Dès les escaliers qui descendent vers la salle, on entend le bruit des chocs. PA-PA-PAM ! PA-PA-PAM ! PA-PA-PA-PAM ! Et la grosse voix d’un entraîneur qui transmet ses consignes et ses encouragements. Des sons de plus en plus distincts au fur et à mesure que l’on se rapproche de la grande porte battante qui délimite l’entrée de l’antre. On la pousse.
Une trentaine de garçons et de filles sont répartis autour d’une grande salle et frappent énergiquement dans des sacs, le regard concentré. Certains ont à peine 13 ans, d’autres la vingtaine, tous dégagent un sentiment de motivation et d’envie qui ne laisse que peu de doute quant à leur degré d’engagement. Ici un jeune garçon ne s’arrête pas une seconde dans ses gestes et ses petits sautillements pour suivre le mouvement de la corde à sauter ; là, deux filles se jaugent dans une chorégraphie de coups et d’esquives qui semble suspendre le temps et l’espace. Un peu plus loin, un homme d’une cinquantaine d’années, trapu et crâne dégarni, s’entretient avec un grand brun, gants serrés sur ses poings. Au milieu, un immense ring, encore vide pour le moment, centre de toutes les convoitises, de tous les rêves et de toutes les peurs à la fois. Bienvenue au Central Boxing Club Luxembourg, en plein cœur de la ville, au 29, rue de Strasbourg, pas très loin de la gare.
À l’entrée, sur une chaise, la mémoire du club et plus globalement de la boxe au Luxembourg est là pour poser le cadre et témoigner de l’histoire : Pierre Back, vice-président du club, président d’honneur de la fédération luxembourgeoise de boxe. « Le Central Boxing Club Luxembourg est le plus vieux club du pays. Il a été fondé en 1910. Et vous voyez, la salle est toujours pleine. » Les heures d’entraînements et les jours qui se ressemblent ont côtoyé les grands moments, comme lorsqu’en 1946, le club envoie trois boxeurs aux Jeux olympiques de Londres : Roger Behm, François Ehringer et Léon Roller. Lunettes de soleil fumées, bagues aux doigts, chemise colorée et pantalon élégant, Pierre Back veille au grain et s’assure que l’héritage est transmis.
« Je veux aller très loin, qu’ils deviennent champions au Luxembourg, et même champions olympiques plus tard ! »
Et la transmission, c’est Onofrio Sabatelli, 55 ans, qui s’en occupe. L’homme trapu au crâne dégarni repéré un peu plus tôt. Ancien boxeur semi-professionnel, il est l’entraîneur principal depuis six ans. « Je me suis dit que j’allais entraîner quand mon fils s’est inscrit ici. En plus, ce magnifique ring était toujours vide, on ne mettait personne dessus, je me suis dit que ce n’était pas possible. » Des réunions se tiennent, Onofrio Sabatelli présente son projet et obtient gain de cause. Depuis, il ne se passe pas une journée sans que le coach ne soit présent. Et son ambition est à la hauteur de son investissement : « Les choses que je n’ai pas eues dans ma jeunesse, je veux les apporter aux jeunes d’ici. Je veux aller très loin, qu’ils deviennent champions au Luxembourg, et même champions olympiques plus tard ! » Sur les 200 licenciés, dont une grande partie en loisir ou débutants, Onofrio a sous son aile entre 25 et 30 compétiteurs et travaille encore plus spécifiquement avec 15 à 20 boxeurs. « Je fais du travail individuel avec ces boxeurs avancés, en plus des séances collectives. On va nager, on fait des parcours, des prépas physiques. » Ils ont entre 13 et 25 ans, avec quelques filles dans le groupe. Et ils ont embrassé la motivation et les ambitions du coach. Aucun d’eux ne vise en dessous des étoiles. « Les rêves, c’est fait pour être réalisé », affirme leur mentor, leur guide.
« Je rêve de devenir professionnel »
Au milieu de la salle, toujours en effervescence, le ring n’est plus vide. Un jeune homme brun aux épaules bien formées, petite barbe, se déplace rapidement, enchaîne les mouvements de bras face à un adversaire imaginaire, tournoie, change de rythme, expulse l’air en trop en haletant. Il a commencé il y a quelques minutes à peine et il est déjà trempé, transformant son corps en matière liquide. Ce jeune boxeur, c’est Félix Jungblut, 21 ans, un des plus grands espoirs du club. Il s’arrête quelques secondes, accepte de parler, souriant : « Je suis au club depuis quatre ou cinq ans, avant j’étais ailleurs. La différence ici, c’est l’exigence, l’ambition. On est là pour se préparer à combattre. J’en suis à quatre combats, j’ai gagné le dernier le 30 avril. Je veux faire beaucoup de combats, gagner de grands titres. Et je veux passer pro dans cinq ans on va dire. » Son entraîneur y croit. D’autres ont le potentiel, Melvin Perreira, déjà sept galas, dont six victoires. Nico Cabral aussi, ou Issa, qui vient de Belgique.
Au fond de la salle, on repère un tout petit brun, cheveux bouclés, le regard rieur. Massimo Daddato, 13 ans, que son coach voit en futur champion. « Je fais de la boxe ici depuis deux ans. J’ai fait mon premier combat il n’y a pas longtemps et ça s’est bien passé. » Et quand on lui demande s’il boxe pour le plaisir, Massimo, avec un large sourire et des étoiles plein les yeux, coupe immédiatement : « Non, moi je rêve de devenir professionnel, d’être connu, je veux vivre de la boxe. Je veux que mes parents me voient à la télé et soient fiers de moi. Je vais travailler pour ça. » L’influence du coach est là, il forge le mental de tous ces jeunes.
« Mon coach, c’est comme mon deuxième père »
Mais une autre valeur est partagée par l’ensemble des membres du club, encore plus importante, encore plus profonde que l’ambition : la famille. Et cela revient dans la bouche de tous les athlètes croisés dans cette salle, à commencer par le jeune Massimo : « C’est un esprit familial ici. Ce n’est pas chacun de son côté, tout le monde aide tout le monde. On est une grosse famille, on se tire tous vers le haut et ça, c’est un état d’esprit qui manque dans beaucoup de clubs. » Félix Jungblut, le meilleur espoir du club, emploie des mots encore plus forts : « Mon coach, c’est comme mon deuxième père. Il est toujours là pour moi, que ce soit à la salle ou en dehors. On a vraiment une relation très forte. » Même Sandy Graf, jeune boxeuse de 18 ans qui vient d’arriver, parle du Central Boxing Club comme si elle était née là : « J’ai plus appris ici en deux semaines qu’en deux ans là où j’étais. Et on est comme une famille ici. » Encore.
Des valeurs solides, des liens à toute épreuve, un même but. Les nouveaux hommes et les nouvelles femmes de ce club historique reprennent le flambeau, affirment son identité et nourrissent son âme. Après quelques mots et des sourires francs, chacun a refermé son visage, retrouvé sa concentration et sa détermination. PA-PA-PAM ! PA-PA-PAM ! PA-PA-PA-PAM ! La voix du coach retentit de nouveau, ses disciples transpirent et frappent en silence. Tous ensemble, l’esprit tourné vers le futur et les victoires à venir.
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