Le parking du Golf de Belenhaff, s’il n’est pas plein, sonne tout sauf creux. De nombreuses voitures sont ainsi présentes, et le trafic, tant routier que piéton est fort actif. Pour un golf, rien de surprenant. Sauf qu’il est dix heures du matin, et que nous sommes… un lundi. Dans ce petit havre de paix, écarté des bruits de la ville, personne ne semble partager ce sentiment de surprise. Ce lundi n’est ni spécial, ni différent. En somme, le golf tourne bien. « Honnêtement, les conséquences du coronavirus sur le golf au Luxembourg ont été plutôt positives », annonce Annick Weidert, directrice du Golf de Junglinster. « Les gens se sont rendus compte qu’il n’y a pas besoin d’aller très loin pour prendre du plaisir, que le bonheur peut être juste à côté. Et le golf, par sa nature, est un sport sur lequel on ne risque que très peu de choses. La distanciation sociale est automatique. Je ne peux pas dire qu’on ait tiré profit de la situation, mais c’est vrai que les gens qui étaient là avant toute cette crise ont été plus présents, du fait de l’impossibilité de déplacement, de vacances… »
Moral au beau fixe
Tout semble donc rouler pour le golf au Grand-Duché. Et, à l’image de ses parcours souvent éloignés du centre-ville, celui-ci semble être à l’écart de cette pandémie qui paralyse un grand nombre d’activités. Une situation qui s’explique assez aisément : sport d’extérieur par excellence, le golf est aisément devenu l’une des disciplines favorites de bon nombre de résidents Luxembourgeois mais aussi de personnes vivant dans des pays limitrophes. Ainsi, Français, Belges et Allemands ont aussi rejoint certains clubs du Grand-Duché. « Nous avons récupéré bon nombre de nouveaux joueurs de nombreux pays. Quant la situation était plus critique ailleurs, il était plus facile pour certains de venir ici au Luxembourg pour taper quelques balles et profiter d’une véritable activité sportive et d’extérieur » nous explique Patrick Platz, directeur du Golf de Kikuoka. En effet, certains de nos voisins, plus touchés par la crise du coronavirus n’ont pas hésité à traverser les frontières et trouver source de bonheur sur les fairways de notre petit pays.
Autre avantage de cette discipline : le cadre. Au-delà de la pratique du golf en soi, il est aisément possible de faire une ballade reposante, à l’abri du bruit incessant de la ville, et se ressourcer dans le calme. Peu de disciplines sportives permettent en effet de se dépenser et se tester tout en profitant de l’environnement autour. Un atout non négligeable, dans une période où chacun connait dorénavant de A à Z tous les recoins de son domicile. Mais aussi, au même titre que le running qui a explosé durant ces mois de restrictions, la pratique du golf apporte aussi la possibilité de se retrouver avec une connaissance. Une opportunité rare en cette époque où restaurants, bars, et nombreuses autres activités ne sont plus praticables : « En comparaison avec les autres sports, l’impact négatif chez nous est bien moins grave. En rencontrant les acteurs d’autres fédérations, on a clairement pu voir la différence. C’est terrible pour eux. Ici, au Kikuoka, paradoxalement, nous avons plus de membres que jamais auparavant. Le golf était un des seuls sports toujours praticables durant la crise, et cela permettait de sortir dehors et pratiquer une activité physique. Cela a eu un très bon impact sur les demandes d’adhésion. Nous avons d’ailleurs dépassé notre record de membres qui datait d’il y a treize ans. » confirme Patrick Platz.
Tous ces facteurs expliquent ainsi aisément l’arrivée de nouveaux venus dans les golfs. Loin de s’en plaindre, les dirigeants doivent gérer cette augmentation d’activité tout en chérissant leurs membres de longue date : « Bien sur que c’est valorisant et agréable de voir de nouvelles personnes sur les parcours. Mais il est vrai que l’on veut vraiment fidéliser et remercier les membres qui nous ont toujours soutenu. À l’image de l’année dernière, où malgré l’absence de compétitions, les cotisations ont toujours été payé. C’est important pour nous de leur offrir la priorité et de montrer notre reconnaissance. » abonde Annick Weidert. Une gratitude envers les « amis de toujours » qui semble avoir porté ses fruits, et permis une arrivée fluide de nouveaux joueurs parmi une communauté déjà chargée. À tel point que, pour tous ces clubs qui affichent complet, la meilleure des mesures pourrait être… un nouveau golf. « Nous avons besoin de plus de parcours, assène avec sérénité l’ancien joueur professionnel Patrick Platz. La demande est supérieure à l’offre. Je ne peux pas garantir que cela continuera après le COVID, mais à l’heure actuelle, nous sommes constamment full. Dans la logique d’expansion du pays – qui continue encore et encore à grandir et accueillir plus de monde- il est vital de suivre le rythme et d’offrir un nouveau cadre pour les golfeurs ». Difficile de parler de crise, donc.
La reprise des compétitions
Seul véritable coup dur de l’an passé : l’absence de compétitions. Face à l’arrivée du coronavirus à la fin du premier trimestre 2020, soit véritablement au lancement de saison, la plupart des clubs luxembourgeois n’ont eu d’autre choix que d’annuler les compétitions prévues en mars et les mois suivants. Une décision logique au vu des restrictions sévères qui régissaient alors le pays. Et, comme ont pu le témoigner tous les intervenants questions, ce choix fut pris de manière collective :« Nous avons toujours été en communication avec les autres clubs de golf, ainsi qu’avec la Fédération. Nous avons toujours analysé ensemble les prochaines étapes, et comment les mettre en place de la meilleure manière. C’était réellement une excellente communication » poursuit Platz.
Et, quand bien même le calendrier 2021 ne sera pas du même acabit que les années pré-coronavirus, les efforts sont mis en place pour permettre à tous de pouvoir reprendre les joutes, quand bien même avec quelques changements. « On a plus ou moins préparé le même programme qu’avant le COVID. Néanmoins, pour toutes les compétitions et évènements d’entreprises, nous ne pouvons rien faire. On espère qu’en 2022 on pourra à nouveau mettre tout ça en place. Au vu de la nature de ces activités, qui se veulent de socialisation, de dégustation, de camaradie etc… Il parait compliqué d’imaginer cela reprendre en 2021. Mais cette absence nous permet aussi de pouvoir organiser des compétitions sur de plus longue durée pour nos membres. Comme nous avons plus de possibilités dans notre agenda, nous offrons donc plus de compétitions pour les membres. Après, nous demeurons sans remise de prix, et sans buffet. Cela change un peu l’essence de ces épreuves et lui enlève son aspect vraiment social » nous déclare Patrick Plat. Ainsi, à l’image de bien d’autres disciplines, le golf a perdu de son aspect convivial. Un vide néanmoins accepté par les compétiteurs, conscients du privilège qu’ils ont de pouvoir encore se mesurer sur les parcours. Et, avec le championnat national amateurs des plus de 25 ans le 15 mai, et le championnat national interclubs hommes et femmes le 29 mai, les choses semblent avoir repris du poil de la bête.
L’accent sur la jeunesse
Si cette augmentation des golfeurs et la reprise des compétitions sont évidemment bénéfiques, celles-ci soulèvent néanmoins un certain nombre d’interrogations. Avant tout, peut on réellement garantir que ses nouveaux venus demeureront présent lorsque la normalité sera enfin de retour ? « Dur à dire, répond Patrick Platz. Evidemment nous en perdrons forcément 10 ou 20% qui retourneront à leurs anciennes activités, ou voyageront plus etc… Mais nous espérons en conserver le plus possible. Le problème est que le golf est un sport extrêmement chronophage. Il a un côté « tout ou rien ». Tu peux jouer au tennis et aller au fitness en trois heures, ce qui est généralement moins de temps qu’un parcours de golf entier ». Même son de cloche du côté de Junglinster, où l’incertitude demeure quant à la présence au long terme de ces nouveaux venus. Ce qui est certain, c’est que la priorité, comme jusque maintenant devrait demeurer sur les membres venus avant le coronavirus. Mais, plutôt que d’attendre le résultat de tout ceci en spectateur, les clubs du Grand-Duché veulent agir. Et en particulier, préparer les nouvelles générations à répondre présent, tant quantitativement que qualitativement. Une vision qui n’est pas due à la crise sanitaire mais bien à une réflexion murie il y a déjà de nombreuses années : « Il y a aussi un gros travail à faire au niveau des clubs, de la Fédération, des écoles de golf. Cela fait des années que l’on propose énormément pour les jeunes. Nous allons engager un quatrième pro car on ne pouvait plus satisfaire la demande pour les cours collectifs juniors et les stages. Pendant toutes les vacances scolaires, on a des stages pour enfants qui sont 100% remplis. Et forcément cela amène les parents, les amis. Quand bien même tout le monde ne reste pas sur le long terme, cela crée un intérêt, et certains restent. C’est un travail qui en vaut le coup. « La jeunesse, c’est l’avenir » : évidemment, cette phrase n’est pas de moi, mais elle n’en demeure pas absolument vraie. Nous devons, et je parle ici de tous les clubs du Grand-Duché ainsi que la Fédération faire tout notre possible pour s’assurer que la nouvelle génération prenne la relève, et fasse preuve de la même passion qui régit actuellement nos membres plus âgés. C’est ainsi que ce sport continuera de se développer. » abonde Annick Weidert. Un opinion partagé par Patrick Platz, qui estime que cette manière de penser est nécessaire pour améliorer la compétitivité des joueurs du pays : « Il y a encore quelques années, nous étions habitués à être parmi les derniers dans les compétitions internationales. Aujourd’hui, on remarque une nette amélioration qui continue d’aller crescendo. Le niveau global de nos golfeurs s’améliore, tant chez les Juniors qu’au niveau des 30-35 ans, mais aussi entre 40 et 45 ans. C’est prometteur, et confirme que nous devons continuer de nous investir dans les générations présentes et futures pour s’assurer un avenir plus glorieux. À l’heure actuelle, nous avons 70 juniors dans notre programme, et nous aimerions passer à 200 dès l’an prochain. C’est dire à quel point nous axons notre développement sur ce domaine crucial. »
Si tous ces constats et incertitudes pointent dans l’ensemble vers l’optimisme, le chantier demeure lourd et le travail constant. Chaque jour, tant influencés par les évènements imprévisibles comme le COVID-19 que par le travail de longue haleine de développement de la discipline, le travail est constant pour les directeurs de clubs. Un planning conséquent qui ne laisse que peu de temps libre aux dirigeants qui, nouveau point commun, rencontrent bien des difficultés à tout simplement… jouer. Entre vie de famille et professionnelle chargées, les patrons de deux des plus prestigieux golf du pays manquent de temps pour parcourir les fairways et green de leurs clubs. Ainsi, comme nous tous, ils attendent avec impatience la disparition du coronovarus. Mais pour d’autres, bien plus sympathiques raisons. Et on ne peut que les envier.
Tendai Michot
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