Passionnée et pratiquante de gymnastique artistique, Céleste Mordenti a endossé la responsabilité des promesses mises sur ses épaules en remportant une médaille de bronze en octobre en Coupe du Monde lors de l’étape de Szombathely en Hongrie. Entretien avec la petite fée virevoltante des praticables.
Née le 25 janvier 2003 à Munich d’un père allemand et d’une mère française, Céleste emménage à l’âge de deux ans au Grand-Duché et se prend immédiatement de passion pour la gymnastique à Bonnevoie, club auquel elle est fidèle depuis ses 5 ans !
MENTAL ! : En améliorant le score obtenu en qualifications, avec un programme bien exécuté en barres asymétriques et une excellente sortie, vous êtes allée décrocher la première médaille de votre carrière. Vous attendiez-vous à une telle performance ?
Céleste Mordenti : Le mouvement que j’ai fait est plus ou moins celui que je savais que je pouvais réaliser : au vu de ma note, c’est à peu près ce que j’attendais de ce mouvement, donc c’était positif. Mais finir troisième, ça ne dépendait pas que de moi ! Les conditions ont fait que j’ai fini sur le podium et ça l’a rendu encore meilleur.
Est-ce que vous ne minimisez pas votre performance en transformant un exploit en coup de chance avec une année olympique et son impact sur les participations aux autres compétitions ?
Non… C’est vrai que la dernière Coupe du monde était après les Jeux et qu’il n’y avait pas le top niveau mondial, mais c’est vrai que le niveau était élevé, je ne veux pas minimiser l’exploit parce que c’est quand même la première médaille de l’histoire, ce n’est pas rien. Vous avez raison, être la première, c’est quand même spécial : ça ne changera jamais !
Cette médaille fait suite à une superbe année sur le plan sportif, avec votre record personnel au programme complet battu au Lux Open de Belair (50,050) notamment, ou lors des Championnats d’Europe de Rimini. Vous avez même failli décrocher votre billet pour les Jeux de Paris fin 2023. Qu’est-ce que vous retenez : la frustration d’avoir été à deux doigts de créer l’exploit ou la fierté de voir que votre niveau n’a jamais été aussi bon qu’aujourd’hui ?
Ça fait un an depuis les championnats du Monde où je ne me suis pas qualifiée : j’ai eu le temps de l’accepter. Évidemment, un peu frustrée peut-être, mais surtout contente d’avoir tout essayé. Je ne regrette rien parce que j’ai fait le meilleur, même si ce n’était pas assez. Le circuit de Coupe du Monde était très dur, et aux Championnats d’Europe, la dernière gymnaste qui s’est qualifiée a fait pas loin de 52 points, je n’aurais pas pu attendre de moi d’atteindre ce niveau. Ce que je retiens de 2024, c’est surtout ma progression : le travail donne quelque chose et ça fait plaisir à voir.
Qu’a changé cette médaille dans votre vie au quotidien ?
Je pense que la gym n’est pas assez médiatisée pour ça malheureusement. J’ai reçu beaucoup de messages qui m’ont fait plaisir, mais il y a aussi des gens qui sont passés à côté de l’info : ce n’était pas un truc de fou…
Comment expliquer justement que cette couverture médiatique de la gymnastique soit aussi faible au Grand-Duché ? Est-ce la même problématique aux Pays-Bas ?
C’est un peu plus médiatisé aux Pays-Bas qu’au Luxembourg, mais pas beaucoup plus non plus. Après, la complexité des points ne facilite pas les choses : quand les gens voient un ou deux mouvements, ils se disent « waow, c’est cool », mais quand on regarde toute la compétition, on ne comprend rien ! C’est vrai que c’est l’un des sports les plus populaires aux Jeux Olympiques, mais en dehors de ça : au final, les quatre années qui suivent, plus personne ne s’intéresse à la gym.
Pourtant, si l’on regarde en termes de nombre de licenciés, c’est l’un des sports qui compte le plus de membres [derrière le football et le tennis, à la hauteur du basket avec près de 7000 licences au total], comment pourrait-on améliorer ça ?
Je pense que la gym n’est pas une priorité dans les budgets sportifs. Mais vu les conditions au Luxembourg on en aurait besoin : quand on voit le foot et le basket, il y a pas mal de communication autour des événements. Après, depuis deux ans on a quand même le Luxembourg Open qui aide à amener la gym vers les gens. Il faut faire avec ce qu’on a pour tenter de se faire voir et obtenir plus grâce à ça (rires) !
Entre vos études sur l’Intelligence Artificielle à Amsterdam, vos compétitions qui induisent des déplacements à travers le globe, vous avez encore le temps pour vous ?
Eh bien en fait oui ! J’ai même plus de temps que je n’en avais au lycée. Mes études me plaisent, je n’ai pas tellement de cours en présentiel obligatoires, il y a d’autres moyens pour avoir accès aux cours en ligne ou enregistrés. C’est donc très flexible, tu peux t’organiser toi-même et j’y arrive plutôt bien.
Quels sacrifices avez-vous consentis pour arriver à un si haut niveau ?
Pour être honnête je ne vis pas ça comme des sacrifices. Les sacrifices ce sont surtout ma famille qui les faisait quand ils devaient m’emmener aux entraînements tous les jours, mais depuis plusieurs années, c’est moi qui gère toute seule. La seule chose négative c’est de moins voir ma famille, mais il faut savoir trouver la balance.
Quelles sont vos ambitions pour 2025 ?
Je crois que cela va être une année surtout pour essayer différents programmes, de nouveaux éléments. Il faut savoir que le code de pointage va changer, comme chaque fois après les Jeux, les adaptations ont lieu tous les quatre ans. Ce sera une année de continuation pour moi, en intégrant de nouvelles choses.
Vous allez avoir 22 ans en janvier : jusqu’à quel âge peut-on imaginer vous voir en compétition à haut niveau ?
C’est une bonne question ! Mon plan c’est de le faire aussi longtemps que mon corps le pourra. On voit que les gymnastes sont de plus en plus âgées même au plus haut niveau : ça donne de l’espoir pour la suite. Dans le groupe où je m’entraîne, une gymnaste de l’équipe nationale des Pays-Bas a 29 ans : ça me laisse du temps ! J’ai toujours la passion de la gym. C’est un sport magnifique, voler ça ne se fait pas dans beaucoup de sports…
On se représente la gymnastique artistique comme un sport individuel. En quoi il y a également une dimension collective ?
La nuance est difficile à faire : c’est avant tout un sport individuel, au niveau de la performance, au moment où il faut faire les mouvements. Même par équipe, chacun fait ses exercices et au final on compte le total. Mais je pense qu’au niveau de l’entraînement c’est un sport qu’on pratique ensemble. C’est un aspect qui m’a fait beaucoup de bien, et en arrivant ici, intégrer un grand groupe m’a beaucoup motivée. D’un autre côté, l’équipe avec laquelle je m’entraîne tous les jours n’est pas celle avec laquelle je vais en compétition internationale. Dans certains pays, les gymnastes s’entraînent avec leur club et se retrouvent tous, parfois pour la première fois ; dans d’autres, ils s’entraînent tous ensemble tout au long de l’année. Différentes contextes et donc différentes manières d’appréhender l’aspect « équipe ».
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la fin de l’année ?
J’ai encore deux compétitions ici aux Pays-Bas, donc de performer. Et puis surtout utiliser la forme dans laquelle je suis pour continuer à travailler de nouveaux éléments.
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