Dan Ley, ancien handballeur professionnel, est coordinateur Conception and design of coach education programs à l’ENEPS (École nationale de l’éducation physique et des sports). Il explique le rôle de cette institution et la mise en place du concept LTAD (Long-term athlete development) au sein de ses différents programmes.
Lëtzebuerg lieft Sport
En quelques mots, pour commencer, pouvez-vous nous présenter l’ENEPS ?
Dan Ley
L’ENEPS est une administration étatique qui a été fondée en 1984. La loi INAPS a été votée, donc l’ENEPS va prochainement devenir l’INAPS (Institut national de l’activité physique et des sports). Historiquement, l’ENEPS a mis en place les programmes pour les futurs entraîneurs et les futurs animateurs sportifs, pour encadrer les groupes sportifs, quel que soit leur niveau. Aujourd’hui, on a élargi le programme de formations. À la base, on formait surtout les entraîneurs en lien avec les fédérations. Il y a deux ans, on a également adopté un nouveau règlement. On s’est dit qu’il n’y avait pas que les sports organisés, dans les clubs notamment, il y a aussi d’autres cadres dans lesquels une activité sportive peut se pratiquer, on propose donc des formations pour les préparateurs physiques, pour le développement moteur des enfants, pour les coachs sportifs (qui offre un brevet d’État à la fin de 120 h de formation). Aujourd’hui, on n’a que 20 % de la population inscrite dans les clubs sportifs… donc il reste 80 % à qui nous devons pouvoir proposer des alternatives pour la pratique d’une activité physique. On met également en place tout un programme autour du sport santé, en collaboration avec la FLASS (Fédération luxembourgeoise des associations de sport santé), avec un accent mis sur la pratique sportive des seniors.
Quels sont votre parcours personnel et votre rôle au sein de la structure ?
J’ai un parcours un peu atypique. J’ai quitté le Luxembourg en 2001 pour partir en France où j’ai été handballeur professionnel à Nancy et à Dijon. Je suis revenu en 2010, j’ai passé mes brevets d’entraîneur à l’ENEPS et j’ai fait mes études en sciences du sport en parallèle. Je viens de finir mon master en management du sport, à Cologne. J’ai commencé au ministère des Sports en 2016. En 2018, j’ai rejoint la direction de l’ENEPS. À cette époque, on était sept, maintenant on est 27 ! Il y a une belle progression, qui répond aux besoins de la société de former des gens pour le sport et l’activité physique. Et c’est une suite logique pour moi d’avoir pris ce poste de coordinateur, en faisant partie de ceux qui connaissent bien la maison.
Comment est né le concept LTAD (Long-term athlete development) et qu’est-ce exactement ?
À la base, ce concept vient du Canada et a été créé par Istvan Balyi. Il part du principe que l’enfant n’est pas un petit adulte. Il faut adapter les entraînements et les activités en fonction de ses besoins et de son état de développement. Il s’agit d’une conception holistique de l’athlète ; il y a, pour Istvan Balyi, sept étapes de développement vers le haut niveau. Et il est important de respecter chacune de ces phases si l’on veut que l’athlète atteigne le maximum de ses capacités au bout de quatorze ans de développement. Je prends un exemple, le football : si à un moment on ne développe pas la vitesse de course, le joueur va atteindre une limite un jour ou l’autre. Quand on voit comment recrutent les clubs pros aujourd’hui, si tu n’as pas une vitesse de pointe importante, c’est cuit, même si tu es super technique. Le LTAD est initialement prévu pour les athlètes, mais il peut s’appliquer à n’importe qui au sein de la population. L’idée est de donner le choix à l’adolescent, une fois qu’il a toutes les clés et toute la formation de base, s’il souhaite poursuivre au haut niveau ou s’il veut plutôt continuer le sport comme un loisir.
Quand le concept est-il arrivé au Luxembourg et comment s’y est-il développé ?
C’est Heinz Thews, ancien DTN du Comité olympique, qui a rencontré les Canadiens et a présenté le concept ici en 2012. Il a ensuite été rapidement intégré à la formation des entraîneurs à l’ENEPS. On a acheté les droits des cours à ce moment-là pour les mettre en application au Luxembourg. Depuis, on tente d’améliorer la cohérence de cette philosophie avec les besoins et les spécificités des différentes fédérations. Pour ce faire, on a mis en place des commissions avec les membres de ces fédérations. On a un programme-cadre, et après on adapte.
Quels sont les objectifs de la mise en oeuvre du LTAD aujourd’hui ?
Le plus important est que l’on puisse former des entraîneurs et des éducateurs pouvant mettre en place des programmes qui répondent aux besoins des enfants, des athlètes, de tous les sportifs. Pour ça, il faut respecter les différentes phases de développement et bien utiliser les outils pour atteindre les objectifs. Pour les enfants par exemple, la notion de fun, de plaisir, doit rester très importante. On peut déjà développer un esprit de compétition, mais de façon saine. Et la performance sportive doit être une conséquence du travail effectué et pas un objectif qui prime à tout prix sur le reste. Et si on respecte toutes les étapes, un enfant ou un adolescent aura de toute façon plus de chances d’atteindre le haut niveau un jour s’il le souhaite.
« Les chiffres de l’OMS concernant les jeunes luxembourgeois sont dramatiques »
Quelles étapes reste-t-il à franchir selon vous pour une mise en application optimale de ce concept LTAD ?
On veut faire en sorte que le programme entre dans les écoles pour vraiment toucher tous les enfants. On aimerait ensuite, dans l’idéal, qu’il y ait une cohérence entre ce qui est fait dans les clubs, dans les écoles et dans les SEA (Services d’éducation et d’accueil pour les enfants). Chaque entité a des objectifs différents, mais peut avoir une base commune.
Faut-il davantage de sport à l’école selon vous ?
Je pense que si on en fait plus, on a davantage de chances d’atteindre les objectifs de l’OMS. On n’est pas forcément obligés de faire plus d’heures à l’école, mais on peut développer des outils qui facilitent l’accès à l’activité physique pour les enfants, en collaboration avec les maisons relais, les clubs, et les communes qui sont des acteurs importants.
À l’ENEPS, on a aussi pour projet d’accentuer notre collaboration avec l’Éducation nationale, notamment en matière de formation continue, avec l’IFEN (Institut de formation de l’éducation nationale), notamment.
Il reste du travail, car les derniers chiffres de l’OMS concernant le Luxembourg sont dramatiques : 85 % des filles chez les 11-17 ans et 73 % des garçons ne réussissent pas les tests minimums physiques recommandés par l’OMS. C’est terrible. Chez la future génération, on est face à une vraie catastrophe, ils sont complètement éduqués à être sédentaires. Il faut leur donner envie de bouger.
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