Le Championnat national 2022 de cyclisme sur route a accouché d’une surprise, avec la victoire de Colin Heiderscheid.
Chaque année, les suiveurs du cyclisme luxembourgeois le répétaient, Leopard Pro Cycling pourrait, grâce à sa supériorité numérique, venir subtiliser le maillot tricolore au nez et à la barbe des stars locales. Cette année, sur les routes de Nospelt, c’est durant une échappée au long cours que Colin Heiderscheid a accompli cet exploit en offrant son premier titre élite à la structure continentale luxembourgeoise et a, pour la première fois depuis bien longtemps, empêché les coureurs professionnels du pays de revêtir ce beau maillot. Partons donc à la découverte de ce coureur quelque peu méconnu du grand public, qui présente pourtant de solides références.
Des résultats prometteurs chez les jeunes
Formé à l’UC Dippach, Colin Heiderscheid a débuté le cyclisme à l’âge de 6 ans : « Quand j’étais petit, je roulais beaucoup à vélo. L’oncle de ma mère allait souvent voir des courses et un jour, on m’a dit que je pouvais en faire. C’est comme ça que j’ai débuté le vélo. » Dès le début, entraîné dans la fièvre du cyclisme luxembourgeois durant les grandes années des frères Schleck et de Kim Kirchen, le jeune Colin Heiderscheid vise le plus haut niveau : « J’ai tout de suite accroché, ça m’a vraiment plu et j’en voulais plus. »
Dès sa première année chez les Juniors, Colin Heiderscheid va chercher son premier titre de manière similaire à son titre élite de cette année : « C’était inattendu, j’étais Junior 1 et je suis parti assez tôt en échappée avec Noah Fries, et on n’a jamais été revus. » Au cours de cette année 2015, il va également chercher de solides résultats dont deux TOP 10 sur le Tour de Basse-Saxe et le Keizer der Juniores, deux épreuves internationales. Dans sa deuxième année junior, il ira chercher deux victoires supplémentaires sur le Tour de Basse-Saxe et sur celui des Portes Juniors. Il a également réalisé un podium sur une étape du Keizer der Juniores et un TOP 20 sur la première édition du GP Bob Jungels organisé par son club, l’UC Dippach.
Après ses bonnes années chez les Juniors, Colin Heiderscheid n’a pas voulu directement monter au niveau continental et en a donc fait une sur le circuit amateur français en 2017 dans le club de Villeneuve–Saint-Germain : « Pour moi, la marche était trop haute si j’allais chez Leopard, qui participe à beaucoup de courses de haut niveau. À l’époque, celui des Juniors n’était pas aussi important qu’aujourd’hui, on ne sortait pas prêt pour le haut niveau de cette catégorie. » En France, le sprinteur luxembourgeois a pu accumuler de l’expérience et ainsi réduire la hauteur de la marche que représente le niveau continental. Au passage, il récupérera quelques bons résultats, comme un TOP 10 sur le Tour de Côte d’Or et des TOP 10 dans des courses régionales belges. Ensuite, il part en Allemagne du côté de l’équipe Dauner : « L’équipe m’a permis de participer à mes premières courses de haut niveau. De plus, la concurrence n’y était pas énorme et j’ai rapidement fait partie des meilleurs coureurs, ça m’a permis de grandir sans avoir de soucis de concurrence interne. » Dès 2018, il va également participer à ses premières Coupes des nations espoirs, et ira même chercher une troisième place dans un sprint massif sur le Tour de l’Avenir. En 2019, il reviendra au pays en signant chez Leopard, avec qui il ira chercher plusieurs bons résultats avec de multiples TOP 10 à travers l’Europe, autant au sein de sa nouvelle équipe qu’avec la nationale, avec en point d’orgue une 8e place au Championnat d’Europe espoirs en 2020. « Cette 8e place, c’est sans doute mon plus beau résultat chez les espoirs. »
Championnat 2022 : la consécration
Venons-en à son titre récemment acquis. Il s’impose au terme d’une longue échappée où il était accompagné de solides coureurs tels que Noé Ury et Alexandre Kess, tous deux fraîchement sortis de la catégorie junior et qui évoluent déjà au niveau continental, ou encore de solides amateurs comme Rik Karier, Jo Schmitz et Ken Conter, qui ira, lui, chercher le titre amateur. Le public au bord des routes s’est rapidement rendu compte que ce groupe pourrait aller loin dans la course et que le danger était grand pour les professionnels, mais personne ne pensait l’exploit possible. Ce n’est que dans les derniers tours que l’écart s’est montré trop important et qu’on a alors réalisé que l’échappée allait représenter l’exploit de ces championnats. Pour Colin Heiderscheid – même s’il était le seul représentant de son équipe devant – sans coéquipiers, la victoire aurait été impossible : « C’est une vraie victoire d’équipe, sans eux, on aurait été repris, et là, ça aurait été terminé pour moi, les gars ont bien couvert les différentes accélérations derrière. Si le peloton revenait, c’était sans doute fini pour nous, on avait du mal à lâcher des Alex Kirsch ou Kevin Geniets, par exemple. » Néanmoins, le sprinteur de 24 ans se montre un peu perfectionniste : « C’est sans doute un de mes plus beaux résultats avec ma 8e place aux Championnats d’Europe, mais ce n’était vraiment pas ma meilleure course, je n’étais pas spécialement dans un grand jour, et en plus j’ai fait une petite erreur dans le sprint final qui aurait pu me coûter cher… Mais finalement, je préfère retenir le résultat. »
Un changement de statut
Ce titre lui a aussi permis de changer de statut dans le peloton : « Pour moi, ça a changé pas mal de choses : le regard des autres coureurs a évolué depuis que j’ai ce maillot. J’ai moins de mal à me placer, à jouer des coudes et à m’imposer face aux plus grosses équipes. Je fais partie d’une petite équipe, donc les plus grosses structures nous renvoient souvent derrière quand essaie de se porter aux avant-postes ; c’est le jeu, mais avec ce maillot c’est différent maintenant. D’ailleurs, ce titre profite à toute l’équipe, pas seulement à moi. On a tous changé de statut, on attire plus l’attention. »
Des portes qui s’ouvrent pour l’avenir
L’an prochain, le nouveau champion national espère pouvoir faire le saut vers le niveau supérieur, et nous avoue que « ça devrait le faire », mais d’abord, il se concentre sur la fin de cette saison : « En réalité, toutes les courses sont importantes aujourd’hui, il faut tout le temps se montrer, toutes les occasions sont bonnes et il n’y a plus de courses d’entraînement. Après, celles comme le Championnat d’Europe [il y termine 45e après avoir subi un ennui mécanique dans les derniers kilomètres], le Tour de Luxembourg et toutes les courses d’un jour belges seront des courses vraiment importantes pour moi, ce seront de belles vitrines en cas de bons résultats. »
C’est donc avec ambition et en portant son maillot tricolore sur les épaules que Colin Heiderscheid se dirige vers les prochaines saisons. Un maillot qui restera gravé dans l’histoire comme l’un des plus surprenants du XXIe siècle, même si, au vu de la carrière de son détenteur, il n’a pas démérité.
Mental Médias SARL
15 Rue Emile Mark
L-4620 Differdange LUXEMBOURG
m : moien@mental.lu