Nicolas Wagner Ehlinger, toujours plus haut

Fer de lance de l’équitation au Grand-Duché de Luxembourg, Nicolas Wagner Ehlinger restera à jamais le premier cavalier luxembourgeois à se qualifier pour des Jeux olympiques. Une épopée d’un garçon au petit trot, qui s’apprête à participer, du 6 au 14 août, aux championnats du monde de dressage, à Herning, au Danemark. Retour sur un homme bosseur, discret, et passionné. 

UNE AFFAIRE DE FAMILLE – SPORT INDIVIDUEL, TRAVAIL D’ÉQUIPE

Nicolas Wagner Ehlinger voit le jour le 2 janvier 1992, dans une famille pour qui le cheval est le dénominateur commun. « Ma mère m’a mis sur un petit poney à 3 ans, et on peut dire que j’ai fait ça toute ma vie, sourit Nicolas, dont le grand-père était président du Stud-book du cheval de selle luxembourgeois (SCSL). Mon père aime les chevaux, et ma mère, également passionnée, a une écurie depuis 2001 dans laquelle je travaille. «  Nous sommes très unis. Nous n’habitons pas loin les uns des autres et l’écurie est au milieu. Il a deux frères et une sœur, cette dernière monte aussi en Grand Prix », complète sa maman, Martine Ehlinger. « Je suis parti en Allemagne pour faire mes études et je suis rentré il y a quatre ans. Maintenant, on fait tout ensemble ici », ajoute Nicolas.

« Ici », c’est la Société hippique et d’élevage à Elvange, repaire du jeune cavalier, à la fois centre d’entraînement et pépinière de jeunes talents « On élève des chevaux, on achète des poulains. On les fait grandir, on les prépare pour leur future approbation. Nicolas a un œil fantastique. Il voit tout, il voit l’épaule, il voit l’élasticité. Il y a de nombreuses personnes qui lui téléphonent, qui envoient des vidéos de leur jument pour lui demander des conseils sur les croisements. Il décide souvent pour les autres. Il vit pour ça. »

Très tôt, Nicolas opte pour cette discipline olympique souvent assimilée à de l’art et axée sur la recherche de l’esthétique et du mouvement. Ses modèles se nomment Carl Hester, cavalier de dressage britannique médaillé d’or aux Jeux de Londres, pour qui « tout paraît facile sur un carré de dressage », ou encore Charlotte Dujardin, qui règne sans partage sur la planète dressage depuis de nombreuses années. À l’image de ses aînés, le Luxembourgeois se plaît à s’inspirer des meilleurs cavaliers de la planète et n’hésite jamais à regarder ce qui se fait de mieux, quelle que soit la discipline.

«Il y a beaucoup de monde qui m’inspire. Je pense qu’on doit toujours prendre le meilleur chez les autres. Quand je suis sur les grands concours internationaux, je regarde tout, même les cavaliers d’obstacles, cela m’intéresse beaucoup»

UNE DISCIPLINE EN PLEINE ÉVOLUTION

Le dressage, discipline olympique depuis 1902, offre un spectacle de plus en plus complet, laissant la part belle à l’expression des cavaliers. Il présente des couples auxquels les médias s’attachent et qui tissent une relation particulière avec le public. 

« Le dressage a beaucoup évolué. Le niveau était déjà très élevé, mais je dirais qu’il y a une trentaine d’années, les chevaux n’avaient pas tellement les mêmes mouvements qu’aujourd’hui. Je regarde plus les chevaux avec de très bons mouvements que ceux dotés de grands mouvements, explique Nicolas, féru d’élevage. Je m’attarde aussi sur le tempérament, l’énergie et la façon dont le cheval travaille et coopère avec le cavalier. » 

« Si le cheval a beaucoup d’énergie et s’en sert bien, on peut faire quelque chose. En revanche, avec un cheval qui bouge super bien mais qui est mou et n’a pas cette énergie, il sera plus compliqué d’envisager le futur, de le motiver à travailler avec son cavalier. » 

Mariés au premier regard

Le binôme de Nicolas se nomme Quater Back Junior FRH et a de qui tenir. Fils de l’illustre Quaterback, le hongre alezan de 12 ans est en passe de dépasser son père, étalon allemand très remarqué, mais également étalon reproducteur hors pair et disparu trop tôt, en juin.  

Un cheval compliqué qui deviendra son cheval de tête 

«Je l’ai depuis qu’il a 5 ans. Je l’ai vu dans les écuries où j’ai fait mes études, chez mon entraîneur Klaus Balkenhol. Il était ici depuis une semaine, tout petit et tout maigre. Je me souviens d’un cheval un peu difficile, qui avait du caractère. Il avait beaucoup d’énergie, faisait pas mal de bêtises quand il était jeune. J’ai réussi à canaliser cela et c’est devenu un super cheval», commence le Luxembourgeois, heureux d’avoir déjoué les pronostics.

« J’ai un bon œil pour détecter les chevaux »

« J’ai d’autres chevaux qui arrivent. Ils sont prometteurs. On ne le voit qu’avec le temps. Quand on regarde des poulains de 6 mois ou de 2 ans, on sait en général à 3 ans qu’on a un très bon cheval, et à 6 ans, on sent quelle direction on peut prendre. C’est un long chemin. » Une patience qui l’a emmené à ce niveau.  « J’ai tout appris à ce cheval, je l’ai construit. Il ne savait rien du tout. J’ai eu besoin de trois ans pour l’emmener en concours dans le calme, sans qu’il fasse de bêtises. Il réagissait comme s’il ne voulait pas y aller.»

« C’est une crème, c’est un cheval extrêmement gentil, qui veut bien faire, qui est marié avec Nicolas. » confirme sa mère. « Pour faire des performances comme eux deux le font, il faut vivre comme dans un mariage. Il faut se connaître, il faut sentir tous les petits nerfs, tous les petits muscles. » 

Sur le dos d’un cheval qu’il a lui-même formé et emmené au plus haut niveau, Nicolas Wagner tentera « d’aller le plus loin possible. Ma participation aux Jeux olympiques m’a permis d’être automatiquement qualifié pour ces championnats du monde. Je serai très content si j’arrive à me hisser jusqu’en finale ». Celui dont la progression depuis plusieurs années ne cesse de croître aimerait également « monter le plus haut possible. Je veux que cela se fasse par étape. Je veux déjà réussir à avoir 1% de plus et ce dans une forme constante. Si j’arrive à faire ça, je grappillerai encore quelques places. Le tout, c’est déjà de garder ma forme actuelle, puis de m’améliorer. » 

« Une vingt-cinquième position aux Jeux olympiques, c’est déjà bien. J’aurais pu avoir la possibilité d’aller en finale, mais le cheval était un peu chaud. Aux JO, l’atmosphère est forcément un peu plus spéciale qu’en temps normal » avoue le cavalier, qui n’a pourtant pas eu de mal à retrouver un semblant de vie normale. « Après les Jeux, on a eu les championnats d’Europe à Hagen. C’était aussi un concours avec beaucoup de prestige et avec une belle atmosphère. Ensuite, il y a eu les championnats nationaux où je suis devenu champion de Luxembourg. »

Une trajectoire linéaire et ascendante, qui devrait connaître un nouveau tournant, lors du mois d’août, lors de championnats du monde qui seront assurément suivis par l’ensemble de la communauté équine du Luxembourg.

Anne-Laure Richard, Julien Sins

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