Nouvelle-Zélande : dans un des plus beaux pays du monde, le sport a, comme partout à travers le globe, une importance réelle. Parmi les nombreuses disciplines praticables, c’est évidemment le rugby, passion de tout un peuple, qui domine. Et au ballon ovale, les stars ne manquent pas. Offrant au pays une notoriété mondiale à travers performances de haut vol et titres à la pelle, ses représentants sont le nec du nec de cette nation d’Océanie. Jonah Lomu, Dan Carter, Richie McCaw font indubitablement partie des plus grands noms. Pourtant, au début des années 2000 aucun de ces athlètes ne trône en haut du classement des sportifs les mieux payés du pays. Qui donc siège tout en haut de ce classement ? Steve Williams. Profession ? Caddie.
Si dix années de partenariat avec un Tiger Woods au sommet de sa forme expliquent en certains points les énormes cachets encaissés par le « sportif » néo-zélandais, Williams n’était pas une exception dans le monde du golf. D’autres caddies, au fil des années, ont aussi empoché des sommes faramineuses pour leur travail habituellement assez méconnu. Et, avec généralement 10% des gains du joueur épaulé, dans un sport dans lequel les prize-pool explosent vite, il va sans dire que ce métier peut très vite devenir extrêmement lucratif. Mais les grosses sommes d’argent dans cette discipline ne peuvent tout expliquer. Après tout, est-il réellement justifiable de demander un dixième des gains d’un athlète en ayant pour seule tâche de porter un sac de clubs ? Non.
Alors, pourquoi une telle paye ? Et bien, tout simplement car, au-delà de l’idée reçue de simple porteur de sac et clubs, le caddie est en réalité un atout indispensable dans l’apanage du joueur de golf. Et ses qualités, aussi diverses qu’utiles font de cette profession un apport inestimable pour le golfeur, comme le confirment bien nombre des professionnels, à l’image de Luke Donald : « Si je pensais que mon caddie ne faisait que porter mes bagages, je ne le paierai pas presque autant que je le suis ». Alors, quelles sont donc ces fameuses responsabilités qui justifient de tels émoluments ?
Un conseiller avisé
Plus qu’un simple accompagnateur, le caddie est tout simplement le premier relais de discussion et stratégie du golfeur. Livré à lui-même, ce dernier n’a en effet pour réel soutien que ce fameux co-pilote. En termes d’analyse du parcours, l’athlète en compétition doit pouvoir à tout moment compter sur les capacités aiguës de son partenaire. De la mesure des distances (n’utilisant rien d’autre que sa vue et expérience pour cela), au repérage des zones à éviter, en passant par l’analyse poussée des conditions atmosphériques, il ne se joue pas un coup sans que son utilité ne soit applicable. Se rajoute à cela un grand nombre de fonctions essentielles : pêle-mêle, le caddie se doit de ratisser la zone de sable, replacer les divots, s’occuper du drapeau sur le green, et bien d’autres. Il doit aussi s’improviser météorologue (même si les avancées technologiques de ces dernières années ont diminué l’importance de ces connaissances) pour anticiper l’influence du vent et de la météo sur le jeu. Un rôle non négligeable quand on comprend à quel point un coup est influencé par des données qui dépassent le simple swing. Et, au-delà de ces facteurs, certains autres aspects, qui peuvent sembler presque trop poussés sont aussi scrupuleusement disséqués par cet homme à tout faire : la hauteur de tonte du green, qui peut fortement influencer sur la vitesse du putter (aussi appelé la roule) est en effet décortiquée au peigne fin par le caddie qui offre ensuite ses conseils. Et nous n’abordons pas ici l’importance de la pente, facteur clé au moment de chercher le coup parfait, qui sera elle aussi analysée. Ainsi, une observation réussie et correctement relayée au golfeur peut faire la différence entre un putt réussi et raté, et donc le bilan final à la fin des dix-huit trous. Au-delà des responsabilités évidentes et assez sommaires de rangement, maintenance et autres attentions portées envers le matériel utilisé, le caddie semble donc être, en bien des points, le co-pilote du golfeur. En bref, il parait être d’une utilité primordiale, déjà pour délester un athlète fort concentré des tâches les plus basiques, mais bien aussi sur le plan technique. Mais ce n’est pas là que s’arrête le domaine de compétence de ce professionnel méconnu.
Un rôle de psychologue
Tout sport comporte une part non négligeable de mental pour atteindre la victoire. Il est légitimement connu qu’au même titre que les aptitudes techniques, physiques ou autres, un état d’esprit solide est un facteur indispensable dans la quête de la réussite. Un constat encore plus visible lorsqu’on se focalise sur les sports individuels. Et, parmi ceux-ci, aucun ne semble plus influencé par cette composante que le golf. Une des citations les plus connues sur cette discipline est celle, répétée, recyclée, et encadrée de Jack Nicklaus : « Le golf est 90 % mental et 10% physique ». Dans une discipline dans laquelle la bonne tenue psychologique est primordiale pour atteindre les sommets et jouer son « A-game », c’est aussi au caddie qu’incombe la responsabilité de jauger l’état de « son » golfeur. Comme le déclare Jérôme Blais, « Le caddie joue aussi un rôle de coach mental. Il doit bien connaître son joueur et bien lire son langage corporel afin de pouvoir intervenir, au moment opportun, pour soutenir mentalement son joueur. Comme le golf est en grande partie un sport d’émotion, le caddie doit garder son golfeur bien concentré. Quand tout va bien le travail est assez simple, mais quand le joueur connait une séquence plus difficile, c’est là que le rôle du caddie peut faire d’autant plus la différence. » C’est ainsi donc, en particulier dans les périodes difficiles que le rôle de co-pilote prend alors le plus d’importance. Un constat logique puisque, comme tout bon professionnel préparé, la plupart des golfeurs savent pertinemment quel coup à faire et comment le mettre en place. Mais, l’humain étant rempli de failles, il est commun – et normal – d’être parasité par des pensées incessantes, fussent-elles à cause d’un mauvais départ, une vie privée compliquée ou tout simplement la peur de gagner. Alors, plus que jamais, le caddie doit intervenir. Grâce à une relation privilégiée – et généralement de longue date – le seul soutien du golfeur sur le terrain peut ainsi trouver les mots (ou au contraire faire preuve de mutisme) pour réorienter son partenaire dans la bonne direction, et éviter la décomposition mentale, véritable terreur de tous les pratiquants de ce sport.
Un métier remis en question
Néanmoins, toutes les qualités citées plus haut ne semblent pas – ou plus – faire l’unanimité. Dans ce monde généralement très feutré, certaines voix s’élèvent aujourd’hui pour tempérer l’importance donnée au Caddie. C’est le cas de Bobby Jones, qui dégaine sans concession : « Si j’avais besoin de conseils de la part de mon caddie c’est lui qui frapperait la balle et moi qui porterais le sac.» Si la phrase parait violente, et est sûrement poussée à l’extrême, le fond du message demeure. Un avis partagé par d’autres qui semblent aujourd’hui prendre de plus en plus d’ampleur et qui peut aisément être mis en corrélation avec l’air du temps. Ainsi, au vu des avancées technologiques, à l’image des télémètres dorénavant autorisés en compétition officielle, les qualités d’analyse, d’anticipation et de vision du caddie semblent avoir perdu de leur importance. Une situation que l’on peut d’ailleurs aujourd’hui retrouver dans de nombreux autres sports, où les outils informatiques semblent faire de l’ombre aux compétences humaines. Une évolution jugée néfaste par certains et naturelle par d’autre, symbole du combat entre tradition et modernisme. Reste néanmoins toujours le soutien mental qui lui, ne peut être, et ne sera sûrement jamais remplacé par les progrès technologiques. À l’image de la fameuse anecdote de l’ancien caddie de Tiger Woods, Steve Williams : viré après plus de douze ans de loyaux services, le néo-zélandais avait décidé de rejoindre Adam Scott. À peine quelques mois plus tard, Tiger Woods commençait sa dégringolade, et Adam Scott remportait le WGC-Bridgeston Invitational. Un hasard ?
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