Comment analysez-vous le paysage du golf au Luxembourg ?
Le nombre de golfs au Luxembourg n’est, d’une certaine façon, pas suffisant. Mais quand on voit la situation de l’immobilier et les terrains disponibles, la probabilité d’en avoir un nouveau dans un avenir proche est quasiment nulle. Aujourd’hui, avec 650 000 habitants, on est à environ 3 500 affiliés à la Fédération, ce qui fait 0,6 %, soit nettement en dessous de la moyenne européenne qui se trouve au-dessus de 1 %. Si on ajoute les résidents luxembourgeois qui sont à Preisch, à Longwy, bientôt à Arlon et dans une moindre mesure à Trèves ou à Bitbourg, le nombre de golfeurs actifs au Luxembourg est proche de la moyenne européenne.
Le golf de Preisch voudrait d’ailleurs faire partie de la Fédération luxembourgeoise…
Personnellement, je n’y serais pas opposé, mais je suis conscient que cela entraînerait un important changement de nos statuts et de notre mode de fonctionnement. Une solution suisse aurait pu être attractive, avec une possibilité d’adhésion des clubs de golf à moins de 20 km de nos frontières et ayant plus de 60 % de leurs membres qui résident au Grand-Duché. Une première demande d’affiliation a été faite par le club de Longwy il y a 4 ans, mais elle avait été rejetée par une majorité des administrateurs. C’est certainement l’effet concurrence qui a influencé le choix de certains. La situation n’a pas changé entre temps et la demande du Club de Preisch n’a pas trouvé de support suffisant au sein de la Fédération pour un changement important des statuts et du mode de fonctionnement. Mais la solution existe, notamment dans les pays où les terrains sont chers et les lois écologiques restrictives, mais où les bases statutaires sont mieux adaptées.
Je pense que le rapprochement que souhaite Preisch s’explique surtout du point de vue sportif. Créer un championnat interclubs de la grande région, avec des clubs limitrophes en Belgique, en France et en Allemagne, serait une excellente première étape pour faire connaissance et apprendre à se connaître et s’apprécier. D’autres sports ont déjà pris cette voie !
Un nouveau golf serait-il essentiel au Luxembourg ?
Si l’on veut continuer à évoluer, oui. En 2015, il y a eu une certaine stagnation au niveau des pratiquants de golf. Depuis les années covid, ce sport connaît un nouvel essor. On est d’abord retourné au niveau où nous étions en 2015 avant de le dépasser. Quand on regarde le paysage des golfs luxembourgeois, on se rend compte qu’ils sont tous plus ou moins orientés vers l’est. Le Grand-Ducal, Canach, Christnach et Junglinster sont dans l’axe est. La partie ouest, qui est tout de même bien peuplée, n’a aucun golf. Quand le golf du Bois d’Arlon ouvrira ses portes, avec des conditions de jeu optimales, beaucoup de joueurs de l’Ouest s’établiront là-bas. La raison principale qui fait que l’on choisit un golf est l’affinité avec des personnes que l’on connaît, ensuite vient la proximité, surtout si on veut faire jouer des jeunes.
Concernant la jeunesse, est-il aujourd’hui plus difficile de l’attirer vers le golf ?
Le golf de Clervaux a entrepris des actions qui ont vraiment porté leurs fruits. Ils sont allés dans les écoles avec du matériel adapté pour faire découvrir la pratique. Cette croissance du nombre de ses membres est aussi due à ces actions. Ils ont réussi à effacer cette image de sport réservé aux gens aisés d’un certain âge. Dans le golf des années 1990 et 2000, il y avait un certain snobisme. On devait être membre d’un club. Il y a quelques années, cette vision a un peu disparu et d’autres activités ont eu une image un peu plus snob. Aujourd’hui, tous les clubs de la FLG font des efforts pour éduquer des jeunes à la pratique du golf, notamment grâce à la FLG qui subventionne une partie des frais de formation. Ce sont majoritairement des enfants de membres, mais aussi de plus en plus des jeunes dont les parents n’ont aucune affinité avec ce sport. Certains restent, d’autres partent. Les cartes de membre sont relativement peu chères pour les jeunes, mais tout le monde ne peut pas se le permettre une fois adulte. Donc notre plus grand problème, ce sont les membres de 30 à 40 ans ; c’est la catégorie d’âge la plus difficile à garder, ils reviennent de l’université, construisent leur carrière, passent beaucoup de temps au bureau, fondent une famille… S’ils sont bons joueurs, ils restent, mais s’ils pratiquent occasionnellement, ils sont susceptibles d’opter pour d’autres sports.
Comment évaluez-vous le niveau des joueurs au Luxembourg ?
On a de bons joueurs avec un certain potentiel. Ça passe toujours par des vagues, et actuellement celle-ci est meilleure qu’elle ne l’a jamais été chez les filles et les femmes. Pour la première fois de notre histoire, on va envoyer une équipe dames aux Championnats du monde amateur, le plus haut niveau non-professionnel. Chez les garçons, on a des jeunes qui évoluent très bien, on a une valeur sûre avec Charles Weis, qui est un excellent amateur et vise le monde professionnel. Chez les plus jeunes, il y en a plusieurs qui suivent bien, comme Lenny Mines, Nicolas Winandy et d’autres encore plus jeunes. Il y a du potentiel qui arrive.
Que manque-t-il pour passer encore un palier ?
Il y a tellement de facteurs… Le golf est un jeu très complexe. Aujourd’hui, il faut être physiquement, techniquement et mentalement excellent. Et au milieu de ça, il n’y a qu’un petit pourcentage de joueurs qui réussit. On a beaucoup de jeunes qui sont très prometteurs, et nous gardons espoir d’en voir une ou un arriver au top niveau professionnel dans les années à venir.
Y a-t-il un manque de structures au Luxembourg ?
Charles Weis était au Sportlycée, où il y a un encadrement psychologique, d’une certaine façon. Je dis toujours que le mental d’un joueur de basket qui doit rentrer un lancer franc à la dernière seconde, c’est la même pression qu’au golf. La chose qui change, c’est que c’est un sport individuel et qu’on a le temps de réfléchir entre chaque coup.
Si dix golfeurs sont en concurrence pour être à un niveau très élevé, ça aide. Au Luxembourg, il y en a quelques-uns, mais aujourd’hui les joueurs passent professionnels entre 18 et 21 ans. Après cela, il y a déjà un petit retard, et Charles Weis, qui aura 23 ans après ses études, devra passer par le Challenge Tour européen, dans lequel il y a une très forte concurrence et de petits gains.
Ne trouvez-vous pas qu’au Luxembourg, à partir d’un certain âge, les sportifs avec du potentiel font plus facilement le choix de faire des études et de trouver un travail leur assurant une certaine sécurité plutôt que de se tourner vers le sport professionnel et un futur moins sûr ?
La majorité des joueurs qui vont un peu plus loin sont issus de familles aisées. Si à partir d’un certain niveau, ils voient que ça ne donne rien, ils peuvent en sortir et opter pour un métier « normal ». Ils n’ont pas suffisamment l’habitude de se battre, même s’ils s’entraînent bien, ils ont eu une vie plus facile. Ceux qui jouent au golf sont un peu nés avec cette mentalité. Les gens qui sortent en France ou en Angleterre viennent de milieux moins aisés. Je peux citer mon alter ego en France, Pascal Grizot, qui a disputé tous les professionnels français en leur disant qu’ils ne travaillaient pas assez pour arriver au top niveau mondial.
D’une certaine façon, je suis aussi content qu’ils aient une carrière en parallèle. Un jeune qui n’a pas au minimum son bac, il ne faut pas qu’il se lance dans le golf, car le risque est trop élevé. J’avais eu une discussion avec le commissaire du Challenge Tour qui m’avait dit que le pire, c’était ceux qui avaient quitté l’école à 16 ans pour devenir professionnels et qui n’ont rien d’autre dans la vie. Ils vont sur le Challenge Tour, ils montent en European Tour et s’ils n’ont pas les points suffisants, ils retombent dans le Challenge Tour. Et comme je l’ai dit, dans ce dernier, un golfeur qui gagne 100 000 euros par an, c’est très rare. Après déduction de tous leurs frais, il n’y a plus rien.
Si les Luxembourgeois veulent progresser ils doivent, à un certain niveau, aller jouer dans un grand club à l’étranger. C’est un peu le pari que fait Lenny Mines qui, à 16 ans, va intégrer l’élite du golf de Terre Blanche, dans le sud de la France. C’est l’équipe championne de France en titre, donc il sera certainement bien encadré, en tout cas je l’espère, notamment pour l’obtention de son bac avant de passer à un niveau supérieur.
Pour terminer cet entretien, un petit mot sur vous. Jusqu’à quand comptez-vous rester à la tête de cette fédération ?
Je ne vais pas le faire jusqu’à très vieux ! Dans ma jeunesse, j’ai joué à un haut niveau. Je n’ai jamais vraiment eu l’intention de devenir professionnel, mais j’ai pu participer à beaucoup de tournois internationaux. J’ai finalement pris le mandat en me disant que j’avais bénéficié de l’expérience de gens qui ont fait des efforts pour que je puisse participer à ces tournois, donc aujourd’hui je rends un peu la monnaie de la pièce. Mais je dirais que mon mandat devrait se terminer dans trois ans maximum. J’ai choisi un nouveau vice-président, Marc Schmitt, qui vient du golf de Junglinster, premièrement pour avoir une bonne répartition des mandats, mais surtout pour assister le président de la Commission technique et sportive, Rick Mohr, qui s’occupe de l’aspect sportif dans l’organisation des tournois. Au départ, je voulais faire un mandat de trois ans. Aujourd’hui, j’en suis déjà à cinq. C’est dans cet esprit que j’ai choisi Marc Schmitt, qui pourrait prendre ma relève un jour ou l’autre.
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