L’heure est désormais aux comptes. Ceux que les clubs doivent rendre à leurs supporters, ceux que les instances devraient contrôler et évaluer à défaut de sanctionner.
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Depuis la crise COVID, tout s’est accéléré. La plupart des clubs dépensent plus qu’ils ne gagnent, or les options pour générer de nouveaux revenus et éviter la faillite sont peu nombreuses. Seule solution, une vision à long terme pour l’ensemble de la famille football.
Le rapport de gestion du Progrès est on ne peut plus clair sur le projet : « Notre club est une vitrine du football luxembourgeois et sert de tremplin aux jeunes talents qui souhaitent effectuer une carrière footballistique professionnelle. » Celui du Fola vise le même objectif sous la forme d’un bonus presque utopique : « jouer en BGL Ligue les prochaines années, et éventuellement vendre un jeune vers un club professionnel » Une intention fort louable pour le bien du joueur, même si elle tend à dépeupler le vivier de talents locaux pour les voir s’exiler. Tout en encaissant un chèque sur la plus-value réalisé par le transfert ? Ces retombées économiques sont pourtant loin d’être à la hauteur des dettes ni à la base de la motivation des projets de clubs.
Quant aux conséquences sportives, outre les résultats décevants de nos équipes en compétition européenne, aucune n’ayant réussi à passer le deuxième tour et quatre rencontres gagnées seulement sur les douze disputées, elles sont le témoin impuissant d’une vision à court terme. Cette année, on a frôlé la catastrophe en voyant le Luxembourg dégringoler au ranking UEFA, proche de sortir du top 50, synonyme de trois places européennes à la fin de la saison. Un manque d’ambition ? Ou des intérêts individualistes impropres à créer l’émulation nécessaire à la progression du niveau de notre championnat ? La difficulté à faire bouger les lignes, sur la visibilité médiatique comme sur les règlements et statuts des clubs, ou la frilosité d’une fédération davantage préoccupée par la sélection nationale en plein essor et le centre de formation (qui participe en grande partie à la fuite des talents), font écho à l’absence de réel engouement populaire pour le football dans notre pays, au même titre que pour le sport en général.
On déclare s’inspirer des meilleurs (Français, Belges, Allemands), ou des plus audacieux dans des proportions similaires aux nôtres (Islandais), mais on se satisfait de petites victoires : cette saison 34 jeunes des équipes nationales, passés par le Centre de Formation National de Mondercange, sont sous contrat à l’étranger. On devrait applaudir mais cela entérine ce que Paul Philip, président de la FLF, désignait lui-même dans nos colonnes, un « centre de pré-formation », néologisme qui rappelle après tout que le Grand-Duché n’est que l’un des intermédiaires au début de la chaîne du véritable football.
Et si tout était lié ? La sélection nationale, nos résultats lors des compétitions européennes, les finances dans le rouge… Pour attirer les sponsors et les joueurs de calibre international, vendre les jeunes les plus prometteurs ou bénéficier d’une redistribution des droits TV, encore faut-il améliorer de manière substantielle la visibilité ET la qualité de notre football.
La gestion de certains clubs relève davantage des affaires courantes dans l’urgence que d’une perspective à long terme avec une vision systémique. D’autres paraissent vouloir que rien ne change : tant que les après-midis dominicales sont garanties, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Enfin, les autorités se réjouissent bien que le constat soit sans appel. Le site officiel de la LFL offre un exemple édifiant à propos des replays des rencontres de BGL Ligue : « Cette nouvelle initiative vise à offrir aux fans une expérience améliorée, leur permettant de ne manquer aucune action, même s’ils n’ont pas pu suivre les matchs en direct », allant jusqu’à qualifier la collaboration récente de « pas en plus vers l’innovation dans la diffusion du football luxembourgeois » et d’évoquer « une qualité de visionnage exceptionnelle pour revivre les moments forts de chaque journée de championnat »… Une absence de recul et d’objectivité qui ne peut que nuire à la progression d’un système qui n’en est encore qu’à ses balbutiements. Et dont les conséquences sur l’ensemble des partenaires, sponsors, médias, bénévoles, pourraient s’avérer dramatiques. Comment alors renaître de ses cendres ? Comment allier ambition et gestion raisonnée ?
D’abord en rendant le championnat attractif, dans les stades comme devant sa télévision. Cela passe par une communication réfléchie et ciblée, des moyens marketing mis au service des campagnes d’abonnement ou de la publicité pour les soirs de matchs, accompagnés d’une vision sportive de la retransmission des rencontres.
Sans revenir sur des choix de réalisation loin des standards de nos voisins, les commentaires uniquement en luxembourgeois sont par exemple une décision saluée et compréhensible, mais pour le moins discutable non seulement dans un pays où trois langues officielles se côtoient (dont deux sont parmi les plus répandues à l’international), mais surtout pour un sport dont les communautés francophones et lusophones sont surreprésentées. Dans la mesure où la médiatisation de notre sport est un vecteur d’attractivité des scouts, sponsors et éventuels acheteurs de droits d’images, il conviendrait de repenser la niche culturelle dont le Grand-Duché souffre et se revendique en même temps. Car il s’agit bien d’ouvrir la voie à un cercle vertueux : mieux communiquer, mieux diffuser, mieux attirer, y compris les spectateurs parmi lesquels les frontaliers, qui voudront avoir leur place en tribunes pour admirer les talents découverts et vus en boucle en haute définition sur les réseaux. Ce qui est valable pour la division d’élite le sera également pour la Promotion d’Honneur, antichambre de nos meilleurs talents locaux, et évidemment pour la ligue 1 Dames.
C’est le voeu pieux que le président de la FLF, Paul Philip, nous confiait en marge d’une interview sur la sélection : que la BGL Ligue se professionnalise. Et pour cela, il faudrait de nombreux investissements afin de répondre aux critères UEFA en termes de moyens techniques (infrastructures) et surtout humains (staff). Des moyens que certains clubs sont loin d’avoir, et une volonté qui ne fait pas consensus. Il est certain que cela condamnerait certaines équipes à évoluer dans un championnat amateur sans jamais caresser l’espoir ni même ambitionner la montée pour éviter de se retrouver en situation précaire. Sans aller jusqu’à faire de la division d’élite un championnat professionnel, attirer des investisseurs est la seule alternative pour sauver nos clubs d’une mort certaine, au terme d’une lente agonie.
Mais les sponsors et subventions, s’ils constituent le nerf de la guerre, ne font pas tout : encore faut-il que la qualité suive le chemin de la professionnalisation. Et elle ne passe pas que par les joueurs, dont certains de grand talent sont passés par chez nous ou ont fait le choix de rester au Grand-Duché. Nos arbitres par exemple ne sont tout simplement pas au niveau : sur la session de tests physiques FIFA organisée au début de l’été par la FLF, un seul de nos hommes en noir avait réussi l’examen ; et sur celle du mois d’août, deux d’entre eux en sursis ont tout simplement été empêchés de diriger des matchs à l’étranger d’après nos confrères du Wort (13/08). Le vivier d’arbitres étant à sec malgré les multiples campagnes lancées par la FLF, la vocation fuit les esprits comme les terrains. Il faut avouer que bénéficier depuis le 29 juillet d’une « réduction exclusive de 20 % sur l’équipement d’arbitrage dans notre boutique en ligne » (site officiel de la FLF) est loin de compenser les continuelles injures à destination du corps arbitral. Misons sur le fait que la récente nouvelle directive qui interdit les contestations collectives auprès du sifflet et cantonne le périmètre de remontrances au seul capitaine saura créer un climat apaisé à même de susciter de nouvelles inscriptions.
À partir de là, il s’agirait de mieux les former : sur la psychologie des joueurs, la philosophie du football (l’esprit plutôt que la lettre), et surtout dans le domaine de la forme physique. Développer la résistance à la vélocité et une endurance capable d’alterner les temps d’effort et de récupération courts à travers des programmes d’entraînements tels qu’ils sont développés de manière régionale chez nos voisins.
Mieux former et accompagner les entraîneurs diplômés, ce dont la FLF peut se targuer d’avoir fait l’un de ses fers de lance, avec succès – soulignons-le. Et mieux former les joueurs. Il est évident que le CFN de Mondercange est une infrastructure essentielle pour nos jeunes et extrêmement efficace quand on sait que la quasi-totalité des joueurs de l’équipe nationale est passée par ses bancs. Mais il ne peut pas se contenter d’être « l’école de foot » après laquelle il conviendra de passer chez les grands. Des investissements massifs sont attendus pour évoluer de la pré-formation à une véritable formation sans forcément qu’elle devienne synonyme de signature d’un contrat à l’étranger.
Nos championnats nationaux, Ligue 1 Dames et BGL Ligue en tête, ne cessent de progresser en qualité de jeu. Quand bien même le long terme est souvent balayé par le quotidien, malgré les difficultés économiques inhérentes à la conjoncture internationale et locale, il serait plus que temps que tous, FLF, LFL, clubs et acteurs du ballon rond se posent enfin ensemble autour d’une table pour dessiner les contours du football luxembourgeois de demain, et prendre des décisions qui les fassent basculer hors d’un certain… amateurisme.
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