Les beaux jours de notre nation ne sont pas encore derrière nous, la relève des stars poussant au portillon. Mais quel avenir à plus long terme ? Éléments de réponse avec le Directeur Technique National de la Fédération du Sport Cycliste Luxembourgeois.
Le Tour de Luxembourg terminé, nous n’avons pas manqué de remarquer une présence plutôt réduite du public autour des routes et des arrivées des cyclistes parmi les plus connus du World Tour. Où est-ce que le bât blesse ? Un défaut d’action de grande envergure de la part de la FSCL pour promouvoir son sport ? La fédération est-elle par ailleurs inquiète de ce creux générationnel ? Les principaux intéressés répondent, et à leur tête le DTN Christian Helmig qui a accepté de s’échapper le temps d’un entretien à la préparation des championnats du monde sur route à Zurich pour répondre à nos questions.
MENTAL! : Cette préparation pour Zurich prend du temps mais elle permet aussi de beaux résultats, comme la venue du champion du monde Mathieu Van der Poel sur le Tour de Luxembourg !
Christian Helmig : Bien sûr, le Tour de Luxembourg est un événement très prestigieux et bien organisé : c’est bien de voir des coureurs du plus haut niveau qui s’en servent pour se préparer avant les championnats du monde.
« Nos athlètes sont au niveau international. »
Donc pour vous, le Luxembourg est encore une terre de vélo ?
Oui absolument ! Nous avons toujours des coureurs de grand talent, que ce soit chez les hommes comme chez les dames : Christine Majerus, une cycliste extraordinaire et derrière elle Marie et Nina. On a aussi des hommes au plus haut niveau avec Kevin, Bob, Michel, Alex et bien d’autres pour un si petit pays de 600.000 habitants. Bien sûr, on n’a pas le succès d’il y a cinq ou dix ans avec les frères Schleck, mais nos athlètes sont au niveau international.
Pourtant, le nombre de licenciés ne grimpe pas : comment expliquer qu’il y ait aussi peu de membres ?
C’est un problème que nous avons remarqué évidemment. Le volume de licences stagne, c’est plus ou moins le même ces dernières années. Le COVID n’a pas aidé, mais c’est multifactoriel. La principale raison, c’est qu’au niveau sociétal, il y a de moins en moins de bénévoles, de moins en moins de sportifs actifs : les jeunes ont d’autres intérêts. En plus de ce constat partagé dans tous les sports, il devient également de plus en plus difficile dans le vélo d’organiser des courses pour pratiquer le cyclisme sur route, avec le trafic très dense au Luxembourg. C’est une véritable contrainte pour les organisateurs de programmer des entraînements et encore pire pour une compétition de course en ligne. C’est un véritable challenge à relever pour les clubs, y compris dans le recrutement de bénévoles pour l’organisation.
« Nous voulons miser sur le long terme. »
Comment alors inciter les gens à s’inscrire en qualité de bénévoles ou prendre une licence à la fédération ? On parle de plus en plus souvent de mobilité douce, le vélo a le vent en poupe, quelles sont les actions à prévoir pour le cyclisme sportif ?
C’est vrai, on a vu constaté un grand boom pour le vélo pendant plusieurs années : de plus en plus de personnes l’utilisent pour se déplacer ou se dépenser, mais on n’a pas vu de transfert sur le nombre d’inscriptions en licence sportive. Il y a quelques mois, nous avons mis en place un chargé de développement et de formation, un nouveau poste pour assurer le développement du cyclisme et des clubs, créer plusieurs possibilités de liens entre tous les acteurs du vélo et restructurer le système de progression chez les jeunes. Si l’on se concentre sur la jeunesse, c’est justement pour miser sur le long terme, car avec plus de licences jeunes, il y a de meilleures chances de voir progresser le nombre d’actifs et de professionnels dans l’élite les prochaines années.
La question de la communication, de la fédération mais aussi des clubs, est peut-être également un levier à actionner, notamment dans la gestion des réseaux sociaux ou de la publicité envers le public ?
Oui, c’est toujours quelque chose qu’on peut améliorer : nous avons fait des efforts en ce sens mais il reste du travail à faire. Communiquer est vraiment important de nos jours, nous en avons conscience.
« Des défis à relever »
Vous évoquez les têtes d’affiche dont on a évidemment besoin, mais craignez-vous un creux générationnel une fois ces cyclistes sortis du circuit ?
C’est difficile à dire : il y a toujours des cycles. Mais on a dit la même chose après les frères Schleck, et lorsqu’on voit Mats Wenzel, Mathieu Kockelmann, Arno Wallenborn ou Alex Kess pour ne citer qu’eux, on sait qu’on a un très bon groupe d’espoirs qui permet de voir l’avenir sereinement. Derrière eux, c’est l’interrogation, il faut voir comment cela va se développer,. En effet on a constaté qu’avec les Juniors et moins de 17 ans, nous avons trop peu de coureurs pour le moment, même si ceux-là ont un grand potentiel. Mais de nouveaux talents peuvent émerger dans les trois ou quatre prochaines années. Nous gardons notre optimisme, il y a des talents chez les filles aussi, avec Gwen Nothum par exemple qui a fini 6e aux Championnats d’Europe chez les Juniors, soit notre meilleur résultat depuis plusieurs années. Donc je ne pense pas qu’on ait véritablement de problème, mais plutôt des défis à relever.
Le retour d’une équipe professionnelle luxembourgeoise dans le circuit, ce serait une bonne chose ?
Bien sûr, on l’avait pendant quelques années avec Leopard, et c’était génial, même si ce n’est pas toujours facile à gérer pour la fédération avec le présence ce genre d’équipes, car vous l’avez dit : nous n’avons pas suffisamment de coureurs ! Mais nous pourrions alors nous concentrer alors sur d’autres domaines, ce qui n’est pas plus mal. Car si une telle équipe existe, ce serait un signe de bonne santé du sport cycliste et de sa popularité. Il faut quand même savoir aussi que mettre en place une équipe professionnelle est devenu vraiment très cher… Avec le vélodrome, on espère bien avoir des retombées positives : avec cette infrastructure, on a un centre national identifié par tout le monde pour le vélo, un espace sécurisé en particulier avec les jeunes, alors que nos routes sont noyées dans le trafic. C’est une véritable plus-value pour améliorer la situation.
Une fédération lucide donc sur le constat et ses pistes d’amélioration, mais tournée résolument vers l’avenir. En comptant sur la nouvelle génération pour mobiliser une jeunesse parfois désintéressée de la pratique sportive et insuffler un élan pour le cyclisme, elle espère faire perdurer la réputation centenaire d’un Luxembourg de vélo, qui ne se laissera pas écraser par un trafic de plus en plus dense.
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