Une idée de jeu, une philosophie d’entraînement et de formation, un projet d’avenir. La FLF a présenté sa méthodologie pour une doctrine globale sur le territoire du Grand-Duché. Décryptage.
À l’occasion d’un atelier de formation des entraîneurs UEFA-A et UEFA-B au siège de la Fédération Luxembourgeoise de Football, Manuel Cardoni, Directeur Technique National, et Claude Campos, Responsable Formation des Entraîneurs à la FLF, ont présenté mi-novembre les clés pour un football made in Luxembourg.
À l’origine, la recherche perpétuelle d’amélioration du CFN de Mondercange et du plafond atteint en matière de structure. Si bien que la question des leviers de progression se pose désormais pour poursuivre le cheminement, salué par l’UEFA, la FIFA ou de grands clubs formateurs européens à l’intérêt grandissant. Et un fait de société : obnubilé par les écrans, les jeunes ont d’autres préoccupations que de passer leur temps libre à tâter le ballon dans la rue ou sur un terrain improvisé. D’où l’émergence d’une méthodologie que Cardoni aimerait voir s’étendre à tout le Grand-Duché. Non pas un formatage ni une religion, mais un accompagnement différencié des coachs pour collaborer vers une patte luxembourgeoise : ce que Vitór Frade, mentor entre autres de Pep Guardiola ou José Mourinho, appelle un « paysage mental du jeu souhaité ».
Divisée en deux strates complémentaires, la technique sert de fondation à toute la méthodologie. Elle s’appuie d’abord sur un entraînement technique basique destiné à être pratiqué uniquement lors de la phase d’échauffement : passes, remises, conduite de balle et premier contact. Le b.a.-ba du football. Associé à un entraînement technique spécifique intégré à la séance : premier contact avec le ballon ou en feintes, passes longues, occupation du terrain de façon équilibrée (principe du 50/50 droite/gauche).
Il s’agit de travailler sous forme de rondos avec le ballon en travaillant les passes : d’appui ou de soutien, verticales et diagonales, dans les petits espaces. Mais aussi sans le ballon avec les reconversions (occuper rapidement les positions offensivement et défensivement), le contre-pressing à la perte de balle, le positionnement.
Quand on parle de comportements à adopter sur un terrain, on ne peut faire l’impasse sur le concept en vogue de « périodisation tactique », le développement des quatre différentes phases de production au cours du jeu, entre organisations défensive et offensive et transitions.. Pour Manuel Cardoni, la clef est de toujours « défendre en avançant, surtout à la perte de balle ». Et pour y parvenir, « il faudrait apprendre à lâcher les exercices analytiques, le cardio, à ne plus être dans le contrôle pour vraiment se concentrer sur le coaching. » Les cas de possession stérile sont légions, et le situationnel permet de concrétiser ces phases de domination : travailler des routines donne aux joueurs l’habitude de prendre des informations, y compris sous pression adverse. Les courses à haute intensité peuvent également aider à presser haut, tout comme les courses « gratuites », dans le dos de la défense, des appels en forme de leurres.
Le jeu dans de petits espaces est probablement ce qui manque le plus à l’instinct du jeune joueur aujourd’hui, parce qu’il n’a pas l’habitude des dribbles en City stade ou sur un terrain vague. Il faut alors « encourager la créativité dans un jeu avec beaucoup de contacts ». On imagine donc des sessions d’infériorité ou supériorité numérique pour amener des situations répétées de duels en un-contre-un, ou encore des phases avec interdiction de jouer avec le gardien pour toujours aller de l’avant.
Le DTN de la fédération insiste : on ne doit pas produire d’entraînement purement tactique avec les joueurs jusqu’en U16 inclus. En revanche, il s’agit de demander aux jeunes la compréhension de grands principes comportementaux, avec des zones d’infiltration, des touches de balles limitées, des règles de provocation pour l’une des deux équipes. Les jeux à thème permettent alors d’envisager la tactique de manière instinctive pour la reproduire en match.
Car ces cinq piliers de la méthodologie FLF ont l’avantage de pouvoir être tous réinvestis en situation de jeu et de se nourrir des rencontres en compétition. De manière à ne plus jamais assister à des purges en termes de contenu et que le football luxembourgeois devienne une référence en matière de jeu. « De jeu mais aussi de joie », rappelle Manuel Cardoni. Les objectifs sont multiples : avec ballon tout d’abord, réussir à sortir du premier tiers du terrain en jouant puis avoir la possession pour avancer en bloc et préparer les actions, avant de laisser libre court aux joueurs de prendre des risques, provoquer le un-contre-un et chercher la finition. Sans ballon, les buts à atteindre sont un pressing haut, une défense vers l’avant dans l’entre-jeu et compacte en cherchant le duel dans le dernier tiers.
Le tout décliné selon les classes d’âge : jusqu’en U13, travailler en petits groupes avec une intensité moyenne et une pédagogie de répétition ; en U14 et U15, exiger des principes comportementaux tactiques avec ou sans ballon avec une intensité élevée dans des groupes de taille moyenne ; entre U16 et U19, consolider avec des grands groupes l’entraînement tactique et renforcer les scénarios conditionnés : c’est le principe du « si je suis dans telle situation, alors je… ».
Le meilleur indicateur de cette méthodologie pourrait s’avérer l’équipe nationale U21, selon son propre coach Dan Huet. « Les meilleurs sont en équipe A, donc on voit le résultat de plusieurs années de formation interne chez les U21. 37 joueurs sur les 45 du cadre ont eu du temps de jeu sur les 10 derniers matchs internationaux » : de quoi avoir une vision d’ensemble sur les premiers résultats. Agir en bloc, presser haut, pousser l’adversaire sur un côté : à étudier les vidéos des rencontres contre la Serbie, l’Angleterre, l’Azerbaïdjan et l’Ukraine, force est de constater que les principes de la méthodologie FLF sont mis en application, qu’ils soient couronnés de succès ou réduits à néant par les scénarios de jeu.
« Il faut aussi accepter de ne pas presser 90 minutes et avoir des temps de récupération », tempère le sélectionneur, qui travaille également les phases arrêtées : corners, coups-francs, mais aussi les touches, trop souvent oubliées dans les séances. « Pour garder la possession sur une touche, il y a deux secrets : jouer en arrière, et le plus vite possible ! ». Mais Dan Huet est surtout un ardent défenseur de ce jeu à la luxembourgeoise, qu’il promeut dans son groupe avec l’organisation de nombreuses réunions aux participants divers (team au complet, staff, entraîneurs uniquement, joueurs, entretiens individuels…) lors des stages. Il s’agit d’arriver à ce que tout le monde soit en phase avec les principes de jeu prônés, avec ou sans ballon.
Un message clair, commun, prodigué avec passion et conviction aux entraîneurs présents comme autant d’ambassadeurs, mais un message qui peine à s’appliquer en-dehors du CFN. Pas une religion, mais un besoin réel de missionnaires pour prêcher la parole dans les clubs… « L’école de foot », un vœu pieux réservé à Mondercange ? Pas forcément à en croire les différentes réformes détaillées par Claude Campos sur les dimensions des terrains ou des buts et le nombre de joueurs chez les plus jeunes, même si bien des obstacles se dressent encore, au niveau des équipements mais aussi face à la réticence de certains dirigeants.
Ces réformes pourtant vont dans le bon sens, toujours dans l’optique de pallier l’absence de jeux spontanés : « marquer plus de buts, avoir plus de contacts avec la balle, provoquer plus d’intensité, produire plus de courses verticales », et faire ainsi en sorte que dès le plus jeune âge, l’habileté avec le ballon soit inhérente au plaisir de jouer. À terme, cette méthodologie et ces principes de jeu nous permettraient d’identifier immédiatement une équipe luxembourgeoise : on tient le pari ?
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