Ils font le football luxembourgeois : 6e à 10e

10e. La fratrie Thill

Après leurs parents Nathalie et Serge, c’est au tour des rejetons Sébastien, Olivier et Vincent, avant Marek peut-être, d’entretenir la « Thillmania ». Peu de familles peuvent en tout cas se vanter d’avoir fait accéder trois ans de leurs enfants au football professionnel ! 

À tout seigneur tout honneur, commençons par l’aîné de la fratrie, Sébastien, né en 1993. On a bien cru que « Séba » passerait l’ensemble de sa carrière à user ses crampons du côté de la BGL Ligue. Mais finalement, après une expérience qui tourne court à Tambov en Russie, il rejoint le Sheriff Tiraspol en Moldavie. Le 28 septembre 2021 en fin de soirée, il va faire hurler de joie et de stupéfaction les fans de football de toute l’Europe en inscrivant un but d’anthologie face au Real Madrid sur sa pelouse de Bernabéu. Il permet du même coup au Sheriff de créer la sensation en s’imposant chez les « Merengues », et il devient aussi le premier buteur luxembourgeois en Ligue des champions. Depuis 2022, c’est du côté de l’Hansa Rostock que Sébastien évolue, tandis qu’avec la sélection, il compte aujourd’hui 28 capes pour deux buts. 

Après Sébastien, on retrouve Olivier. Né en 1996, le milieu de terrain a – comme son aîné – fréquenté un bon moment le Progrès avant de prendre son envol à l’étranger. Direction la Russie et Ufa en 2018, pour sa première expérience internationale. C’est dans l’Ukraine voisine que sa carrière va se poursuivre, avec un passage au Vorskla Poltava. Sa carrière va prendre un tournant que rien ne pouvait laisser présager lorsque le 24 février 2022, la Russie de Vladimir Poutine va envahir l’Ukraine. Contraint de fuir le pays, Olivier a depuis trouvé refuge à Eyüpspor en Turquie. 

Vient ensuite Vincent. Enfant prodige, il fait ses classes au FC Metz et marque l’histoire du football européen en devenant le premier joueur né dans les années 2000 à faire son entrée en jeu dans un match du top 5 européen, alors qu’il est âgé de seulement 16 ans et 231 jours. Prêté successivement à Pau puis Orléans, il rejoint ensuite le Portugal et le Nacional Madère. Tout comme son frère Olivier, il fait un passage au Vorskla Poltava, qu’il est contraint de quitter en raison du conflit russo-ukrainien. Direction la Suède à Örebro puis l’AIK Solna. 

9e. Carlos Fangueiro

Sa voix porte sur le bord des terrains du Grand-Duché. Parfois sur ses joueurs, parfois envers les arbitres. Carlos Fangueiro est un personnage incontournable du football luxembourgeois depuis son arrivée il y a un peu plus de dix ans. Et plus que pour ses gueulantes, le Portugais de 46 ans est réputé pour ses qualités de technicien et la qualité de jeu produite par son équipe. Ses résultats parlent pour lui. La saison passée, l’entraîneur lusitanien a remporté le championnat avec Dudelange et s’est incliné en finale de Coupe face au Racing (2-1). Avant d’être une référence du pays, Fangueiro a posé ses valises au Luxembourg à Bissen, en 2012. Loin, bien loin des joutes du football professionnel auxquelles il a été habitué pendant près de vingt ans. De son Portugal natal jusqu’à la Chine, l’ancien milieu offensif a pas mal bourlingué. Après des débuts à Leixões, l’ancien international (des U15 aux U18) s’installe au Vitoria SC et dispute 105 matchs de première division avec le club de Guimarães. Le Portugais comptabilise notamment 149 matchs de Liga, 1 match de Coupe de l’UEFA (Vitoria SC) ou encore 5 de Coupe Intertoto avec Leiria. À l’aube de la trentaine, Fangueiro part à la conquête du football mondial. Quoi de mieux que l’Angleterre, temple du football, pour commencer son voyage ? Une saison en Championship avec Millwall (D2 anglaise), une en League Two (D4), puis une pige de quelques mois à Ionikos Nikaia, en première division grecque. Entre 2005 et 2007, Fangueiro ne dispute que 18 matchs et décide de rentrer au bercail. D’abord à Vizela, en deuxième division, puis à Beira-Mar, où il inscrit 11 buts en 42 matchs entre 2008 et 2010. Pas mal, pour un mec en bout de course à l’étranger. Après une saison au Viêt Nam sans jouer, Carlos Fangueiro boucle la boucle à Leixões et atterrit à Bissen, comme entraîneur-joueur dans un premier temps, puis comme coach à plein temps de 2013 à 2016. Recruté par Pétange comme directeur sportif en 2016, il retrouve la saveur du banc de touche comme intérimaire pendant quelques mois. Nommé entraîneur en 2019, son aventure prend fin prématurément avec la crise sanitaire liée au covid. Désormais à Dudelange, l’entraîneur portugais maintient le F91 en haut de l’affiche, même si la concurrence avec le Swift Hesperange est rude.

8e. Gerson Rodrigues

Fantasque sur le terrain et en dehors, Gerson Rodrigues est une véritable vitrine pour le football luxembourgeois. Taulier de la sélection, joueur pro à l’étranger en club, l’attaquant a activement participé à la deuxième place historique de sa sélection en phase de poules de Nations League (11 points) en inscrivant deux buts face à la Turquie (3-3) et la Lituanie (1-0). Résultat : quatre buts sur ses huit derniers matchs officiels avec l’équipe du Grand-Duché. Depuis juin 2022, le natif de Pragal évolue à Al-Wehda, en Arabie saoudite. Une destination exotique surprenante pour le joueur âgé de seulement 27 ans. Prêté par le Dynamo Kiev, le joueur avait fui la guerre en Ukraine en mars 2022 en passant six mois en prêt à Eyüpspor, aux côtés d’un certain Olivier Thill, en deuxième division turque. Gerson avait pourtant passé une bonne partie de cette saison 2021-2022 en Ligue 1, à l’ESTAC. Cerise sur le gâteau, l’ancien joueur du Fola avait même inscrit son – seul – but avec Troyes lors de son premier match avec le club de l’Aube, à Metz, au stade Saint-Symphorien. Comme un clin d’œil du destin, puisqu’il y a évolué de 11 à 14 ans, avant d’être renvoyé pour son comportement à l’école.

12 clubs en 8 ans, dans 8 pays !

Viré de Metz en jeunes, licencié de Troyes chez les grands : Gerson Rodrigues traîne derrière lui quelques casseroles. Les stigmates d’une enfance difficile, où il quitte son Portugal natal à l’âge de seulement 10 ans pour rejoindre sa mère, installée au Luxembourg. Après un an au Racing, le FC Metz tape à la porte. En Moselle, il forme un tandem du tonnerre avec Maxwel Cornet, aujourd’hui à West Ham, mais le Luxembourgeois a du mal à suivre à l’école et vit mal l’éloignement de son cocon familial. Le club grenat et sa famille décident donc de rapatrier le petit Gerson de l’autre côté de la frontière, mais pas à la maison. Placé au centre socio-éducatif de Dreiborn, il découvre la musculation, la capoeira, s’entraîne au Swift Hesperange en parallèle et, surtout, accepte enfin une certaine discipline. Après un passage à Kayl-Tétange, ses deux bonnes saisons au Racing et au Fola, avec qui il découvre la Coupe d’Europe, lui ouvrent les portes du monde professionnel, au SC Telstar, en deuxième division néerlandaise. Après les Pays-Bas, Gerson passe par la Moldavie, le Japon, l’Ukraine, où il découvre la Ligue des champions avec le Dynamo Kiev, la Turquie et la France. Avec 12 clubs en 8 ans dans 8 pays différents, à bientôt 28 ans, sa carrière et son passeport sont bien remplis, mais son parcours laisse un goût d’inachevé. Le maintien en Saudi Pro League a remplacé les matchs de prestige face au FC Barcelone ou la Juventus Turin. GR10 – le titre d’une musique en son honneur – a récemment organisé un stage de foot à Hostert et détient aussi sa propre marque de vêtements. Alors, l’avenir de Gerson Rodrigues se dessine-t-il sur un banc de touche ou dans le monde de la mode ? Réponse dans une dizaine d’années, sa retraite peut encore attendre.

7e. Anthony Moris

On a parfois l’impression de se répéter, mais la trajectoire même de la carrière d’Anthony Moris est tout bonnement extraordinaire. Car alors que le portier a malheureusement échoué aux portes des demi-finales d’Europa League avec son club de l’Union saint-gilloise, les années où les genoux brisés passaient proche de stopper la carrière du gardien titulaire de la sélection nationale semblent loin derrière. L’histoire d’Anthony Moris, c’est avant tout celle d’un passionné, d’un acharné de travail, d’une personne au talent certain, qui ne renonce jamais. Ni les ligaments croisés genou gauche, ni les ligaments croisés genou droit, ni la rupture d’un ménisque n’ont su abattre la détermination du gardien naturalisé Luxembourgeois, qui a toujours su revenir.

Et, au-delà des blessures, les différents « accidents de parcours », que cela soit à Malines, au Standard de Liège, ou encore à Virton n’ont, eux non plus, jamais réussi à empêcher Moris de continuer à croire en lui, en ses capacités, et en ses rêves de grandeur. Une ténacité spectaculaire qui permet aujourd’hui au portier de s’offrir des rencontres à guichets fermés, avec le statut de meilleur portier de la Jupiler League et d’intouchable en sélection. Lors d’un très long entretien dans nos colonnes, Moris avait parlé de deux rêves restants pour lui : remporter un « grand » titre avec son club de cœur, et atteindre une compétition internationale avec le Luxembourg. Alors que l’Union saint-gilloise peut encore remporter la Jupiler League, son premier rêve semble de plus en plus proche. Le second, lui, devient véritablement accessible au vu de la progression constante de la sélection nationale ces dernières années. Un destin déjà extraordinaire, qui pourrait devenir encore plus fou. De quoi surprendre le monde entier, sauf Anthony Moris lui-même, qui n’a jamais arrêté de croire en la possibilité d’atteindre tous ses objectifs. Une détermination qui peut servir d’exemple au Grand-Duché, souvent nourri d’un complexe d’infériorité, et qui pourra en inspirer un grand nombre, jeunes comme plus âgés, pour ne jamais lâcher et tout donner, sans regret, jusqu’à la dernière seconde.

6e. Jeff Strasser

Il est toujours complexe, après une brillante carrière de joueur, de se convertir au rôle d’entraîneur. Un exercice pour lequel bon nombre se sont ratés, ne parvenant pas à s’offrir une trajectoire aussi réussie que lorsqu’ils gambadaient sur un terrain. Tout le contraire de Jeff Strasser qui, au fil des années, s’est offert une réputation et un palmarès qui forcent le respect.

C’est en 2012 que la carrière du technicien va véritablement débuter sous l’égide du Fola, qu’il entraînera de longues années. Champion en 2012-201313 et 2 014-2015, Jeff Strasser grossit le palmarès du club doyen avant de s’offrir une expérience en Allemagne, au sein de Kaiserslautern. Une pige de courte durée pour le technicien, à cause de soucis d’ordre médical qui ne lui permettent pas de prolonger l’aventure dans le club allemand. Un arrêt au final plutôt court puisque dès l’année suivante, Strasser retourne au Fola pour deux saisons, avant de rejoindre Hesperange pour un très bref laps de temps. Une idylle rapide, l’impatience démesurée de Flavio Becca en termes de résultats pour un club promu ne fonctionnant pas avec le désir de construction de son coach. La séparation étant actée, le coach reprend du poil de la bête du côté de la Jeunesse où, malgré une situation extrasportive assez chaotique, le coach fait une saison réussie compte tenu des moyens à sa disposition. Un succès qui attire l’œil du Progrès Niederkorn qui, après deux saisons décevantes, veut absolument retrouver l’Europe. Un objectif déjà acquis au moment où nous écrivons ces lignes, car après une première partie de saison intéressante, Niederkorn s’offre tout simplement le meilleur bilan de la seconde phase et peut encore rêver de victoire en Coupe. 

Proche de ces joueurs, fidèle à sa philosophie de jeu et dans l’apprentissage constant, Jeff Strasser est la success story du Luxembourg, tant dans sa carrière de footballeur que d’entraîneur. Avec une moyenne supérieure à deux points par match lors de ses deux piges au Fola, et de nouveau cette saison au Progrès Niederkorn, à qui il devrait permettre de retrouver l’euphorie de l’aventure européenne, Strasser s’impose assurément comme l’un des entraîneurs incontournables au sein du Grand-Duché et revêt, assez logiquement, le statut de candidat légitime à la reprise des Roud Léiwen, en cas de départ de Luc Holtz.

Dernières nouvelles