Né à Bettembourg à la fin de l’année 1960, Eugène Berger commence à l’âge de douze ans à se passionner pour la grimpe et l’alpinisme. Il faut dire qu’avec un nom pareil, il y était presque prédestiné! C’est dans son livre « Ganz oben » paru en 1993 aux Editions Revue qu’Eugène Berger a narré non pas seulement l’ascension mythique de l’Everest, mais aussi toute sa « carrière » dans l’alpinisme depuis sa jeunesse.
Un livre qui commence avec les souvenirs d’enfance du futur alpiniste, des moments passés sur l’abrupte colline de Felsberg et son vignoble environnant à l’âge de 5 ou 6 ans, à marcher pour grimper les quelques quarante mètres de son pied à son « sommet ». C’est là finalement que la passion d’Eugène Berger trouve sa source. Les années passent et c’est ensuite au Mullerthal que l’on retrouve le grimpeur en herbe. C’est également à Berdorf et son rocher de grès qu’il s’exerce dans la pratique de la grimpe.
Le Mont-Blanc à 15 ans
Le Luxembourg devient rapidement trop étroit pour celui qui rêve de conquérir les sommets. Direction donc les Alpes, le terrain de jeu idéal, et c’est à l’âge de quinze ans seulement que Eugène Berger atteint pour la première fois le sommet du Mont-Blanc, plus haut sommet d’Europe culminant à 4807m. Un Mont-Blanc qu’il finira par connaître dans les moindres détails durant ses années d’apprentissage de la haute montagne.
Après le sommet européen, c’est vers l’Asie qu’Eugène Berger et sa femme vont voyager, avec pour objectif d’atteindre leurs premiers sommets situés au-delà de la barre emblématique des 8000m. Après une courte préparation, direction le Pakistan pour la petite expédition. C’est en juillet 1986 que cette dernière débute en compagnie d’un couple de belges férus d’alpinisme ainsi que d’un Néerlandais. Objectif de la troupe, le Nanga Parbat, neuvième sommet le plus haut du monde (8125m). Plus haute montagne du Pakistan, il est le sommet au-delà des 8000m le plus occidental de la chaîne himalayenne.
Premiers 8000m conquis
Mais si le Nanga Parbat n’est pas le plus haut sommet du monde, il est connu comme un des plus difficiles à vaincre pour les alpinistes, en raison de pentes extrêmement escarpées, de la présence de couloirs d’avalanche et du risque important de chutes de pierres. Avant sa première ascension réalisée le 3 juillet 1953, 31 personnes sont mortes en tentant de dompter celle que l’on surnomme la « montagne tueuse », un record. Ces dernières années, le Nanga Parbat a plusieurs fois fait les gros titres en raisons de drames s’y déroulant. En 2013 ce fut même une attaque terroriste qui s’y produisit, avec l’attaque d’un camp d’alpinistes par les talibans du Pakistan, faisant onze victimes.
En janvier 2018, Tomasz Mackiewicz et Elizabeth Revol atteignent le sommet mais l’alpiniste polonais est victime ensuite d’ophtalmie et de gelures. Gravement diminué, il est incapable de redescendre en deca de 7200m d’altitude, laissant Elizabeth Revol aller chercher les secours venus à sa rencontre à 6300m d’altitude. Mais les conditions météorologiques ne permettront pas d’aller récupérer Mackiewicz qui y laissera la vie. En mars 2019, c’est cette fois deux alpinistes qui ne reviendront pas vivants, le Britannique Tom Ballard, et l’Italien Daniele Mardi.
Avant le Toit du monde
Malgré les difficultés, la météo, et la brume, Eugène Berger parviendra à atteindre le sommet de la « montagne nue » traduction française de Nanga Parbat. A ce sujet il écrivit dans son livre: « Mon premier essai sur une montagne de l’Himalaya, était réussi. Avec le recul, je crois que c’est l’ascension la plus technique et exigeant que j’ai pu effectuer ». L’année suivante, Eugène Berger participe à une autre expédition, cette fois avec pour objectif l’ascension du Gasherbrum II. Le Gasherbrum, situé lui aussi au Pakistan, est une chaîne montagneuse qui compte pas moins de sept sommets, allant de 7003m pour le Gasherbrum VI, à 8068m pour le I. Le sommet II est le troisième « moins » élevé de la chaîne, mais culminant tout de même à 8035m. Le 8 août 1987 à 13h19 et après plusieurs tentatives, Eugène Berger atteint le sommet de son deuxième « 8000 ».
En 1992, Eugène Berger se lance donc le défi ultime de tout alpiniste, la conquête du Chomolungma comme l’appelle les Tibétains et Népalais. Et c’est par la voie sud que l’alpiniste luxembourgeois va effectuer sa tentative, accompagné par d’autres alpinistes français. Une ascension qui s’effectue par étape, en guettant les moindres changements météorologiques qui pourraient avoir des conséquences dramatiques sur la petite troupe, en plus de températures se situant aux alentours des -50 degrés Celsius, et même -60 par moments. Mais arrivée à une altitude de 8000m, l’expédition va prendre une autre tournure, puisque Eugène Berger va poursuivre seul sa route, encouragé par les autres dans sa quête solitaire.
150 mètres, 100 mètres, 50 mètres… Lentement mais sûrement il arrive en vue du sommet. Un pas après l’autre, il parvient le 2 octobre 1992 à 11h30 à atteindre le sommet sud de l’Everest, à 8748m. Encore quelques efforts, et 1h17 plus tard il atteint le point culminant du Toit du monde, 8848m de démesure, le rêve d’une vie devenu réalité. Après quelques photos souvenirs, c’est l’heure de redescendre, par paliers. Une descente périlleuse après tant d’efforts physiques, et surtout le mal des montagnes qui peut frapper à tout moment.
Le 4 octobre la nouvelle parviendra finalement au Luxembourg depuis un fax de Katmandou, consacrant Eugène Berger comme le premier, et toujours l’unique, alpiniste luxembourgeois a voir gravi l’Everest.
Si un sommet montagneux alimente les rêves et les fantasmes des alpinistes de toute la planète c’est bien l’Everest. Si en 1992, Eugène Berger fut le premier luxembourgeois à atteindre son sommet, sa conquête démarra dans les années 20.
Baptisé « Chomolungma » en langue népalaise, l’Everest situé dans la chaîne de l’Himalaya entre le Népal et la Chine, tire son nom de Sir George Everest, arpenteur général des Indes orientales et géographe britannique qui mis au point la méthode utilisée pour calculer la taille du plus haut sommet du monde, établie à l’époque en 1856 à 8840 mètres d’altitude, et désormais de nos jours calculée à 8848 mètres et 86 centimètres.
Au début du XXIe siècle, les premières expéditions militaires menées par les Britanniques tentent de rejoindre le sommet du plus haut sommet mondial. Mais ce n’est qu’en 1921 que les autorités népalaises, craignant une annexion, laissent libre accès aux explorateurs de la Royal Geographic Society. Cette première tentative se solde par un demi-échec. Les six explorateurs parviennent à atteindre le col Nord depuis le Tibet, situé à 7020 mètres, puis grimpent jusqu’à 8326m, mais doivent renoncer en raison des mauvaises conditions météorologiques.
A cette occasion, c’est la première fois que des bouteilles d’oxygène sont utilisées par des alpinistes. Mais cette première tentative va se solder par la première tragédie de l’Everest, avec la mort de sept sherpas à cause d’une avalanche. Deux ans plus tard en 1924, ils sont douze à tenter de réussir l’exploit d’atteindre le sommet. Les deux premiers essais se soldent par un échec, même si Edward Norton (l’alpiniste pas l’acteur), parvient à établir un nouveau record d’altitude en atteignant 8572m. Au cours de cette dernière tentative de rejoindre le sommet, deux autres membres de l’expédition vont disparaître, George Mallory et Andrew Irvine. Le corps du premier ne sera retrouvé qu’en 1999 à 8155m, sans que l’on sache toutefois si il était parvenu à rejoindre le sommet. La montagne garde ses secrets…
« Because it’s there »
Les années 30 verront elles aussi se succéder plusieurs courageux tentant d’inscrire leur nom dans l’histoire de l’alpinisme. Au total 7 groupes, toujours de nationalité britannique tenteront leur chance, dont en 1933 et 1936 ceux menés par Hugh Ruttledge. En 1935 Tensing Norgay, sherpa népalais d’origine tibétaine, participe à sa première escalade de l’Everest, mais on reparlera de lui un petit peu plus tard… La Seconde guerre mondiale, puis la prise de contrôle autoritaire du Tibet par la Chine en 1950 mettra en pause les velléités des conquérants de l’inutile durant quelques années.
Le Tibet fermé, c’est via le Népal qui s’ouvre enfin aux étrangers que les alpinistes en manque de sensations font leur retour au début des années cinquante. En 1951, une expédition de reconnaissance, dont fait partie Edmund Hillary, est lancée pour établir si un passage vers le sommet est possible depuis la face Sud de l’Everest. Une expédition dont les résultats s’avéreront positifs et pleins d’enseignements pour les futures tentatives d’ascension. Outre les Britanniques, les Suisses aussi entrent dans le jeu afin de damer le pion aux sujets de sa Majesté. L’expédition helvète de 1952 permet d’améliorer de 23 m le record établi en 1924, mais le sommet reste indompté.
En 1953, une nouvelle expédition est lancée. Elle est dirigée par le Britannique John Hunt. Il est accompagné des alpinistes Charles Evans, G. Band, T. Bourdillon, A. Gregory, Edmund Hillary, W.G. Lowe, C. Noyce, Michael Ward, M. Westmacott, C.G. Wylie et du Sherpa Tensing Norgay. Leur camp de base est établi à 7000 mètres, au pied du Lhotse. Deux alpinistes du groupe tentent une première fois d’atteindre enfin l’objectif. Mais Evans et Bourdillon doivent faire demi-tour alors qu’ils avaient pourtant atteint les 8751m. Le 29 mai, c’est au tour de Edmund Hillary et du sherpa Tensing Norgay de tenter leur chance. Et au bout de quelques heures, c’est mission accomplie pour les deux hommes qui parviennent enfin à dompter les derniers mètres et hectomètres du redoutable Mont Everest. La nouvelle va se répandre dans le monde, mais ce n’est que le 2 juin 1953 à Londres que l’on apprendra l’exploit historique réalisé par les deux alpinistes. Ironie de l’histoire, ce même jour à lieu le couronnement de la reine Elizabeth II. Edmund Hillary en tant que Néo-zélandais membre du Commonwealth et donc sujet de la reine d’Angleterre sera fait chevalier de l’ordre de l’Empire britannique, tandis que son compagnon népalais Tensing Norgay reçoit la George Medal que l’on décerne aux réalisateurs d’exploits historiques.
Depuis le début des expéditions et avec ensuite l’essor de l’alpinisme moderne, ils sont plus de 200 à avoir perdu la vie en tentant d’atteindre la mythique barre des 8848 mètres. Parmi les plus de 14 000 à avoir tenté leur chance, ils sont environ 4000 à avoir rejoint le septième ciel.
Expéditions et exploits successifs :
Expédition de 1922 menée par Charles Granville Bruce (Grande-Bretagne): 8326m
Expédition de 1924 menée par Charles Granville Bruce (Grande-Bretagne): 8572m
Expédition suisse de 1952 menée par Édouard Wyss-Dunant: 8595m
Expédition britannique de 1953, la première qui atteint le sommet avec succès
1965: le Népalais Nawang Gombu est le premier homme à atteindre le sommet à deux reprises
1975: la Japonaise Junko Tabei est la première femme au sommet
1978: première ascension sans assistance respiratoire par l’Autrichien Peter Habeler et l’Italien Reinhold Messner
1980: une expédition polonaise réussit la première ascension hivernale d’un sommet de plus de 8000m
1982: une équipe soviétique réalise la première ascension en conditions nocturnes
1983: Lou Reichardt, Kim Momb et Carlos Buhler sont les premiers alpinistes à réaliser l’ascension par la face du Kangshung
1986: les Suisses Erhard Loretan et Jean Troillet atteignent le sommet en style alpin et sans assistance respiratoire depuis le couloir Hornbein dans la face nord en 43 heures aller-retour établissant un nouveau record de vitesse
1988: Michel Metzger est le premier Français à réaliser l’ascension sans assistance respiratoire
1990: Christine Janin devient la première Française à atteindre le sommet
1992: Eugène Berger devient le premier Luxembourgeois à atteindre le sommet, et toujours le seul à ce jour.
1995: la Britannique Alison Hargreaves est la première femme à gravir l’Everest en solitaire, sans assistance respiratoire. Elle trouvera la mort deux mois plus tard dans une tempête lors de l’ascension du K2. Son fils Tom Ballard, également alpiniste chevronné, disparaitra à son tour en février 2019 lors d’une expédition sur le Nanga Parbat.
2000: le Slovène Davo Karnicar réalise la première descente intégrale à skis.
2001: le Français Marco Siffredi est le premier à réaliser la descente du couloir Norton en snowboard. Il mourra en 2002 en tentant d’en faire de même dans le couloir Hornbein.
2004: une équipe russe ouvre une nouvelle voie dans la face Nord.
2006: l’Autrichien Christian Stangl gravit la face Nord sans assistance respiratoire et en solitaire en seulement 16 heures et 42 minutes, battant le record de l’Italien Hans Kammerlander de 18 minutes.
2010: l’Américain Jordan Romero devient à 13 ans le plus jeune alpiniste à avoir gravi le sommet de l’Everest.
2017: l’Espagnol Kilian Jornet atteint le sommet de l’Everest en 26 heures depuis le monastère de Rongbuk situé à 5100m d’altitude en style alpin, sans bouteilles d’oxygène, sans cordes fixes et sans l’aide de sherpas.
2019: à 49 ans, Kami Rita Sherpa atteint le sommet pour la 23e fois, il détient le record du monde du nombre d’ascensions.
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