C’est un jeune homme détendu et avec de l’humour qui s’est livré à nous au téléphone, depuis l’Italie, à quelques du jour du printemps. À pas encore 20 ans (il les fêtera en novembre prochain), Brice Morabito n’est vraiment pas du genre langue de bois. Et contrairement à de nombreux autres pilotes qui ont débuté dans leur prime jeunesse, Brice s’est lui tourné vers la compétition automobile plutôt tard, à l’âge de 14 ans. « À 13 ans, mon père m’a emmené faire du karting, et au moment de conduire pour la première fois, c’est là qu’est née ma passion. Je fais quelques tours, et là, le propriétaire de la piste vient et nous dit que j’ai un talent. Du coup, il me propose de faire un essai sur un kart de compétition », se rappelle Brice. Et il ne s’est pas attardé en karting, avec un rapide passage vers des formules de monoplace.
Puisque c’est au sein de l’Autosport Academy, située au Mans, en France (aujourd’hui FFSA Academy), que le pilote d’origine italienne va ensuite fourbir ses armes. Une école créée en 1993 et qui prépare les jeunes talents au métier de pilote automobile.
Et des noms bien connus sont passés sur ses bancs, comme l’actuel pilote de Formule 1 Pierre Gasly, celui de Formule-E Jean-Éric Vergne, ou encore Charles Pic (39 GP en F1 de 2012 à 2013). C’est dans la Sarthe qu’il a fait ses débuts en championnat de France F4 : « À ce moment-là, c’était une bonne opportunité, comme on pouvait étudier tout en pilotant. J’ai fait un test face à d’autres pilotes, avec des champions de France, d’Europe… J’ai réussi à faire des bons temps et j’ai été accepté. » Le jeune ado à l’époque entame alors un nouveau chapitre de sa carrière de pilote, mais finalement l’expérience tourne court : « J’ai fait quelques mois là-bas, et puis on m’a proposé un contrat de 10 ans avec lequel je n’étais pas libre de choisir ce que je voulais faire comme compétition, et j’ai donc refusé. Je n’avais pas envie de mettre mon futur dans les mains d’autres personnes. »
Retour ensuite en Italie et au karting pour le pilote. Et c’est en catégorie KZ3, sous le suivi de Danilo Rossi (46 ans), quintuple champion du monde de la discipline, que le jeune Brice réapprend certaines bases du pilotage, et il s’illustre dès lors dans quelques courses en Italie : « Je voyais qu’il me manquait des bases quand même, je faisais tout à l’instinct, n’ayant pas commencé le kart à 6 ou 8 ans comme d’autres pilotes. J’ai roulé dans le championnat régional de la région de Lazio, et j’ai gagné ma première course ! Ensuite, j’ai fait troisième sur une course d’un niveau national. »
Podium au Mugello
Brice Morabito décide donc de revenir à la monoplace. Et à la fin de la saison 2018, c’est de nouveau au Mans, cette fois en V de V Challenge, qu’il prend le départ : « On m’a appelé pour faire les deux dernières courses afin de remplacer un pilote qui ne pouvait pas être présent. J’étais qualifié en troisième position sur la grille, mais j’ai eu un problème, je n’ai pas réussi à prendre le départ et le dernier m’a percuté… La voiture était détruite, ce n’était pas un bon moment, mais pour une première, se qualifier à la troisième place, ce n’était pas trop mal », raconte Brice, même s’il conserve un souvenir mi-figue mi-raisin de cette course.
En 2019, le championnat change d’appellation et devient l’Ultimate Cup Series. Et cette fois, Brice Morabito ne manque pas l’occasion de s’illustrer dès la première manche de la saison : « Lors de la première course au Portugal, je termine premier ! Et deuxième lors de la seconde course. Puis j’ai fait une quatrième place. » En tout, ce sont neuf courses qu’il disputera cette saison-là, terminant à la sixième place du championnat. En 2020, les plans initiaux de Brice Morabito sont perturbés par la pandémie et la crise sanitaire. « On pensait que tout allait bien, j’avais fait des essais en Formule Renault Eurocup, on avait trouvé une équipe, des sponsors… et puis le Covid est arrivé. Je me suis retrouvé dans une situation un peu nulle. »
Contraint de s’adapter aux circonstances, Brice trouve finalement refuge dans le championnat Drexler-Automotive Formula 3 Cup, série autrichienne de monoplace, qu’ont remportée à l’époque des futurs pensionnaires de la Formule 1, comme Karl Wendlinger en 1988 et Alexander Wurz en 1994. Une bonne école où Brice dispute deux courses, avec à la clé un podium au Mugello : « J’ai fait troisième sur la course 2 en raison d’une pénalité, et à Imola, j’ai encore terminé troisième, cette fois sur la première course du week-end.
Le Japon, partie remise?
En 2021, la crise sanitaire a également bouleversé les plans du jeune pilote luxembourgeois, comme il nous le confie : « On est en train de voir plusieurs pistes. On aimerait s’aligner en Euroformula Open, ce n’est pas la F3 internationale, mais c’est un championnat avec du haut niveau. » À l’origine, c’est pourtant loin de l’Europe que Brice avait envie d’user de la gomme, mais le Covid en a décidé autrement : « Au début, on voulait partir au Japon, mais là aussi le coronavirus a perturbé nos plans. L’objectif, c’était de faire de la F3 japonaise, puis la Super Formula… » Le Japanese Championship Super Formula étant en effet un championnat très coté, qui a joué le rôle de révélateur pour certains pilotes passés ensuite en F1, comme à l’époque les Japonais Kazuki Nakajima et Kamui Kobayashi, et même des Européens, comme le Français Pierre Gasly (vice-champion en 2017) ou le Belge Stoffel Vandoorne. Concernant un passage éventuel en F2, il ne se fait pas d’illusions en raison des coûts trop élevés que cela impliquerait.
Le jeune pilote évoque également ses origines familiales, entre le Luxembourg et l’Italie, mais aussi du côté de la Russie par sa mère. Brice se sent en tout cas pleinement Luxembourgeois, même si, de son propre aveu, il a encore des progrès à faire au niveau linguistique : « Je suis Luxembourgeois, mais je parle un luxembourgeois terrible (rires). » Vivre en Italie lui permet en tout cas de vivre pleinement sa passion pour les sports mécaniques, les opportunités de la pratiquer étant beaucoup plus nombreuses dans la péninsule : « C’est beaucoup plus pratique, toutes les écuries sont ici, et il y a plein de pistes internationales, le Mugello, Imola… »
Räikkönen et Clark pour idoles
Pourtant né au troisième millénaire, Brice Morabito a pour modèles des pilotes d’une autre génération que la sienne : « Mes idoles sont Kimi Räikkönen, Jim Clark et Sébastien Loeb. J’ai toujours aimé sa personnalité, à Loeb. Comme Räikkönen, il n’a pas besoin de beaucoup s’exprimer pour qu’on le comprenne. Et malgré son âge, Räikkönen réussit encore de super trucs, comme lors du départ du dernier GP du Portugal, ce qu’il a fait c’est une véritable œuvre d’art. » Il est vrai que ce n’est pas permis à tous les pilotes de gagner 10 positions en un seul tour au départ, d’autant plus à l’âge de 41 ans ! « Au niveau des pilotes de la nouvelle génération, je dirais plus Verstappen. Même si je n’aime pas son caractère en dehors de la piste, j’aime quand il conduit. »
Pour s’améliorer et devenir un pilote complet, Brice Morabito sait sur quels aspects il doit encore travailler afin de progresser : « Au niveau de mes qualités, je dirais que je suis instinctif. Quand je suis dans la voiture, j’oublie tout le reste. C’est comme une libération. En revanche, je travaille beaucoup l’aspect mental. Je ne veux pas faire d’erreurs, je suis perfectionniste. Mais ça se joue énormément au mental. » Et au moment d’évoquer avec lui son circuit préféré, le Grand-Ducal joue aussi la carte de la nostalgie : « Mon circuit préféré, c’est Estoril, et en plus Senna a gagné son premier GP en Formule 1 là-bas. Le fait de savoir qu’il a lui aussi roulé sur ce circuit à son époque, ça me donne des frissons. » Passionné et amoureux de sports mécaniques, Brice Morabito possède également une personnalité attachante, et est prêt à relever de nouveaux défis, tout en gardant les pieds sur terre. On suivra ses prochains challenges avec curiosité…
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