Jérôme Barletta est professeur d’Éduation Physique et Sportive depuis plusieurs années au Lycée français de Luxembourg. Mental! l’a rencontré pour aborder les questions du rôle du représentant du sport au sein de l’école.
MENTAL! : Comment définir concrètement votre rôle et les valeurs que vous essayez de transmettre à travers vos cours ?
Jérôme BARLETTA : Mon objectif, peut-être un peu utopiste, c’est que quel que soit l’élève, il se dise quand il sort du lycée qu’il a pu découvrir plusieurs activités grâce à l’EPS et qu’il ait envie de continuer de faire du sport. L’idée, c’est aussi de donner envie aux élèves pendant les cours, même pour les activités qui sont plus dures physiquement comme la course. Il faut arriver à trouver une manière de l’enseigner pour que ça reste quelque chose de gratifiant pour eux.
Comment maximiser la pratique sportive des élèves à l’école ?
Au-delà des heures d’EPS, on a l’Association Sportive (AS) où l’on propose des créneaux d’une heure et où les élèves peuvent venir pratiquer juste pour le plaisir. On essaie d’y recruter les élèves et d’en toucher le plus possible pour qu’ils aient la possibilité de pratiquer un peu plus que le volume horaire destiné aux heures d’EPS. On a environ 300 inscrits cette année. Quand on voit que la sédentarité est l’un des facteurs les plus aggravants sur les maladies cardiovasculaires et les problèmes de santé, on veut encourager nos élèves à faire un maximum de sport même à l’école. On essaie avec l’équipe des professeurs d’EPS de les inciter à aller vers le milieu fédéral et on a remarqué que la plupart des élèves qui participent depuis un moment à l’AS vont vers une activité extrascolaire en club.
Cette sédentarité des jeunes, vous l’avez-vous même constatée ?
Au début de ma carrière, j’avais des élèves qui montaient très haut dans les VMA (ndlr : Vitesse Maximale Aérobie, soit la vitesse de course à partir de laquelle le coureur atteint sa consommation maximale d’oxygène) pendant les cycles de course à pied. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Il y a eu le Covid évidemment qui n’a pas aidé au niveau de la sédentarité, mais les élèves sont quand même moins sportifs. Pour certains élèves de lycée, ils ne font que les heures d’EPS à l’école et rien à côté. Sachant que l’OMS parle d’une heure d’activité minimum par jour, on en est très loin.
Au-delà des aptitudes purement physiques, quelles compétences les élèves développent-ils en cours de « sport » à l’école ?
Au-delà de la partie motrice, on va aussi apprendre aux élèves à gérer leur corps, à apprendre à s’entrainer, à interagir avec les autres, à les conseiller et les observer. Tout cela dans les rôles sociaux et dans les actions que l’élève a par rapport à eux. À un moment donné, il faut être capable de s’échauffer sans le guidage du professeur. Il faut aussi être capable, une fois qu’on a expliqué les règles d’une activité, de comprendre comment elle fonctionne et de ne plus simplement être consommateur. Dans certaines activités, on demande aux élèves d’évaluer leur propre niveau qui n’aura aucune influence sur la note et après d’adapter les exercices à leur niveau et d’organiser leur progression en fonction de ça. Ça permet de sortir de la tête des élèves que la note n’est qu’une performance. Avec ces activités-là, on veut construire des habitudes de travail pour permettre aux élèves une fois qu’ils sortiront de l’école et qu’ils voudront faire du vélo, aller à la piscine, aller courir ou à la salle de sport, de savoir se préparer, s’échauffer, connaitre leur corps et éprouver les sensations qu’il faut. L’idée c’est de sortir de la tête des élèves qu’il n’y a que la performance qui compte.
Les jeunes adhèrent-ils à l’idée que le sport est justement important dans leur développement ?
Ce qu’on voit sur les élèves c’est que plus ils grandissent, moins ils sont volontaires pour se mobiliser et faire du sport. Même si en général, j’ai l’impression que la majorité des élèves adhèrent aux activités proposées, le problème des cours d’EPS – et de n’importe quel cours d’ailleurs – c’est qu’à partir du moment où tu poses une note, ce qui importera à l’élève sera juste d’avoir une bonne note. Malgré ça, on retrouve beaucoup d’élèves en AS et sur les sorties scolaires sportives qu’on propose, donc on peut imaginer que certains élèves ressentent réellement l’impact du sport sur eux. Cependant ça reste une matière au même titre que les maths par exemple, certains vont adhérer et d’autres pas.
Qu’en est-il des élèves en situation de handicap qui ne peuvent pas pratiquer une activité physique comme les valides ?
On a une obligation d’intégration pour ces élèves. J’ai déjà eu des élèves avec des handicaps moteurs avec qui on fait des protocoles adaptés au niveau de l’évaluation en organisant ça en amont avec l’élève ou avec les parents en fonction de l’âge. J’ai aussi eu le cas d’élèves sourds ou autistes. L’idée c’est que le handicap de ces élèves est déjà désavantageux pour eux donc il ne doit pas en plus leur empêcher la pratique du sport. C’est notre rôle en tant que professeur de faire comprendre à l’élève que malgré son handicap, il est comme tout le monde. On a aussi des projets d’accompagnement personnalisé, notamment pour les élèves TDAH. Les professeurs ne sont en général pas formés pour gérer ça. L’avantage en EPS c’est que tu travailles avec le corps.
Comment les faire participer aux activités prévues ?
Le but c’est de les intégrer au maximum quand c’est possible. Ce qui va poser problème encore une fois, c’est la note. À un moment donné, peut-être que la compétence ne va pas pouvoir être validée de la même façon que les autres élèves et c’est à nous en tant qu’enseignant de rester bienveillant dans l’évaluation et de ne pas pénaliser les handicaps. On doit adapter l’évaluation pour qu’ils puissent se sentir évoluer dans leur pratique et se sentir comme tout le monde. Pour les élèves dispensés toute l’année, il y en a qui ne viendront jamais en cours. Par contre, sur les dispenses courtes, les élèves doivent venir et on les place dans des rôles sociaux comme l’aide ou l’arbitrage. Aussi, je peux leur proposer des QCM sur les règlements par exemple. L’idée c’est d’intégrer au maximum tous les élèves, même ceux qui ne peuvent pas pratiquer.
Propos recueillis par Ysé Thomine-Desmazures
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