu’on le fasse en mars ou en juillet, c’est pareil. Ce sont seulement les conditions climatiques qui diffèrent un peu.
Après les trois semaines sur la Grande Boucle, tu observeras une pause pour la récupération, puis tu t’aligneras sur la course Liège-Bastogne-Liège, dans laquelle tu t’étais imposé de manière majestueuse en 2018… Cela te donne des idées?
Bien sûr, à chaque grande course à laquelle je vais participer, je vais y aller pour gagner. Si je peux inscrire mon nom au palmarès des différentes classiques, je ne m’en priverai pas.
Les classiques se disputeront cette année en octobre alors qu’elles se tiennent habituellement de fin mars à mi-avril. Cela change quoi pour toi?
Les seuls trucs qui peuvent changer, c’est la météo et certainement le niveau de forme. Car il ne faut pas oublier que j’aurai disputé le Tour de France avant. Cet enchaînement est inédit.
Ne redoutes-tu pas que le Covid vienne entacher l’ambiance sur les routes du Tour, mais aussi d’autres épreuves de cette « mini-saison »?
Honnêtement, ce n’est pas ma préoccupation principale. Je me concentre uniquement sur le fait de remonter sur mon vélo en compétition. C’est cela qui me fait vibrer le plus.
En temps normal, en août, ton compteur de vélo affiche combien de kilomètres ? Et à titre comparatif, il en compte combien cette année ?
Paradoxalement, il n’existe pas une grande différence entre cette année spéciale et les autres. Je suis actuellement autour des 18.000km, et normalement je suis vers 20.000-21.000km. Donc on peut noter un écart de 2.000-3.000 kilomètres grand maximum. En fait, la différence cette saison aura été plus dans le contenu d’entraînement, avec la pause du confinement.
Avant la pause forcée due à la pandémie mondiale de coronavirus, tu t’étais aligné sur quelques courses, dont le Tour de Colombie, mais en dernier lieu sur le Paris-Nice, où tu avais fini à une prometteuse 15e place au classement final. Comment juges-tu ton début de saison?
`Je pense que tout avait été excellemment planifié pour arriver en forme sur le Paris-Nice, où j’ai d’ailleurs montré de belles promesses. Je commençais à développer ma forme pour les grosses échéances qui suivaient, comme les classiques puis le Tour, qui ont été décalés depuis. Je suis convaincu que j’étais prêt pour faire de bonnes perfs. Maintenant, tout est à recommencer. Il ne sert à rien de me concentrer sur ce passé.
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