C’est de notoriété publique, quand on parle sport, le Grand-duché est surtout connu pour ses cyclistes. Grâce aux frères Schleck notamment : Fränk (vainqueur de l’Amstel Gold Race 2006 ou du Tour de Suisse 2010) et Andy (vainqueur du Liège-Bastogne-Liège 2009). Mais aussi à Kim Kirchen (vainqueur de la Flèche Wallonne 2008), avec un point commun pour les trois coureurs : tous porteurs d’un maillot distinctif sur le Tour de France 2008. La deuxième place d’Andy aux classements généraux des Grandes Boucles 2009 et 2011 et sa victoire a posteriori au Tour 2010 (après la disqualification du vainqueur Alberto Contador pour dopage) ont achevé de hisser notre drapeau en haut des cieux du cyclisme mondial.
Jempy Drucker (devenue entraîneur national), onze fois consécutives champion du Luxembourg, toutes catégories confondues en cyclo-cross (de 2000 à 2011) et Christine Majerus, 14 titres successifs sur route et 18 en contre-la-montre, ont eux également été les dignes représentants de notre territoire, héritiers des victoires immortelles de François Faber au Tour de France 1909, Nicolas Frantz en 1927 et 1928, Charly Gaul en 1958, mais aussi d’Elsy Jacobs, lauréate des premiers Championnats du monde féminin de cyclisme sur route, elle aussi en 1958 : une Luxembourgeoise, à jamais la première. 66 ans après cette année faste et dix ans après la retraite d’Andy Schleck, où en est notre vivier de cyclistes ?
Bob Jungels, champion du monde Juniors du contre-la-montre en 2010 et vainqueur de Liège-Bastogne-Liège en 2018, dernier Luxembourgeois à avoir remporté une étape du Tour de France (en 2022, une première depuis onze ans et celle d’Andy Schleck sur la Grande Boucle 2011), et Kevin Geniets, vainqueur du Grand Prix La Marseillaise au début de l’année et nouveau champion national 2024, sont les fers de lance du cyclisme grand-ducal. Autour d’eux et d’Alex Kirsch, représentant de la fédération nationale lors des derniers Jeux Olympiques, une myriade de talents gravite avec plus ou moins de succès mais des promesses de lendemains enchantés. Chez les hommes, Mats Wenzel est présenté comme le futur du coup de pédale grand-ducal. Les espoirs Arthur Kluckers et Tom Wirtgen (Team Tudor Pro-cycling) lui tirent la bourre, au même titre que Marie Schreiber vient titiller Nina Berton et lui ravir le maillot de championne du Luxembourg qui lui tendait les bras cette année avec la fin de carrière de Majerus.
Mais derrière des têtes d’affiche, le soufflé semble être retombé : parmi les (seulement !) 1936 licenciés à la Fédération du Sport Cycliste Luxembourgeois (tous confondus : coureurs, loisir, jeunes, dirigeants…), ils ne sont que 497… actifs compétiteurs (chiffres 2023 du ministère des Sports). Et parmi eux, 68 femmes. De quoi s’interroger sur l’avenir et douter de notre capacité à faire émerger des talents en nombre suffisant pour créer une émulation et postuler auprès des teams du world tour. À ce jour, ils ne sont qu’une poignée à évoluer au plus haut échelon de l’UCI : Kevin geniets pour la Groupama-FDJ, Alex Kirsch pour la Lidl-Trek et Bob Jungels pour la Bora Hansgrohe (jusqu’à la fin de la saison, à l’issue de laquelle il intégrera la Ineos Grenadiers). À tel point que lors du dernier Skoda Tour, il a fallu inviter une « équipe nationale » Team Lëtzebuerg pour faire briller nos coureurs sur leurs propres terres et porter à neuf le nombre de locaux : sous cette bannière emmenée par Bob Jungels, Mats Wenzel mais aussi Alexandre Kess, Mathieu Kockelmann, Noé Ury ou encore Arno Wallenborn.
Certes, la topographie luxembourgeoise n’est pas aussi variée ni redoutable que celle de nos voisins français, mais les cyclistes du Plat pays ne semblent pas avoir eu ce genre de problèmes pour voir sortir du lot des Remco Evenepoel ou autres Wout Van Aert. Quelle est alors la recette pour ne pas tomber dans l’oubli et renouer avec une Histoire qui a fait la part belle au vélo grand-ducal ? Le manque de soutien financier de la part des plus hautes instances ? En 2023, 7% des subsides sont allés vers le cyclisme (alors que la part de licenciés vaut pour moins de 1,5% du total tous sports confondus), soit la bagatelle de 519.580€ versés à la fédération.
S’agirait-il donc d’une médiatisation affaiblie des grands événements cyclistes sportifs ? Nous disposons pourtant du Skoda Tour, l’un des plus grands rendez-vous de notre territoire, qu’il s’agisse de sport ou de manifestation plus générique. Mis à part l’ING Marathon ou la finale de la Coupe nationale de football, nulle compétition n’atteint ce degré de popularité presque aussi incontournable que la Schueberfouer : le Tour de Luxembourg, présidé par Andy Schleck, est depuis 1935 THE place to be pour tous les amateurs de sport et de vélo. Mi-septembre, face à des demandes d’interviews ou diverses invitations à d’autres manifestations, il n’est pas rare de se voir opposer une fin de non-recevoir avec ces quelques mots : « je peux pas, j’ai Skoda Tour ». Un tour par étapes diffusé sur RTL et Eurosport, dont les deux dernières heures de course ont eu le privilège d’être diffusées en live chaque jour sur la chaîne nationale française L’Équipe. Pendant ces cinq jours, nos villes ont vibré au son des dérailleurs, nos campagnes au souffle des bordures et nos réseaux sociaux au rythme des exploits des équipes professionnelles ou semi-pro qui écument le bitume de nos belles contrées depuis 84 éditions. Pour revenir le jour d’après à la monotonie d’un quotidien exempt de coups de pédale ?
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